Colloque international - 16 mai-17 mai 2019 Université de Lorraine
Appel à communication Colloque international
Narrations auctoriales dans l’espace public : comment penser et raconter l’auteur ?
16 mai-17 mai 2019 Université de Lorraine
Responsables : Carole Bisenius-Penin (Université de Lorraine) et Jeanne Glesener (Université de Luxembourg)
A partir d’une revue de presse succincte, on observe que le monde du livre en 2018 aura particulièrement été marqué par un contexte spécifique, tant au niveau mondial avec la consultation lancée par l’Unesco sur les politiques et les mesures prises pour soutenir les droits économiques et sociaux des artistes, qu’au niveau européen par le biais des polémiques et tensions portant sur la directive du Parlement relative au droit d’auteurs. Actuellement, on assiste à une démultiplication des narrations en fonction des intervenants (journalistes, écrivains, politiques...) et prises de décisions comme l’émergence en France des mouvements #PayeTonAuteur et #AuteursEnColère ou encore la récente création de la Ligue des auteurs professionnels, ayant comme objectif de « sauvegarder le métier et améliorer les conditions de création de tous les auteurs »1. Cette mobilisation et les discours qui en découlent interrogent, tout en nous renvoyant à la question du positionnement des écrivains dans la société contemporaine et aussi à la façon dont l’auctorialité se raconte. En effet, on peut s’interroger à partir des divers champs de recherche des sciences humaines et sociales et en fonction des producteurs : quels sont les enjeux identitaires (comment se définir et se protéger ?), symboliques (comment être reconnus ? se positionner ?) ou de pouvoirs (comment gérer les rapports de force au sein du milieu littéraire ?) identifiables ?
Ce colloque est ainsi l’occasion de repenser, dans la continuité de travaux menés en sociologie (B. Lahire, 2006 ; G. Sapiro, 2007) et en littérature notamment (A. Viala, 1985 ; R. Amossy, 2002 ; J. Meizoz, 2016 ; C. Künzel et J. Schönert 2007 ; M. Schaffrick et M. Willand 2014), la notion d’auctorialité afin de montrer comment la fonction d’auteur se caractérise par une mise en scène, des postures et une stratégie, c’est-à-dire une façon d’occuper une position en fonction de divers processus de création et de marqueurs institutionnels.
Comment l’auteur est-il modélisé ? Quelles représentations de l’auteur et de la littérature émanent des narrations actuelles ? Quels impacts sur le milieu littéraire ? Comment les formes de médiation de la littérature contemporaine peuvent-elle permettre aux publics de créer du lien avec l’écrivain et d’ « entrer » dans la culture ?
Cette première manifestation s’inscrit dans le programme de recherche intitulé « Obslit » financé par le ministère de la Culture (Drac Grand Est) et porté par le Centre de recherche sur les médiations (Crem, Université de Lorraine), en étroite collaboration avec l’Université de Luxembourg. Dans une approche comparée et transfrontalière, il repose sur la création d’un observatoire du milieu littéraire franco-luxembourgeois ayant comme objectif d’étudier les relations, les médiations qui se nouent entre les différents systèmes et aires culturelles, c’est-à-dire les auteurs, les institutions culturelles et les publics. Cette recherche s’articule autour de la notion de « milieu littéraire » en tant que système relationnel et différentiel (champ de forces) où chaque auteur/agent occupe une position plus ou moins dominante/dominée et plus ou moins innovante/conservatrice liée à son capital accumulé de légitimité spécifique (capital symbolique). A partir de la production des données d’enquête (entretiens, questionnaires, étude des publics) et dans une perspective transdisciplinaire, il s’agit d’étudier les pratiques et les politiques culturelles relatives à la filière du livre, mises en œuvre dans les deux pays.Dans un souci de cohérence et de hiérarchisation, les recherches de l’observatoire s’articulent autour de trois axes systémiques : le monde du livre, sa réception en milieu scolaire et enfin, les formes de médiations culturelles qui en émanent.
1 Extrait du communiqué de presse de la Ligue des auteurs professionnels, 6 septembre 2018 en ligne : https://ligue.auteurs.pro
Au-delà des territoires français et luxembourgeois, ce colloque privilégiera donc la problématique de l’auctorialité sous trois formes :
1) Postures auctoriales dans l’espace public
Autorité et auteur rivalisent dans la langue française ; ils sont étymologiquement liés. Tous deux sont dérivés de « auctor ». D. Maingueneau distingue trois dimensions dans la notion d’auteur : « l’auteur- répondant » qui se porte garant de son texte et en répond, en assume toute la responsabilité, « l’auteur-acteur » dont l’activité s’organise autour de la production de ses écrits sans que cette production ne constitue sa profession – c’est le cas des intellectuels, des journalistes, de certains écrivains - et enfin « l’auteur-auctor » qui se présente comme une instance douée d’autorité. Pour assumer cette dimension auctoriale, l’auteur doit être identifié en association à une œuvre. Cette « image d’auteur » lui est donc attribuée par un tiers au vu de l’ensemble constitué par ses écrits publiés au sein de l’espace publique, mais comment penser et raconter cette auctorialité ? Quels sont les discours des institutions sur les auteurs et les postures auctoriales des écrivains face aux institutions ?
2) Figures de l’auteur à l’école
Si la notion d’auteur est inférée dans les prescriptions concernant l’écriture littéraire, le mot auteurn’y fait que de rares apparitions. Néanmoins, le milieu scolaire valorise l’artiste reconnu par rapport à ses œuvres, considérées comme majeures : des « grands romans », des « grands textes de la littérature » ou des « auteurs à étudier ». Par ailleurs, l’école met en scène une deuxième figure d’auteur : l’élève énonciateur de ses propres productions, auteur « d’exercices d’écriture personnelle ou de reformulation », d’écrits dits « d’invention », ou « d’intervention », comme l’indiquent les projets de programmes scolaires. Dans le premier cas, l’auteur tient son autorité de sa notoriété, en « incarnant » les canons en vigueur, au niveau des prescriptions et des pratiques. Quelle fonction, dès lors, la figure de l’auteur occupe-t-elle dans les pratiques de lecture des élèves ? Enfin, ces dernières années, le processus de légitimation des auteurs via la « canonisation » scolaire est concurrencé par la catégorie de l’auteur jeunesse, qui interroge à nouveaux frais, l’identité de l’auteur tant à l’école que dans le milieu éditorial (Massol et Quet, 2011). Dans le second cas, l’auctorialité est conférée ponctuellement à l’élève dans le contexte spécifique d’une situation didactique. Cependant, les tenants de l’écriture littéraire scolaire veillent à éviter l’écueil d’une homologie de l’élève et de l’écrivain (Perrin, 2009), ils préfèrent attribuer à l’élève le statut d’écrivant (Daunay, 2003). Une autre question freine les pratiques d’écriture créative dans le secondaire : la fragile articulation entre recherche, formation et enseignement. Les ressources pour le collège et le lycée (Vibert, 2013) facilitent cette articulation. A. Boissinot (2015) évoque, à son tour, trois entrées dans l’écriture littéraire scolaire : l’entrée par les rencontres, l’entrée par les pratiques et l’entrée par l’analyse ; trois entrées que les recherches internationales soulignent. Ces points de convergences attestent de la nécessité de cette articulation et du fait que l’écriture de création littéraire reste un domaine scolaire de pratiques à explorer. Mais comment au sein de l’école la jeunesse peut-elle à partir de l’auctorialité construire la littérature et la pratiquer ?
3) Mises en scène de l’auteur et territoires
La notion de médiation culturelle a fait l'objet de travaux en sciences de l’information et de la communication (Caune, 1999 ; Davallon, 2003) et en sociologie de la culture (Caillet, 1995 ; Hennion, 1993) visant à situer historiquement ses conditions d'apparition et les principaux courants théoriques qui la supportent (Dufrêne, Gellereau, 2001). Cette notion, fondée sur deux métaphores, celle du « passage » et celle du « lien social », s'applique, dans le champ de la culture notamment, à des pratiques mettant la question du public au centre de la démarche. L’intérêt ici est d’analyser les mises en scène de l’auteur sur les territoires en fonction des types de médiations culturelles élaborées, du point de vue à la fois des producteurs et des structures. En effet, la médiation s’avère un discours d’accompagnement nécessaire, un intermédiaire entre l’offre culturelle et l’état des publics pré-constitués qui permet certes de penser le lien entre la figure de l’écrivain et les publics, mais ne doit pas faire oublier les injonctions des diverses institutions culturelles (Lafortune, 2012) faites aux auteurs qui nécessitent en permanence ajustements et équilibrages dans l’espace public en fonction des dispositifs utilisés. Entre « ethos » (Amossy, 1999) « scénographies auctoriales » (Diaz, 2007) et imaginaire social, comment se construisent les représentations de l’auteur sur les territoires et selon quelles visées ?
Modalités :
Le colloque se déroulera le 16 et 17 mai à l'Université de Lorraine, Campus du Saulcy (Metz).La langue de travail sera le français.
Chaque participant disposera de 20 minutes pour sa présentation.
La proposition de communication (environ 5000 signes), au format Word ou PDF, ainsi qu’une brèvenotice bio-bibliographique (profession, domaine de recherche, institution, publications) est à faire parvenir à l'adresse suivante :
carole.bisenius-penin@univ-lorraine.fr jeanne.glesener@uni.lu
Calendrier
Comité d’organisation :
Carole Bisenius-Penin (Université de Lorraine), Karen Cayrat (Université de Lorraine),
Claudio Cicotti (Université de Luxembourg), Jeanne Glesener (Université de Luxembourg), Aurore Promonet-Therese (Université de Lorraine), Tonia Raus (Université de Luxembourg),
Delphine Saurier (Audencia business school, Nantes).
Les contributions attendues peuvent explorer l’un ou plusieurs des axes proposés, en privilégiant des considérations théoriques dans une approche réflexive ou une recherche plus empirique à partir d’investigations de terrain passées ou en cours, en France, comme à l’étranger. Les approches comparatives et transdisciplinaires (sciences de l’information et de l’information, sociologie, littérature, sciences de l’éducation, sciences du langage, didactique...) sont également les bienvenues.
Date limite d’envoi des propositions (résumés) : 30 janvier 2019
Réponses aux auteurs : 28 février 2019
Comité scientifique :
Raphaël Baroni, (Université de Lausanne, Suisse)
Bruno Blanckeman (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, France)
Gustavo Bombini (Université de Buenos Aires, Argentine) Marie-Christine Bordeaux (Université Grenoble Alpes, France)
Bertrand Daunay (Université de Lille, France)
Pascale Delormas (Université Paris-Est Créteil, France)
Till Dembeck (Université de Luxembourg)
Jean-Louis Dufays (Université de Louvain, Belgique)
Jean-Marie Lafortune (Université du Québec à Montréal, Canada) Jérôme Meizoz (Université de Lausanne, Suisse)
André Petitjean (Université de Lorraine)
Denis Saint-Amand (Université de Namur et Université Saint-Louis de Bruxelles, Belgique)
Jacques Walter (Université de Lorraine)
Bibliographie indicative :
Amossy, R. (dir.),Images de soi dans le discours.La construction de l’ethos, Lausanne-Paris, Delachaux & Niestlé, 1999.
Baroni R., Les Rouages de l'intrigue - Les outils de la narratologie postclassique pour l'analyse des textes littéraires, Genève, Slatkine 2017.
Barthes, R., « La mort de l'auteur » in Critique et Vérité, Paris, Seuil, 1968.
Becker Howard, Les Mondes de l’art, Flammarion, Paris, 1988.
Bénichou P., Le Sacre de l'écrivain, 1750-1830, Paris, Corti, 1985.
Bishop, M.-F. et Ulma D., «Approche historique et comparatiste de la place de la littérature à l’école», in La Littérature à l’école, enjeux, résistances, perspectives, M. Lebrun, A. Rouxel et C. Vargas (dir.), Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2007, p. 63-88. Blanckeman, B. et Havercroft, B., Narrations d’un nouveau siècle (romans et récits français, 2001- 2010), Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2013
Boissinot, A., « Les programmes officiels : production, contenus, réception », Recherches textuelles,14, 2015, p. 39-58.
Bombini, G., La Literatura entre la enseñanza y la mediación, Bogotá. Editorial Panamericana, 2017.Bourdieu P., Les Règles de l'art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992.
Bordeaux, M.-C., «La médiation culturelle. Des dispositifs et des modèles toujours en tension », L'Observatoire, vol. 51,1, 2018, p. 5-8.
Caune, J., Pour une éthique de la médiation. Le sens des pratiques culturelles, Grenoble, PUG, 1999.Compagnon, A., Le Démon de la théorie. Littérature et sens commun, Seuil, 1998.
Daunay, B., « Les discours sur l’écriture d’invention et les frontières de la discipline », Recherches, 39, 2003, p.39-67.
Davallon, J., « La médiation, la communication en procès? », Médiation et information, n° 19, 2003, p. 54-55.
Delormas, P., Maingueneau D., et Ostenstad, I. (dirs), Se dire écrivain. Pratiques discursives de la mise en scène de soi, Limoges, Lambert-Lucas, 2013.
Diaz, J.-L., L’écrivain imaginaire, scénographies auctoriales à l’époque romantique, Paris, Champion, 2007.Dufays, J.-L., Gemenne L. et Ledur D., Pour une lecture littéraire, Bruxelles, De Boeck, 1996. Foucault, M., « Qu'est-ce qu'un auteur ? » (1969), Dits et Écrits, t. I, Paris, Gallimard, 1994. Habermas, J., L’Espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1993.Heinich N., Être écrivain. Création et Identité, Paris, Editions la Découverte, 2000.
Heinich N., De la visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Gallimard, 2012. Künzel, C., Schönert J. (dirs), Autorinszenierungen. Autorschaft und literarisches Werk im Kontext der Medien, Würzburg, Königshausen und Neumann, 2007.
Lafortune, J.-M., La Médiation culturelle : Le sens des mots et l'essence des pratiques, Québec, Presses Universitaires de Québec, 2012.
Lahire, B., La Condition littéraire. La double vie des écrivains, Paris, La Découverte, 2006.
Lamizet, B., La Médiation culturelle, Paris, L’Harmattan, 2000.
Lavialle, N., et Puech, J.-B. (dirs.), L'Auteur comme œuvre. L'auteur, ses masques, son personnage, sa légende, Presses universitaires d'Orléans, 2000.
Leucht, R., et Wieland, M. (dirs.), Dichterdarsteller. Fallstudien zur biographischen Legende des Autors im 20. und 21. Jahrhundert, Göttingen, Wallstein Verlag, 2016.
Maingueneau, D., Le Contexte de l’œuvre littéraire. Enonciation, écrivain, société, Paris, Dunod, 1993. Massol, J.-F. et Quet, F. (dirs.), L'Auteur pour la jeunesse, de l'édition à l'école, Grenoble, UGA Éditions, 2011.
Meizoz, J., La Littérature « en personne ». Scène médiatique et formes d'incarnation, Genève, Editions Slatkine, 2016.
Perrin, D., « Pour une approche épistémologique de l’écriture littéraire à l’école. Problèmes et enjeux du paradigme de l’intention créatrice », Repères, n°40, 2009, p.9-36.
Ruffel D., « Une littérature contextuelle », Littérature, n°160, 2010, p. 61-73.
Sapiro, G. et Rabot C. (dirs.), Profession ? Écrivain, Paris, CNRS, 2017.
Schaffrick, M., et Willand, M. (dirs.), Theorien und Praktiken der Autorschaft, Berlin, De Gruyter, 2014. Sève P., « La figure de l’auteur dans l’activité interprétative des sujets lecteurs à l’école »,Recherches & Travaux, n° 83, 2013, p. 91-100.
Tauveron, C. (dir.), Lire la littérature à l’école, Paris, Hatier, 2002.
Viala A., Naissance de l'écrivain : sociologie de la littérature à l'âge classique, Paris, Minuit, 1985. Vibert, A., « Faire place au sujet lecteur en classe : quelles voies pour renouveler les approches de la lecture analytique au collège et au lycée ? », Séminaire national, mars 2011. Ressource en ligne sur le site de l’Education nationale : http://eduscol.education.fr.
Weiser, J., Ott, C. (dirs.), Autofiktion und Medienrealität. Kulturelle Formungen des postmodernen Subjektes, Heidelberg, Winter, 2013.
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