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Lire aussi la synthèse de la conférence par Joëlle Thébault : "Que faut-il retenir à la veille de la publication des recommandations du jury ?"
Michel Lussault - Ouverture
Le CNESCO et l’IFE sont associés pour l’organisation de conférences de consensus : l’objectif est de faire le point sur un certain nombre de sujets sur lesquels nous avons le devoir de faire le point. La passion de la France pour l’école justifie que la recherche en éducation fasse le lien avec l’école et la société. Le jury de la conférence fait de la rencontre entre chercheurs et terrains la matière même de ses propositions. Avoir de bons experts scientifiques est nécessaire, mais ce qui est décisif dans une conférence de consensus c’est que cette parole des experts rencontre un auditoire intéressé aux affaires d’éducation. Le jury a une responsabilité de représentation des parties prenantes de la question, afin de transformer le matériau en recommandations. Ce qui est important, c’est en effet de dépasser le colloque.
Quelques remarques au sujet des recommandations : ne confondons pas les rôles :
- Ni l’IFE ni le CNESCO n’ont la charge des politiques publiques, la conférence de consensus fait des suggestions, les responsables de politiques publiques ensuite font et assument leurs choix ;
- Les bonnes recommandations ne sont pas forcément les plus héroïques ni les plus spectaculaires ; en France les recommandations les plus modestes ont les chances d’être les plus efficaces ;
- Quelles différences par rapport au contexte de 2003 ? Des recherches ont été faites et de nouvelles préoccupations sont apparues. En particulier dans la perspective de la réussite tout au long de la vie, les déficits en littératie ont des incidences nouvelles. L’important se situe dans la relation entre les trois termes qui donnent son titre à la conférence, et c’est la compréhension qui doit être placée au centre.
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Olivier Dezutter – Introduction : de la conférence de 2003 à la conférence de 2016
O. Dezutter débute avec une citation de Pef, Petit éloge de la lecture : « Nous sommes tous venus au monde pour découvrir cette chance qu’est la lecture. » Nous sommes réunis pour déterminer ce qui devrait être fait pour que tous les élèves qui nous sont confiés puissent entrer dans la lecture, lever le coin du voile et entrer dans sa magie. Dans un petit exercice de lecture proposé, « Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage », quels sont les processus mis en œuvre ?
La lecture est une activité complexe qui fait appel à des savoirs multiples :
- la sélection du mot qui convient parmi des homophones (cent/sans/sang – fois/foi/foie),
- la reconnaissance de mots courants (sur, le, votre),
- une connaissance large du lexique (métier, ouvrage),
- une connaissance de la conjugaison,
- l’usage de l’interpellation-incitation,
- une anticipation de la maxime,
- la compréhension d’un sens second,
- les guillemets indiquant une citation
- le référent culturel : Boileau, Art poétique.
Et pourquoi cette maxime ? Elle fait sens ; il faut une fois de plus remettre l’ouvrage sur le métier, une fois de plus s’interroger sur la lecture.
La lecture a déjà fait l’objet d’une conférence de consensus en 2003 ; rappelons ce qui avait fait consensus à l’époque :
- la volonté de dépasser les querelles portant sur les méthodes, puisqu’il est nécessaire de travailler simultanément le code et le sens ;
- l’importance de l’automatisation de mécanismes de base et de stratégies ;
- l’importance de l’explicitation (dans les programmes 2016 : importance de la métacognition), pour les élèves eux-mêmes et pour leurs parents ;
- la compréhension peut et doit s’enseigner ;
- la nécessité de construire didactiquement le lien lecture-écriture ;
- la nécessité de mettre en place de nouvelles recherches sur les difficultés de compréhension et sur les méthodes d’apprentissage.
Ce qui a changé depuis 2003 :
- du côté du pilotage institutionnel : un pilotage très volontariste, avec plusieurs révisions des programmes ; 2006 Apprendre à lire (importance du décodage et de la reconnaissance des mots) – 2008 programmes de primaire, et leur évaluation en 2013 – 2010 plan de prévention de l’illettrisme (à travailler dès la maternelle) – Socle de compétences de 2015 et les nouveaux programmes de 2016.
- Les évaluations internationales des performances en lecture marquent des écarts importants entre les très bons élèves et les élèves en difficulté, écarts qui se creusent de façon inquiétante.
- Des recherches se sont développées, expérimentales ou écologiques.
Plus largement, on constate :
- Le développement exponentiel de nouvelles pratiques extrascolaires avec les usages du numérique ; le jeune ne lit plus sur les mêmes supports.
- L’élargissement des préoccupations : importance de la littératie, avec une entrée large qui implique une collaboration avec les familles, et la responsabilité de l’ensemble des enseignants, y compris du secondaire (l’Université de Sherbrooke a mis en place un cours pour tous les futurs enseignants : « Lecture, écriture et réussite scolaire » avec des incidences dans toutes les disciplines).
Sur le terrain, les rapports de l’IGEN portant sur la mise en œuvre de la politique éducative appliquée à la lecture font apparaitre :
- Des points forts : le temps consacré sur la lecture dépasse souvent ce qui est demandé dans les programmes ; le travail sur le code est engagé dans la grande majorité des classes.
- Des points faibles : dans le domaine du code, risque de surinvestissement, volonté de construire trop vite des automatismes ; continuité CP- CE1 mal assurée ; le travail sur la compréhension n’est pas suffisant
Bilan 2013 sur la mise en œuvre des programmes 2008 : la compréhension est peu assurée ; « La prégnance des aspects techniques éclipse les aspects culturels. » ; la différenciation n’est pas assurée ; on manque de formation pour donner les cadres théoriques. Ce bilan oriente les programmes rédigés en 2015, applicables en 2016, où la lecture devient un apprentissage central pour tout le cycle 2 (CP-CE2).
Orientations particulières de la conférence 2016 :
- Empan élargi : lire-comprendre-apprendre
- Soutenir le développement des compétences de lecture
- Élargir aux différentes étapes de la scolarité
- Lecture à l’heure numérique
On réaffirme le souci d’accompagner les élèves en difficulté. L’expertise doit porter non seulement sur l’apprentissage, mais sur l’enseignement (le rôle de la didactique augmente).
Les compétences en lecture et leur développement continu dépendent de l’acquisition d’habiletés de différents ordres, mais aussi de la construction du rapport à l’écrit, précoce mais aussi constamment refiguré. Cf Agnès Desarthe, Comment j’ai appris à lire : « Apprendre à lire a été pour moi une des choses les plus faciles et les plus difficiles. »
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