Le lycée Van Der Meersch à Roubaix, sauvé au forceps d’une fermeture programmée grâce à une mobilisation citoyenne, de Sadia Pamart -Aït Briim


Récit d'une mobilisation

 

Le 3 janvier 2012, le proviseur du lycée Van Der Meersch, nouvellement nommé en septembre 2011, annonçait à toute la Communauté éducative la décision du rectorat de Lille : transfert des classes de seconde au lycée Rostand à la rentrée 2012 et fermeture du lycée Van Der Meersch en 2013 !

Présentation des deux lycées

Le lycée Van Der Meersch, lycée d’enseignement général compte 278 lycéens. Il profite des section S, ES et L et depuis quelques années de la section STL.

 Il vient d’être rénové. Jouxté au collège Van Der Meersch, il se trouve dans une Cité scolaire en devenir de 7 hectares. Les espaces sont aérés et verdoyants. Il profite d’un complexe sportif, d’une piscine et d’une magnifique piste d’athlétisme. À cela s’ajoutent, à proximité de l’établissement, deux vélodromes dont la construction du deuxième s’achève cette année !!

Il a été construit vers les années 50, dans les quartiers EST de Roubaix où vivent de très nombreuses familles très modestes, mais également des familles de classe moyenne. 40 % de la population roubaisienne vivent sous le seuil de pauvreté. Ces secteurs profitent actuellement de la politique l’ANRU. En effet, l’État investit de nombreuses centaines de millions d’euros pour réhabiliter les quartiers Est de Roubaix. À cela, s’ajoutent les efforts réunis du Conseil Régional et du Conseil Général qui investissent 18 millions d’euros pour rénover le lycée Van Der Meersch et le collège Van der Meersch. La Ville s’active depuis de très nombreuses décennies à réactiver son tissu économique, culturel et social.

Le lycée Van Der Mersch, se situe par ailleurs aux frontières des villes avoisinantes qui grâce à elles, assure une mixité sociale appréciable. On note d’ailleurs une évolution positive depuis ces dernières années, et les efforts financiers de l’État et des collectivités territoriales ainsi que ceux de la Ville de Roubaix contribuent à l’accentuation d’une mixité sociale plus forte encore. Le transport est bien desservi et tous les élèves des villes et villages avoisinants peuvent accéder à leur lycée de proximité, le lycée Van Der Meersch, soit à pied pour de très nombreux d’entre eux, soit en bus dont le trajet reste court.

Le lycée Jean Rostand, lycée général et technologique,  compte 241 lycéens.  Les sections scientifiques, SVT et SI sont proposées.

 Il se trouve dans les quartiers Nord de Roubaix, à la frontière de la ville de Wattrelos, éloigné de 3 à 4 kilomètres du lycée Van Der Meersch, et très éloigné des villes avoisinantes. Sa capacité à recevoir les classes de seconde est très limitée et ne possède ni de classes de laboratoires suffisantes ni de complexe sportif.

Les deux lycées aux spécificités propres jouent néanmoins un rôle important dans des secteurs défavorisés.  École   

 

 La mobilisation 

Le 4 janvier, les élèves apprennent la nouvelle et décident rapidement de faire grève ainsi que les enseignants et les parents d’élèves. La mobilisation est forte. Les habitants des quartiers Est rejettent la décision du rectorat.  Les Elus de la Ville de Roubaix et ceux des Villes avoisinantes se joignent au mouvement.

Le 7 janvier, avec un groupe de citoyens, je créai l’association « Sauvons l’École de la République afin de pouvoir jouir d’une grande liberté d’actions et de profiter d’une parole libre, citoyenne : 94 jours de lutte et de résistance marqués par un mouvement organisé, structuré, réfléchi et argumenté. Les jeunes de Roubaix se sont comportés dignement. Jamais, il n’y a eu de heurt. Aucune dégradation lors des manifestations nombreuses qui se sont déroulées dans la dignité. Les Elus étaient à nos côtés et en tête le Président du Conseil Régional du Nord Pas De Calais, Daniel Percheron, qui a été remarquable. Son poids a été indiscutable et renforcé par  celui de nombreux  Elus de Lille Métropole communauté urbaine, du Conseil Régional, du Conseil Général, de la Ville de Roubaix et  des Villes avoisinantes.

Le 6 avril 2012, le rectorat renonce enfin à sa décision arbitraire et injustifiée face aux atouts considérables du Lycée Van Der Meersch. Il répond aux revendications des citoyens roubaisiens et de ceux des villes avoisinantes, tous en colère : maintien des classes de seconde en septembre 2012 avec inscription et scolarisation au 1 avenue Maxence Van Der Meersch.

Le lycée Van Der Meersch retrouve ses classes de seconde indispensables pour assurer la pérennité de, l’établissement.

 

Les citoyens mobilisés face au rectorat

Le rectorat de Lille n’avait engagé aucune concertation auparavant avec les Elus et  les acteurs de l’Education. Il n’a effectué aucune analyse avant de prendre la décision lourde de conséquences. Au fur et à mesure de notre combat, nous avancions des arguments imparables qui démontraient l’absence de justification du transfert des classes de seconde dans un lycée inadapté pour un accueil de classes supplémentaires. Il eût été nécessaire pour la région d’investir des millions d’euros pour construire de nouveaux locaux et un complexe sportif ! Par ailleurs, il eût été impératif de mettre en place des navettes pour transporter les élèves vers un lieu beaucoup plus éloigné, le réseau de transport n’étant pas développé. Aberration totale alors que le lycée Van Der Meercsh que l’on voulait fermer réunit tous les facteurs positifs pour la poursuite d’une scolarisation dans les meilleures conditions pour le jeune.

 

A travers notre lutte, nous avons découvert des stratégies de pouvoir, l’arbitraire dans certaines décisions, le manque de maitrise des dossiers, la méconnaissance des publics et de leurs besoins, la négligence de l’environnement, des quartiers et de leur Histoire. En outre, elle a dévoilé la laideur de certains comportements de responsables de l’éducation nationale, menteurs, serviles, prêts à tout pour leur seule carrière professionnelle au détriment de l’intérêt général.

 

La politique de l’éducation du gouvernement : concurrence, argent…

La mobilisation longue a mis en évidence le désarroi de la communauté éducative, et pas seulement celle du lycée Van der Meersch.

Les dégâts de la politique du gouvernement de Nicolas Sarkozy sont énormes. De nombreuses classes et des établissements fermés ou à la fermeture programmée. La concurrence entraine certains chefsd’établissement à aller chasser sur le territoire du voisin. Les heures supplémentaires sont distribuées au détriment des postes stables. A l’intérieur de certains établissements, c’est l’installation de l’esprit de compétition entre les collègues…

Aujourd’hui, c’est à l’établissement scolaire qui proposera les plus beaux voyages à l’étranger qui ne durent que si peu de jours… C’est à celui qui essaiera d’appâter les clients qui ne sont rien d’autre que le jeune et ses parents pour grossir les effectifs. Tous les coups sont permis.

 

La rhétorique du bling bling

La rhétorique de l’illusion, de l’esbroufe, de l’apparence, du bling bling bat son plein.  Les établissements scolaires doivent se vendre pour attirer la clientèle de jeunes et séduire les parents. La communication devient le fer de lance d’un établissement.  On privilégie le chef d’établissement fanfaron, prêt à tous les coups bas à celui discret mais qui travaille honnêtement et efficacement avec ses équipes. On oppose un établissement public  à un autre public également alors que tous les établissements scolaires publics  de proximité sont indispensables pour former les enfants de la République. Une école publique qui ferme, des classes qu’on supprime, c’est diminuer les chances d’accès à la connaissance dans les conditions les meilleures possibles. C’est encore affaiblir les plus pauvres qui ont besoin d’un suivi plus attentif, dans des classes à effectifs  raisonnables.

 

Les parents et les jeunes se tromperaient s’ils se laissaient aller à des propositions en trompe l‘œil car la réussite d’un élève n’est pas dans le voyage qu’il va faire ou dans des ateliers ponctuels qu’il va suivre mais c’est dans les apprentissages proprement dits dont il profitera tout au long de sa scolarité, de la maternelle à l’enseignement supérieur, les activités périphériques étant complémentaires aux apprentissages fondamentaux.

 

L’École de la République : un Bien défendu par le Citoyen français

L’École de la République est un des Biens essentiels de la France métropole et de la France d’Outre mer. Il est temps de se ressaisir et de retourner aux valeurs qui constituent l’École de la République. Celle–ci doit rester gratuite, et continuer à être  de qualité sur tout le territoire. Elle est un droit de chaque citoyen.

Il est juste de réfléchir à une École plus performante dans ses résultats pour chaque jeune, une école où chacun peut grandir à son rythme, apprendre à lire, à écrire, à compter, à réfléchir, à développer son esprit critique, à devenir le citoyen qui s’accomplira dans un travail et sera acteur de la Cité mais attention à ne pas mener l’École de la République comme une entreprise qui a ses propres règles, ses propres codes.

Le combat mené  a pointé du doigt le comportement inquiétant de certains chefs d’établissement  qui abusent déjà du pouvoir absolu que le gouvernement  actuel veut leur octroyer.  Faire du chef d’établissement un chef d’entreprise qui n’a aucune connaissance réelle du monde entrepreneurial,  lui octroyer des pouvoirs plus grands dont celui de noter les enseignants, c’est courir tout simplement à la fin de l’Ecole de la République

 

De cette lutte est née une interrogation sur la politique de  « La mise en réseau » des lycées,expression  à la mode actuellement qui  est une proposition intéressante mais déjà l’idée est pervertie car sous les termes  de « la mise en réseau », on fermer des établissements,  on supprime des postes de chefs d’établissement, d’enseignants, de personnel administratifs, de personnel TOS, de médecins scolaires, de CPE, de COP etc.

Je reste néanmoins convaincue que l’Ecole de la République sera sauvée car le peuple français tient à son Ecole, comme à d’autres acquis sociaux fondamentaux  qui permettent au Citoyen français d’être libre et de vivre dans la dignité.

C’est à chacun d’entre nous, Citoyens,  de résister, de contester, de refuser, d’agir ensemble  pour faire en sorte de chasser la concurrence de nos écoles et de redonner une sérénité aux enseignants, de  remettre au cœur de l’École les valeurs républicaines.

                                                                                         

                                                                                                                              Sadia PAMART – AÏT BRIIM

 

Site sauvonvdm.com

Deux articles sur les résultats positifs du mouvement collectif le 7 avril 2012

La Voix du Nord

Nord-éclair

 

 

 

Soumis par   le 25 Avril 2012