Littérature de jeunesse plurilingue : langue et langages en question dans l’espace classe - Numéro de décembre 2021.
Appel à contributions
Le Français Aujourd’hui n° 215 (décembre 2021)
Littérature de jeunesse plurilingue : langue et langages en question dans l’espace classe
Coordination Véronique Bourhis et Lydie Laroque
CY Cergy-Paris Université
INSPÉ de l’académie de Versailles,
laboratoire É.M.A., EA 4507
En ce début de 21e siècle, la question du plurilinguisme est une question vive lorsque l’on s’intéresse à la forme scolaire et à ses mutations. Plusieurs précédents numéros du Français aujourd’hui (Les langues des élèves 2003/4 (n° 143), Langue(s) et intégration scolaire 2009/1 (n° 164), FLM, FLE, FLS, au-delà des catégories 2012/1 (n° 176) par exemple) ont fait écho à la question foncière de la diversité. Un des points de départ de ces recherches est la réalité des difficultés, voire des discriminations, qui touchent en milieu scolaire les jeunes issus de l’immigration ou de milieux éloignés de la forme scolaire.
De ce point de vue, l’École a pour objet de combler l’écart entre des enfants dont la culture d’origine est différente de celle véhiculée par l’école. Le rapport de l’Union Européenne, High Level Group of Experts on Literacy (2012), précise que l’école du 21e siècle doit offrir des contextes d’apprentissage riches et variés qui encouragent et favorisent des pratiques pédagogiques permettant, à leur tour, l’acquisition d’habiletés complexes impliquées dans le développement de la littéracie.
Le numéro se propose d’aborder cette thématique en interrogeant la littérature de jeunesse plurilingue dans ses différents aspects, particulièrement en ses rapports avec la maitrise de la / des langue(s) et des langages, de l’école maternelle à l’université : quelle peut être la place du texte plurilingue dans l’enseignement/apprentissage de la lecture-écriture ? Quels liens avec les dimensions linguistiques, langagières, que l’on considère la langue maternelle, la langue de scolarisation ou la langue étrangère ? Quelle place à la réception des textes, à la dimension personnelle et subjective de la lecture (Rouxel et Langlade, 2004), au sujet lecteur (Ahr et Butlen 2012 ; Ahr et Joole 2013) ?
Concernant la littérature, le plurilinguisme est souvent abordé sous l’angle identitaire de l’écriture, et l’hybridité linguistique est étudiée au prisme de la subjectivité ou de la conscience linguistique (Sciarrino 2016). Une autre manière d’envisager la littérature plurilingue est celle de l’apprentissage d’une langue étrangère (Bemporad et Ristea 2014). Que fait-on en classe lorsque l’œuvre quitte le cadre de la langue première ?
S’agit-il d’une invitation à une lecture polyglotte singulière, globalisée ? S’agit-il d’une tentative d’établir une littérature universelle, translinguistique ? La littérature plurilingue peut-elle enrichir les ressources sémantiques des lecteurs et de quelle manière ? Ou affiche-t-elle, au contraire, un obstacle à la communication ? Et s’agit-il de textes qui pointent plutôt la conscience identitaire du lecteur, et dans quels buts ?
Et qu’en est-il des listes officielles dans l’espace scolaire ? Le plurilinguisme est une préoccupation de l’école et du collège dès les années 1970, pour intégrer au mieux dans la société française les enfants de migrants, mais on peut se demander si le public concerné par son enseignement et si ses enjeux restent les mêmes aujourd’hui.
À l’heure où « le discours postmoderne transforme l’ensemble des phénomènes sociaux et culturels en nuages de matière langagière » et où « les mondes de la fiction cessent d’être des univers stables pour céder la place à des assemblages composites » (Wit 2017), à l’heure également d’une ouverture des textes institutionnels au plurilinguisme (Bulletin officiel 2015, cycle 2 et 3 de l’école primaire), nous invitons à proposer des articles qui pourront s’inscrire dans les axes suivants :
- Question de corpus
La question des corpus pose le problème de la définition de la littérature plurilingue et de son évolution. Bien que le phénomène ne soit pas nouveau, puisque le premier livre plurilingue pour enfants, l’Orbis pictus de Comenius parait en 1648 en édition bilingue latin-allemand, puis est édité dans toute l’Europe dès 1760, en latin, français, anglais, italien, on peut s’interroger sur les conditions d’émergence et d’expansion des textes plurilingues. Littérature française, littérature d’ailleurs ? Quel est le statut des langues et des cultures sollicitées dans cette littérature ? Quels choix des œuvres, quels regroupements, et pour quelles visées ? Quels corpus mobiliser et quels sont les critères et les conditions de leur nécessaire renouvèlement ?
Cet axe privilégiera les expériences de constitution de corpus dans l’espace scolaire. Qu’entend-on par littérature plurilingue en classe ? Quelles sont ses formes ? Si les maisons d’édition plurilingues sont de plus en plus nombreuses, la présence de livres plurilingues dans les classes est rare. Selon la place de la langue, quelle typologie adopter (Louichon et Rouxel 2009) ?
Quelle élaboration d’un « corpus de formation » pour enseigner avec la littérature plurilingue et dans quel but ? Quelle place pour les différents genres ou formes littéraires : romans, théâtre, poésie, albums ? Quels rapports avec l’iconotextualité ?
- Les pratiques d’enseignement / apprentissage
Dès l’école maternelle, l’éveil aux langues peut permettre aux élèves de développer des attitudes positives face à la diversité linguistique et culturelle tout en facilitant, en milieu pluriethnique, la reconnaissance et la légitimation des langues maternelles des élèves et de leurs familles (Armand et al. 2012).
Nous souhaitons ne pas nous limiter à cet aspect, mais au contraire poursuivre cette réflexion en nous centrant sur les savoirs linguistiques et langagiers qui peuvent être construits dans différentes situations d’apprentissage, pour des langues de statut différent, s’appuyant sur « les ressources linguistiques, culturelles et symboliques que les élèves portent en eux, pour les transformer en des atouts et des leviers d’apprentissage » (Molinié et Moore, 2012). Quelles sont les pratiques effectives en classe autour de la littérature plurilingue et pour quels apprentissages ?
Nous souhaitons donner une place importante à la didactisation de la littérature plurilingue. L’analyse de pratiques effectives, des apprentissages et des savoirs linguistiques et langagiers qu’elles engendrent sera centrale. Nous privilégierons les propositions articulant une réflexion sur des enjeux théoriques et une analyse de données issues du terrain.
La problématique de la traduction, transversale aux trois axes, pourra donc être abordée dans différentes perspectives.
Références bibliographiques
Le Français aujourd’hui n° 143, Les langues des élèves, 2003/4.
Le Français aujourd’hui n° 164, Langue(s) et intégration scolaire, 2009/1.
Le Français aujourd’hui n° 176, FLM, FLE, FLS, au-delà des catégories, 2012/1.
EU High Level Group of Experts on Literacy : final report (2012), European Commission.
Ahr, S. & Butlen M. (2012). Savoir lire/aimer lire : un couple en évolution ou en voie de séparation ? Études de linguistique appliquée, 166, 215-235.
Ahr, S. & Joole, P. (2013). Transmission et expérience esthétique dans les premier et second degrés. Recherche et travaux, 83, 133-145
Armand, F. (2012). Enseigner en milieu pluriethnique et plurilingue : place aux pratiques innovantes. Québec français, 167, 48-50.
Bemporad, C. & Ristea, P. (2014). Appropriation des littératies en français : quelles ressources mobiliser ? Dans J.-F. de Pietro & M. Rispail (dir.), L’Enseignement du français à l’heure du plurilinguisme. Vers une didactique contextualisée(pp. 263-274). Namur : Presses universitaires de Namur.
Langlade, G. & Rouxel. A. (dir.) (2004). Le Sujet lecteur. Lecture subjective et enseignement de la littérature. Rennes : Presses universitaires de Rennes, coll. « Didact Français ».
Louichon, B. & Rouxel, A. (2009). Du corpus solaire à la bibliothèque intérieure. Rennes : Presses universitaires de Rennes, coll. « Païdea ».
Molinié, M., & Moore D. (dir.) (2012). « Notions en questions - Les littératies ». Recherches en didactique des langues et des cultures, Les Cahiers de l’Acedle, 9-2.
Sciarrino, E. (2016). Le Plurilinguisme en littérature. Le cas italien. Paris : Éditions des Archives contemporaines.
Witt, S. (2017). Littérature et postmodernité. Communication au séminaire doctoral du collectif LiPothétique.
Calendrier
15 novembre 2020 : envoi des propositions sous la forme d’un résumé (présentation d’une page maximum), avec le rattachement institutionnel et scientifique du (des) auteur(s), un titre explicite, cinq mots-clés et une bibliographie.
15 janvier 2020 : notification d’acceptation ou de refus aux auteurs.
15 avril 2021 : envoi des articles (première version) pour évaluation en double aveugle.
Le texte ne dépassera pas environ 23 000 caractères (espaces compris) (Times 12, interligne simple). Il sera accompagné d’un résumé et de cinq mots-clés.
15 juin 2021 : retour des articles après évaluation et éventuelles réécritures demandées.
1er septembre 2021 : envoi, par les auteurs, de l’article définitif remanié selon indications des relecteurs et des coordinatrices.
Décembre 2021 : parution du numéro.
Les propositions et les textes seront à envoyer aux deux adresses suivantes :
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