NOTES DE LECTURE - FA 222 - SEPT. 2023


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OUVRAGES

  • Sylviane AHR et Isabelle DE PERETTI (éds), Analyser des textes littéraires du collège au lycée. Quelles pratiques pour quels enjeux ?
  • Magali BRUNEL & Sébastien HÉBERT (éds), Lire les œuvres littéraires au collège
  • Émilie DESCHELETTE, Caroline LACHET & Marie LEROY-COLLOMBEL (éds), Reprendre, réécrire & réviser ses textes. L’élève apprenti-auteur
  • John A. GOLDSMITH & Bernard LAKS, Aux Origines des sciences humaines. Linguistique, philosophielogique, psychologie. 1840-1940
  • Yann MIRALLES, Habiter bouche bée
  • Jean-Christophe PELLAT, L’Orthographe française. Histoire, Description, Enseignement
  • Revue des revues

 

NotES de lecture

Sylviane AHR et Isabelle DE PERETTI (éds), Analyser des textes littéraires du collège au lycée. Quelles pratiques pour quels enjeux ? Grenoble, UGA éditions, 2023 (472 p., 29 euros)

L’ouvrage dirigé par Sylviane Ahr et Isabelle de Peretti rend compte du travail de onze chercheurs en didactique du français et de la littérature engagés dans la recherche « Pratiques effectives de la lecture analytique dans le secondaire » (PELAS), menée entre 2015 et 2017, en France majoritairement, ainsi qu’en Belgique. Le point de départ de la recherche est la récurrence des discours de crise sur l’enseignement de la littérature dans le secondaire et le constat que ces discours déceptifs et polémiques s’appuient majoritairement sur la lecture des programmes et des manuels, non sur la réalité des classes et des pratiques des enseignants, dont on sait finalement peu de choses. Il s’agissait donc d’avoir une meilleure connaissance de cette réalité grâce à une enquête descriptive conduite dans vingt-huit classes, géographiquement et sociologiquement diversifiées.

Cette recherche s’inscrit dans une tendance récente en didactique de la littérature qui, après une première période, plus théorique, s’intéresse aux pratiques effectives de lecture littéraire dans les classes. Plus précisément, la recherche PELAS a pris pour objet l’exercice scolaire désigné comme « lecture analytique » par les programmes français alors en vigueur (2015-2018 pour le collège, 2010 pour le lycée), remplacé par l’explication « linéaire » dans le programme de lycée de 2019, objet que l’ouvrage désigne d’une façon plus générale par l’« approche analytique de la littérature » pour renvoyer à l’exercice qui consiste à analyser et expliquer un texte littéraire, très majoritairement extrait d’une œuvre patrimoniale. L’équipe a choisi également de s’intéresser à cet exercice au point névralgique de la liaison collège-lycée et donc aux classes de Troisième et de Seconde (Quatrième et Cinquième du secondaire pour la Belgique). Plus largement, il s’agissait pour les chercheurs, en observant et analysant les conceptions de l’analyse littéraire à l’œuvre dans les classes, de se demander quels renouvèlements sont à l’œuvre (ou non) dans les pratiques, au regard des recherches récentes en didactique de la littérature sur la lecture littéraire et la prise en compte de la réception subjective des élèves, et d’identifier les lieux de transformation possible afin de former des élèves lecteurs de littérature à une époque où cette lecture ne va plus de soi.

Pour mener à bien ce projet, l’équipe a souhaité réunir, pour chacune des vingt-huit classes retenues, l’enregistrement en vidéo de trois séances consacrées à l’analyse d’un texte narratif, d’un texte poétique et d’un texte de théâtre. Soixante-douze séances filmées ont pu être exploitées et constituent le matériau central de l’enquête avec les documents recueillis auprès des enseignants. Elles ont été complétées par des questionnaires destinés aux professeurs et aux élèves, afin de cerner leurs représentations de l’analyse des textes littéraires et les difficultés rencontrées, ainsi que par des entretiens semi-directifs avec les enseignants et des élèves. Pour l’analyse des séances enregistrées, l’équipe a mis au point une grille qui distingue différentes unités dans la séance avec des indicateurs ou observables spécifiques. Cette grille a permis à la fois un traitement quantitatif des données et une approche qualitative selon plusieurs axes : la question des continuités et des ruptures dans l’enseignement-apprentissage des approches analytiques de la littérature, celle de la permanence et/ou du renouvèlement des pratiques des enseignants et celle de la place laissée à l’activité interprétative des élèves, en particulier quand la lecture des textes littéraires est orientée par une réflexion sur des valeurs morales et/ou une lecture sensible des textes.

L’ouvrage, qui conjugue rigueur théorique, analyse fine des pratiques de classe – à partir notamment de nombreux verbatims – et propositions de solutions pour résoudre les tensions identifiées, est précieux à plus d’un titre, tant pour les formateurs que pour les professeurs. Il propose en effet, dans chaque chapitre, des mises au point théoriques sur les notions et concepts (réunis dans un index) qui fédèrent aujourd’hui un grand nombre de travaux en didactique de la littérature, lesquels sont recensés dans la bibliographie qui réunit les références les plus utiles dans ce domaine. L’ouvrage permet donc tout à la fois d’actualiser ses savoirs théoriques et d’en nourrir la réflexion sur sa pratique.

L’analyse des séances donne à voir comme en miroir des constantes et des convergences à même de révéler les difficultés rencontrées de manière récurrente par les professeurs et les élèves. L’analyse quantitative dégage en effet un premier tableau d’ensemble : la situation pédagogique dominante est celle d’un travail réalisé majoritairement en classe, à l’oral, en classe entière, d’une durée d’une heure environ, avec un projet de lecture généralement défini par l’enseignant dont la parole est prépondérante et , de ce fait, laisse peu de temps et d’espace aux élèves. Néanmoins, des éléments d’évolution sont perceptibles, en particulier le souci de prendre en compte la réception des élèves. Un premier dilemme professionnel apparait dans l’analyse du déroulement des séances : la tension entre le pilotage de la séance et la recherche de l’implication du lecteur par la mise en partage des interprétations. Or celle-ci se résout le plus souvent par un guidage vers l’émergence du sens commun et l’acquisition de savoirs disciplinaires. Le point névralgique que mettent ainsi en évidence les analyses de l’ouvrage est l’articulation entre l’accueil des lectures singulières des élèves et l’étude du texte que le professeur a programmée. Lors même que des lectures participatives sont encouragées, en faisant appel à la sensibilité ou l’imagination, le constat est celui d’une tendance à uniformiser rapidement les réactions exprimées qui ne sont pas niées mais encadrées ou parfois simplifiées pour être intégrées à la lecture de la classe.

Une autre difficulté tient à l’expression de cette réception subjective, à la fois parce que les élèves sont peu préparés à l’exprimer, et parce que le cadre dominant du cours dialogué n’est guère propice à cette expression : non seulement il ne permet pas des prises de parole longues et des échanges entre élèves, réservant l’essentiel de la parole à l’enseignant, mais il ne fait pas assez place à l’écriture, pourtant la mieux à même de leur permettre de revenir sur leur lecture. Or la place et le rôle de l’écriture dans les séances relèvent de la portion congrue. Il s’agit en outre, surtout, d’une écriture métatextuelle de commentaire, et peu souvent d’écrits rendant compte d’une réception personnelle des textes. Est ainsi mise au jour une autre tension, entre la nécessité de préparer les élèves aux écrits attendus dans les épreuves certificatives et d’autres formes d’écriture, créatives ou de réception, plus susceptibles d’enrôler les élèves dans la lecture en développant diverses formes d’interaction entre lecture et écriture. Quant aux questions qui définissent implicitement un contrat de lecture, elles répondent à un besoin de clarification, de contrôle de la compréhension par les lecteurs ou d’une connaissance supposée acquise, le plus fréquemment sous la forme d’une question fermée : ce faisant, elles sollicitent peu l’interprétation de l’élève lecteur. En revanche, dans les cas encore trop rares où les élèves sont à la fois invités à exprimer leur lecture subjective et à confronter leurs interprétations, les prises de parole s’allongent et s’étoffent, l’enseignant pouvant dès lors adopter une position de retrait tandis la classe devient une communauté interprétative.

Le volume de l’ouvrage et la richesse des analyses ne permettent pas de rendre compte ici de tout ce que la recherche a pu mettre en évidence : savoirs et compétences en jeu dans l’approche analytique des textes littéraires et tensions inhérentes à cet exercice « divergent » : analyses comparatives des séances de classes de Troisième et de Seconde, qui concluent à davantage de continuités que de ruptures ; analyses des séances consacrées au théâtre et à l’évolution de sa didactique : rôle du numérique qui peut favoriser l’émergence d’une communauté de lecteurs ; ou encore place et enjeux des lectures éthiques et esthétiques.

S’il faut pour finir saluer à nouveau la richesse théorique et pratique d’un ouvrage qui fera date en didactique de la littérature, ce n’est pas seulement pour celle du matériau expérimental et la qualité de son organisation, ni seulement parce qu’il constitue de ce fait une mine offerte aux professeurs et aux formateurs, mais parce que, preuves à l’appui, il donne à voir les impasses d’un certain type de dialogue pédagogique et les injonctions contradictoires auxquelles sont soumises les professeurs, et qu’il avance des pistes de réflexion et des propositions pour penser et accompagner l’articulation entre lectures singulières des élèves et lecture savante, entre actualisation et contextualisation des textes. C’est pourquoi on ne peut que souhaiter que des formateurs et des professeurs s’en emparent, en nouant avec lui une relation dialogique et vivante, faite de questionnements, et toujours en faveur d’une conduite plus éclairée des élèves au sein de la classe.

Anne VIBERT

Magali BRUNEL & Sébastien HÉBERT (éds), Lire les œuvres littéraires au collège, Paris, L’Harmattan, coll. « Didactique des langues et des littératures », 2022 (306 p., 32 euros)

L’ouvrage collectif propose un renouvèlement de l’approche des textes littéraires en classe, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, en compréhension de l’écrit, les enquêtes internationales montrent globalement que nous ne parvenons pas, en France, à faire réussir les élèves issus des milieux populaires, qui avouent en outre ne pas comprendre les finalités de l’enseignement des œuvres littéraires. Selon un sondage récent, si le jeune public déclare avoir peu d’appétence pour la lecture, cela ne l’empêche cependant pas de valoriser la lecture et de considérer qu’elle est un moyen d’être heureux et de s’épanouir. Les enseignants de leur côté « sont conscients non seulement des difficultés de leurs élèves mais aussi des limites de certaines pratiques pédagogiques » (p. 14). Ainsi, malgré la riche production éditoriale et les programmes de collège qui font une large place aux œuvres intégrales et aux lectures cursives, la fréquentation en classe des « textes classiques et résistants » et des « corpus non légitimés par la tradition scolaire » (p. 14), se maintient à un niveau très modeste. Selon les auteurs, l’enseignement de la littérature a tendance à esquiver la rencontre de « l’élève lecteur » avec le texte. En effet la tradition scolaire ne reconnait pas les lectures « dans la gueule du loup » (Merlin-Kajman 2016), à l’occasion desquelles, comme le constatait déjà G. Lanson en 1925, les lecteurs rêvent « sur les pages d’un livre, […] s’imaginent parfois avoir trouvé […] ce qui n’a jamais été que le jeu de leur fantaisie ou l’émotion de leur cœur. Ils lisent en eux-mêmes, alors qu’ils croient lire l’auteur qu’ils ont sous les yeux » (p. 6).

L’ouvrage postule que c’est par l’appropriation de leurs lectures, que les collégiens pourront mieux les comprendre, les interpréter et les mémoriser. Citant B. Shawky-Milcent (2020), les auteurs précisent que l’appropriation peut être définie comme « le processus à travers lequel un lecteur, en mobilisant ses différentes facultés, émotions et expériences personnelles ou en sollicitant de nouvelles connaissances ou attitudes, fait sienne une œuvre littéraire, tout en mettant du sien, créant ainsi en lui une trace susceptible de s’inscrire dans sa mémoire » (p. 14). La lecture d’œuvres intégrales en classe, qui ne consiste pas à priori en une succession d’explications contraintes d’extraits, se rapproche des conditions de lecture plus authentiques. Selon les contributeurs du livre, l’enseignement de la littérature, grâce à des lectures longues, incite davantage l’élève à devenir un amateur de lecture, qui peut trouver du plaisir et un enrichissement personnels au contact des œuvres. S’inspirant de V. Jouve (2010), les auteurs souhaitent que les élèves intériorisent les œuvres par l’immersion dans un premier temps, pour ensuite envisager la conceptualisation de ce qui a été intériorisé.

À la suite de G. Langlade (2002), l’ouvrage propose de nouveaux dispositifs didactiques favorables à l’émergence du jeu de la lecture littéraire (Picard 1986). Les deux parties du livre réunissent des chercheurs spécialistes de la didactique de la littérature, des enseignants expérimentés et des cadres de l’Éducation nationale. La première partie, intitulée « Approches théoriques », présente des thématiques récentes en didactique de la littérature dans le cadre de travaux de recherche. Dans le prolongement, la seconde partie propose des expériences de mise en œuvre effectivement réalisées et commentées par les enseignants, avec en annexe les supports utilisés et de nombreuses productions d’élèves. Les contributeurs ont retenu huit thématiques autour de l’enseignement des œuvres intégrales : adapter le temps de l’étude au temps de la lecture ; travailler conjointement la lecture, la langue et l’écriture ; favoriser la relation lecteur-personnage ; questionner les valeurs dans l’œuvre littéraire et mettre en discussion le jugement des élèves ; faire vivre la polysémie interprétative des œuvres ; actualiser les œuvres patrimoniales par des objets sémiotiques secondaires (OSS) ; renouveler la relation texte-image et la place de la BD en classe ; utiliser les interfaces numériques pour des pratiques de fanfiction.

Ouvrant également des pistes en amont et en aval, pour l’école et le lycée, ce volume a le mérite d’expliciter de nouveaux gestes professionnels (Bucheton 2009) induits par le recours aux OSS et aux activités transmodales et multimodales (cf. également le n° 220 du Français aujourd’hui). L’ouvrage dirigé par M. Brunel et S. Hébert est une référence qui se lit « comme un roman ». Indispensable pour celles et ceux qui se destinent à l’enseignement ou qui viennent de le rejoindre, il concrétisera les intuitions des enseignants plus expérimentés.

Stéphane BONNET

 

Émilie DESCHELETTE, Caroline LACHET & Marie LEROY-COLLOMBEL (éds), Reprendre, réécrire & réviser ses textes. L’élève apprenti-auteur, Paris, L’Harmattan, coll. « Dixit grammatica », 2022 (177 p., 22 euros)

Issu des travaux d’un groupe de recherche-action de l’université Paris Cité et d’une journée d’études organisée en clôture de ces travaux, l’ouvrage collectif que préface Jacques David signale par les articles qu’il rassemble sa double origine puisqu’il donne à lire à la fois des présentations de dispositifs didactiques et des réflexions théoriques consacrées à la réécriture et la révision. Certes, la thématique n’est pas nouvelle, comme le rappellent plusieurs contributeurs, dont Élisabeth Bautier qui évoque le numéro de Pratiques coordonné par D. Bessonnat en 2000, mais elle n’a rien perdu de sa pertinence. Aussi l’article dans lequel Émilie Deschelette, Caroline Lachet et Marie Leroy-Collombel présentent l’ouvrage renvoie-t-il aux travaux sur la révision et la réécriture qui se sont succédé depuis l’article princeps de J.R. Haye et L.S. Flower de 1980 ; l’abondante bibliographie sur laquelle s’appuie l’article de Tatania Taous confirme également que le chantier n’a pas cessé d’être exploré, ce qu’illustre la préface de J. David dans laquelle il évoque les différentes familles de travaux portant sur la révision et la réécriture.

Cependant, si la référence aux travaux initiaux de psycholinguistique est bien présente, l’ouvrage adopte résolument une perspective didactique, éclairée par l’approche sociolangagière que propose É. Bautier. Celle-ci inscrit en effet les problèmes posés par l’apprentissage de l’écriture dans le cadre plus large des difficultés qu’éprouvent les élèves issus de milieux défavorisés à identifier le registre de travail attendu. Sa dénonciation d’un malentendu affectant tous les champs disciplinaires, mais plus spécifiquement le français en raison du poids exercé par les expériences langagières construites en dehors de l’école sur le rapport à l’écrit trouve bien évidemment un écho dans les contributions traitant d’actions menées en Réseau d’éducation prioritaire (REP). 

Plus encore que les préoccupations sociolinguistiques qui traversent toutes les contributions, c’est le questionnement didactique qui donne son unité à l’ouvrage. Il assure l’articulation entre les expériences présentées dans cinq contributions et la réflexion théorique développée par l’article de présentation et complétée par une problématisation en ouverture de l’article de T. Taous.

L’article d’É. Deschelette, C. Lachet et M. Leroy-Collombel s’attache en effet à décrire les processus en jeu dans la révision et la réécriture ainsi que les moyens didactiques disponibles, avec un focus sur le brouillon. Tout comme le titre du recueil, cet article évoque trois questions distinctes, celle de la révision des textes, celle de la reprise-réécriture des textes et celle de l’auctorialité. La distinction entre plusieurs termes proches réviser, revoir, réécrire, reprendre est posée dans cet article liminaire, elle sera reprise en partie dans l’article de Karine Risselin qui distingue « aider les élèves à réviser leurs textes » et « aider les élèves à corriger leurs textes », et explicitée dans une note de l’article de T. Taous. Ces précautions n’empêchent pas l’ambigüité originelle du terme révision de persister en désignant à la fois un processus cognitif (signification empruntée à la psychologie cognitive) et l’acte du scripteur qui intervient sur son texte (signification empruntée à la didactique et à la génétique textuelle). Mais il est vrai que l’un et l’autre sont liés, les didacticiens postulant – avec de bons arguments – qu’en entrainant les élèves à intervenir sur leurs textes, on les exerce à prendre de la distance et on agit ainsi sur leur maitrise des processus rédactionnels. Les cinq articles consacrés à la présentation de dispositifs didactiques exemplifient les démarches mises en œuvre pour y parvenir.

 Ils présentent des dispositifs expérimentés ou prévus pour des classes allant du cycle 2 (article de Catherine Neyman-Hulot) au lycée (article de Corentin Zurlo-Truche), en passant par le collège (article de Léa Lebourg-Leportier, Céline Perrot et Marine Souchier ; article de T. Taous), ou élaborés pour la formation (article de K. Risselin). Leur premier point commun est de partir d’une analyse des obstacles que doit surmonter un enseignement visant à accoutumer les élèves à revenir sur leurs productions, qu’il s’agisse des conceptions de l’écriture qui prévalent chez les élèves ou des difficultés d’ordre pédagogique que les enseignants peuvent redouter. Leur second point commun est de mettre à disposition des lecteurs les documents afférents à ces dispositifs : l’ouvrage consacre en effet quarante-sept pages aux productions d’élèves, dossiers conçus pour la formation, et supports utilisés en classe, qui permettent de suivre pas à pas la démarche des formateurs qui les ont élaborés ou collectés.

L’unité du dossier tient aussi au fait que trois thématiques sont communes à la plupart des contributions : l’usage du brouillon, ou plutôt des brouillons, comme le réclament les autrices qui s’appuient à bon escient sur les travaux de Martine Alcorta ; la dimension graphique envisagée notamment à travers la spatialisation de l’écriture et l’articulation avec le dessin (même si on peut regretter que François Le Goff, initiateur du « grand brouillon » et Olivier Lumbroso, pionnier dans le recours au brouillon dessiné, ne soient pas évoqués) ; et enfin la construction par les élèves d’un positionnement d’auteur. À cela s’ajoute un questionnement sur la norme et sur les choix que l’enseignant doit opérer avec finesse, en particulier dans le domaine linguistique.

C’est donc un ouvrage fortement cohérent qui devrait intéresser les formateurs et les enseignants, notamment par la précision avec laquelle il rapporte et documente des expériences concrètes portant sur la question délicate de la révision des écrits.

Sylvie PLANE

 

John A. GOLDSMITH & Bernard LAKS, Aux Origines des sciences humaines. Linguistique, philosophielogique, psychologie. 1840-1940, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 2021 (1007 p., 12,60 euros)

Cet ouvrage de plus de mille pages (notes, bibliographie et indices compris) constitue le premier volet d’une somme encore plus vaste, envisagée en deux tomes et embrassant une période allant de 1840 aux années 1980. Pratiquement, ce texte constitue une réédition en français d’un premier volume publié antérieurement en langue anglaise (Battle in the Mind Fields, University of Chicago Press, 2019), dans lequel les « ruptures » et autres battles au sein de la communauté scientifique étaient perçues comme motrices des évolutions théoriques dans le domaine des sciences humaines. La refonte de ce premier ouvrage est néanmoins assez substantielle : les auteurs y traitent des interrelations entre les différentes disciplines qui constituent les sciences humaines, confirmant ainsi l’interdépendance entre les domaines. Mais la grande originalité de ce livre est de pointer du doigt le caractère essentiel des relations humaines dans le champ de la recherche : aucun « loup solitaire », pourrait-on dire, aussi brillant soit-il, ne saura marquer l’histoire de la pensée de sa discipline s’il n’entretient pas des rapports minimaux de sodalité. Un deuxième aspect de cette somme réside dans la remise en question du concept de tabula rasa : les auteurs démontrent bien, au fil de leur développement, qu’aucune recherche ne s’est faite en complète ignorance de celles qui l’ont précédée et ce, quoi qu’en disent les aspirants à la nouveauté et à l’inédit. L’intérêt de l’ouvrage réside donc dans la mise en évidence que chaque pensée inscrite dans l’histoire s’alimente des courants qui l’ont vu naitre et se place, en somme, dans un continuum, fût-il détonnant ; car la discordance même ne s’entend que comme le contrepied d’une pensée antécédente et, de ce fait, la pensée prétendument novatrice n’aurait pu voir le jour sans l’idée contre laquelle elle entend précisément s’élever ou qu’elle essaie – plus modestement – de modifier en s’en démarquant. Enfin, le troisième aspect de cet ouvrage est d’insister sur l’interdisciplinarité en montrant la parenté et les filiations non seulement internes à une discipline, mais également en externe : la logique a tout autant partie liée à la linguistique qu’aux mathématiques ; la chimie (avec la table périodique des éléments de Mendeleïev) et la botanique (avec la classification de Linné) ne sont pas sans amorcer la linguistique structurale. La rigueur des auteurs les conduit, dans une excusatio propter infirmitatem qui n’a rien de rhétorique, à reconnaitre la partialité de leurs choix, et la sélection des « héros » (ce sont les mots des auteurs) et des relations humaines traitées est assumée comme étant parfaitement subjective. La richesse des analyses ouvre des perspectives sidérales au lecteur, en l’invitant à emprunter des sentiers non battus et à mettre en réseau des hommes, des disciplines, des périodes et des faits historiques : cet ouvrage enthousiasme l’esprit et stimule la pensée.

Formellement, le livre s’organise en huit chapitres, structurés autour de la science humaine prise pour objet (« le langage » pour le chapitre 1 ; « la philosophie et la logique », pour le chapitre 2 ; « la psychologie », pour le chapitre 3). Les savants et relations humaines se diffusent à l’intérieur de ce cadre. Les premiers chapitres, centrés sur le langage, la philosophie, la logique et la psychologie brossent un premier portrait de la science humaine traitée en en définissant les enjeux théoriques, par une recontextualisation historique, en identifiant les figures et écoles incontournables. Les chapitres suivants approfondissent ce panorama premier : le chapitre 1 sur le langage trouve ainsi un prolongement dans les chapitres 5 (« La linguistique américaine », 1900-1940) et 8 (« Le structuralisme européen », 1920-1940), tandis que le chapitre 2 déploie son objet dans les chapitres 6 (« La philosophie », 1900-1940) et 7 (« La logique », 1900-1940). Enfin, le chapitre 3 articule psychologie et « machines intelligentes », entrant ainsi en résonance directe avec notre contexte actuel – où l’intelligence artificielle, via Chat GPT, interroge le monde de la science –, et dote nos interrogations de modernes d’une épaisseur historique. En écho à ce chapitre, le chapitre 4 se focalise plus spécifiquement sur la psychologie (1900-1940) en étudiant deux courants de pensées, géographiquement situés : le behaviorisme américain (produit du structuralisme et du fonctionnalisme) et le gestaltisme (ou psychologie de la forme) né dans l’Europe germanophone. La fin du chapitre, en voyant comment la psychologie de la forme a investi le continent nord-américain, confirme le rôle des hommes dans cette diffusion – en l’occurrence, les savants fuyant le nazisme – et, in fine, le poids de la conjoncture historique dans l’évolution des sciences. Les évènements et contextes historiques ne se contentent donc pas de donner une toile de fond : ils permettent de comprendre en profondeur l’incidence de l’histoire dans l’évolution des disciplines, en les connectant les unes aux autres. 

Si l’ouvrage mentionne les grands noms des sciences humaines (citons, pêle-mêle, Descartes, Newton, Humboldt, Bloomfield, Grimm, Jakobson, Saussure, Troubetzkoy, Kant, Pascal, entre autres), les auteurs rendent également hommage à des figures moins connues des non spécialistes (Rask, Müller, Cantor ou encore Baudoin de Courtenay, duquel les phonéticiens sont fortement tributaires, puisqu’ils lui doivent des notions aussi fondamentales – dans la conceptualisation de ce domaine linguistique émergent – que les notions de phonèmemorphèmetrait distinctif ou alternance). Cet ouvrage contrevient également à ce que la vulgarisation et la mémoire collective ont pu diffuser et conserver, en recherchant l’origine des concepts et l’on apprend ainsi que l’opposition saussurienne synchronie/diachroniedoit beaucoup au positiviste A. Comte (qui parlait en termes de statique/dynamique). Enfin, sont remis à l’honneur des concepts aussi fondamentaux que celui de faillibilisme, par exemple, défini comme une « théorie » « selon laquelle tout ce que nous pensons aujourd’hui exact est susceptible d’être remplacé un jour par une conception plus exacte » (p. 180). Cette dimension épistémologique, qui prône le dynamisme dans le savoir, chaque recherche contribuant à l’avancée progressive des connaissances, n’est pas sans rappeler les conceptions de Kuhn et de Jaspers en matière d’épistémologie : J.A. Goldsmith et B. Laks s’inscrivent, par conséquent, eux aussi dans la mouvance des grands penseurs, ce qui justifie l’attribution du présent ouvrage au genre de l’essai.

La densité du contenu pourrait, il est vrai, rebuter certains lecteurs, novices sur ces questions, mais les entrées par auteur – ou par série d’auteurs – et les schémas des réseaux d’influence à mi-parcours du développement faciliteront une lecture plus ciblée. Il faut bien avouer, cependant, que c’est la continuité du raisonnement qui constitue la grande force de l’ouvrage, dans lequel le lecteur découvre pour ainsi dire la pensée pensante des auteurs. Les notes et la bibliographie sont à la hauteur du développement : extrêmement développées, les notes ne sont pas à négliger et contribuent à la solidité intellectuelle de l’ensemble. Nous ne saurions donc que trop conseiller la lecture de ce copieux ouvrage.

Tatiana TAOUS

Yann MIRALLES, Habiter bouche bée, Nice, Éditions Unies, 2023 (88 p. 18 euros).

Parce que « l’image devient malléable vraiment », il y a de quoi être sensible à cette langue qui glisse entre les formes et les images, entre l’émotion et la réflexion, entre la mémoire et la vie sous les yeux. Yann Miralles nous y invite dans son quatrième recueil, Habiter bouche bée… mais aussi l’espace, à mesure qu’il se resserre sur l’intime, qu’il regarde l’eucalyptus, la femme et l’enfant, et semble ouvrir des fenêtres de plus en plus grandes. L’auteur invite le jour et la lumière, le vent et les cris au fil de pages accueillantes en quête d’éblouissement et de cabanes. Une fenêtre ouvre le livre et en accompagne le cours, tout au long des cinq variations qui le composent – ou le mettent à jour. Fenêtre d’une salle de classe ouverte sur la cour de récréation, d’où parviennent les voix du dehors, les cris, les hautes branches des arbres dans l’ouverture. Entre engourdissement et brusques échos monte ici le sentiment de présence au monde, au langage des autres et à la sensation « d’être en multitude » reprise au poète américain George Oppen. Fenêtre-cadre, qui ouvre sur les lieux de partage des jeux et des souvenirs, des images et des oiseaux, des mouvements de l’eucalyptus dans le jardin. Cette idée d’habiter par le langage et la sonorité, d’habiter aussi bien le temps que les espaces, porte cet Habiter bouche bée qui en étudie la desquamation dans la mémoire à travers les écorces détachées des arbres. Fenêtre numérique d’une image en fond d’écran qui, à force de réactiver le présent par l’observation de ses détails – le jour, le jardin, la terrasse, la chaise, le pin – se fait aussi fond d’écran d’une vie. Le regard dérive de point en point, réinvente un mouvement à partir d’une image immobile, en recrée la fluidité temporelle par la fluidité du langage. L’homme est pour Y. Miralles une « interface », « incrustée d’images de paroles », c’est-à-dire un support sensible aux stimulations du monde dont l’auteur œuvre à rendre sa profusion de voix familières, d’odeurs de vacances, de châteaux de sable sur la plage et de nuits d’été. Geste d’une épopée intime que chacun traverse de façon réversible et une façon d’habiter « indéfiniment » les instants. Livre porteur de « tas de trajets possibles », qui porte la nécessité d’être présent à sa propre vie, par « association, surimpression, palimpseste », mouvements chers à l’auteur qui laisse dans ses livres toujours une place au surgissement du réel. Réel comme barrage d’abord, barrage d’hommes et de femmes aux ronds-points, et cette fenêtre de voiture que l’on hésite à fermer au passage. Sorti de la fluidité des images intimes on achoppe sur le réel, la dimension collective du monde, l’histoire qui nous traverse, à laquelle on appartient et dans laquelle on doit malgré tout avancer bouche bée, le corps devenant en fin de course plus qu’une interface, un « carrefour ». Y. Miralles s’attache ici à une parole glissée dans le flot du monde, qui essaie de « parler avec tout ça » : les images, les souvenirs, les mots, les arbres, les cris, le cœur, et tout ce qui reste hors champ, la vie même, « la vie qu’on ne voit pas et qui donne des yeux. »

Jacques DAVID

 

Jean-Christophe PELLAT, L’Orthographe française. Histoire, Description, Enseignement, Paris, Ophrys, 2023 (170 p., 19 euros)

Spécialiste de l’histoire de l’orthographe, de celle du 17e siècle tout spécialement, co-auteur d’une grammaire renommée et de manuels scolaires, Jean-Christophe Pellat propose un nouvel ouvrage sur l’orthographe française. L’initiative est d’autant plus intéressante qu’au cours de ces dernières années, les productions dans ce domaine se sont faites rares. L’Introduction à l’histoire de l’orthographe d’Yvonne Cazal et Gabriella Parussa date de 2015 et Le français et son orthographe, de Daniel Luzzati, remonte à 2010. Ce relatif silence des spécialistes de l’orthographe ne vaut d’ailleurs pas seulement pour le français même si le champ historique s’est récemment enrichi de deux ouvrages de Marco Condorelli : Advances in Historical Orthography, c. 1500-1800 et Introducing Historical Orthography, publiés respectivement en 2020 et 2022 aux Presses universitaires de Cambridge.

L’ouvrage de J.-C. Pellat se veut très éclectique puisqu’il porte, comme son titre l’indique, sur les trois domaines fondamentaux de l’orthographe du français : son histoire, son fonctionnement et son enseignement. Un choix dicté par une collection éditoriale au titre explicite « L’essentiel français », mais une gageure pour un texte de 170 pages.

Largement inspirée par les travaux de Nina Catach et notamment par l’édition posthume de son Histoire de l’orthographe française parue en 2001 chez Honoré Champion, la première partie retrace à grands traits une histoire désormais connue de l’orthographe du français. Les deux chapitres qui la composent décrivent l’affrontement de deux conceptions – la nouvelle et l’ancienne – que l’Académie française finira par associer jusqu’à fixer la norme orthographique tout au long du 18e siècle, un choix avalisé par la Révolution dont le rôle ne doit pas être sous-estimé. Les publications successives du Dictionnaire de l’Académie témoignent de ce cheminement, le désir de réforme qui anima les éditions antérieures à la Révolution, celle de 1740 notamment, étant quasiment absent des éditions postérieures. C’est l’école obligatoire qui contribua à installer cette norme dans la population tout au long de la seconde moitié du 19e siècle, pour en faire ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

Les deux chapitres de la deuxième partie de l’ouvrage décrivent le fonctionnement de l’orthographe du français avec, là encore, de larges références aux travaux de N. Catach, et tout spécialement à son Traité théorique et pratique sur l’orthographe française paru chez Nathan en 1980. J.-C. Pellat s’appuie également sur des recherches plus récentes qui ont sensiblement modifié la perception théorique de la structure orthographique. Un changement de point de vue initié par les analyses de Bernard Cerquiglini, et tout spécialement par son Roman de l’orthographe. Au paradis des mots, avant la faute 1150-1694, publié chez Hatier en 1996. Bien des études internationales mériteraient d’avoir également leur place dans cet ouvrage, qui montrent ce que les orthographes du monde peuvent avoir de similaire mais également de spécifique. À titre d’exemple, et parmi tant d’autres, citons le Handbook of orthography and literacy de R. Malatesha Joshi & P. G. Aaron publié en 2006 chez Lawrence Erlbaum. Une perspective comparatiste très utile quand il s’agit de justifier la complexité de l’orthographe française. Plusieurs études, psycholinguistiques celles-là, vont d’ailleurs dans ce même sens en constatant que les performances de jeunes lecteurs sont meilleures quand les systèmes orthographiques sont réguliers – espagnol ou italien – et moins bonnes quand ils sont complexes – portugais, français ou anglais.

Composée de trois chapitres et centrée sur l’enseignement de l’orthographe, la troisième partie de l’ouvrage est la plus dense. Elle débute par un état des lieux regroupant principes didactiques et zones de fragilité orthographique avec une allusion à la baisse du niveau, sous la forme d’un encart proposant une synthèse sur la question. Une analyse plus détaillée des causes, notamment sociologiques, d’une situation largement débattue aujourd’hui, eût été bien utile. Le chapitre suivant ajoute un volet cognitif, avec le rappel d’une typologie des erreurs ancienne mais peu utilisée et une évocation rapide des stratégies d’apprentissage. Le chapitre suivant s’attarde sur la distinction entre orthographe lexicale et grammaticale en indiquant un certain nombre de points susceptibles d’organiser l’apprentissage : liste de fréquence, chaines d’accord et accord du participe passé, ce dernier point faisant l’objet d’un éclairage historique et d’un possible projet de simplification. Le dernier chapitre présente finalement un catalogue d’activités – exercices et dictée notamment – qui se trouveraient à coup sûr pleinement motivées en s’inscrivant dans une pédagogie plus large associant orthographe et production écrite.

L’ouvrage de J.-C. Pellat rassemble donc, sous une forme succincte, un ensemble d’informations théoriques et pratiques très utiles sur l’orthographe du français pour laquelle il constitue une bonne introduction. Reste que bien des questions demeurent en suspens qui nécessiteraient des réflexions complémentaires. Comment mesurer par exemple la complexité de l’orthographe du français sans l’inscrire dans un ensemble plus vaste basé sur des comparaisons linguistiques et psycholinguistiques ? Comment rénover l’enseignement de l’orthographe sans intégrer les activités conventionnelles auxquelles on le cantonne trop souvent dans une démarche plus large incluant notamment la production de textes ? Et plus généralement, comment se fait-il qu’aujourd’hui encore, en dépit de la parution continue de manuels auto-proclamés originaux, la maitrise de l’orthographe française continue de poser à la société francophone autant d’épineuses questions ?

Jean-Pierre JAFFRÉ

 

REVUE DES REVUES

DISCOURS, n° 32, « Varia », coordonné par Lydia-Mai Ho-Dac & Nicolas Hernandez, 2023 (https://journals.openedition.org/discours/12424)

La revue est disponible en ligne et se veut un lieu d’échange et de confrontation des données, des analyses et des théories pour la communauté des linguistes, psycholinguistes et informaticiens travaillant plus généralement à la description, la compréhension, la formalisation et le traitement informatique de l’organisation des textes. Les objets de la revue se concentrent autour de la structuration du discours et marqueurs discursifs, des relations de discours (cohérence, cohésion, linéarisation, indexation, structure informationnelle, ordre des mots), des processus cognitifs à l’œuvre lors de la compréhension et de la production de textes, et autres thèmes reliés. Le sommaire de ce « Varia » comprend les études suivantes : « Référence multimodale dans les narrations d’enfants : les gestes servent-ils à clarifier les expressions référentielles ambigües ? » par Corrado Bellifemine & Camille Dupret ; « Sujet clitique et dynamique de l’écrit : un éclairage par les jets textuels » par Quentin Feltgen, Florence Lefeuvre & Dominique Legallois ; « “Be proud, and loud” : marqueurs de fierté dans les discours oraux de drag queens » par Natacha Marjanovic.

 

LHUMAINE, n° 2, dossier « Langage et pensée complexe », coordonné par Jérémi Sauvage, 2023 (https://lhumaine.numerev.com/numeros/1188-revue-2-langage-et-pensee-com…)

Ce deuxième volume de la revue LHUMAINE a pour objectif de réunir des travaux dont le dénominateur commun est la mobilisation de la « Pensée complexe » développée par Edgar Morin. Que l’objet d’étude soit le langage verbal des êtres humains, le langage du corps, la communication animale ou les fonctionnements langagiers techniques (en informatique, par exemple) ou organisationnels (dans des entreprises ou des institutions), il convient d’éviter les écueils de la simplification excessive et de la pensée binaire qui conduiraient à une dénaturation de l’objet de recherche. Ainsi, la « Pensée complexe », comme posture épistémologique, permettra, par exemple : i) de considérer la complexité de l’objet étudié dans la méthode scientifique même adoptée par le chercheur ; ii) d’envisager la complexité de l’objet étudié en tenant compte des relations interdisciplinaires indispensables au traitement du sujet posé ; iii) de mettre en évidence les choix et postures théoriques et idéologiques, non pour les éviter mais pour situer la réflexion dans le temps (histoire de la pensée) et l’espace (diversité des cultures et identités scientifiques). Les articles recensés ici explorent tout ou partie de cette posture scientifique, avec au sommaire : « Gnose de Théobald Lalanne, dialectométrie et complexité : La traversée du (sous)dialecte landais » par Jean Léo Léonard, Grégory Gélébert ; « La voix comme champ disciplinaire ou penser un objet de savoir dans sa complexité » par Corinne Weber ; « Glottophobie en milieu de travail et complexité » par Marie-Noelle Albert, Nadia Lazzari Dodeler & Ibrahima M Faye M ; « La méthode de la complexité pour comprendre la plurisémiocité des discours numériques : de l’efficacité de TikTok » par Damien Deias ; « Langage et pensée complexe : le cas de la transdisciplinarité » par Jean Frayssinhes ; « Réduire le chômage de très longue durée en Suisse occidentale par un matching entre offre et demande d’emplois » par Stéphane Rullac, Pascal Maeder & Nathalie Gey ; « Appréhender les modalités d’organisation du travail en contexte pluridisciplinaire de recherche : étude de cas » par Cédric Brudermann & Chrysta Pelissier ; « Réflexions d’une doctorante sur la notion de “réflexivité éthique” en didactique des langues : une question de reliance ? » par Maël Meur ; « Renforcer l’apprentissage du français langue étrangère grâce à la didactique intégrée des langues : une nouvelle recherche empirique en Suisse » par Pauline Lapaque & Audrey Freytag-Lauer ; « Savoir et pouvoir - l’espacentre - langage et territoire » par Christian Blanes & Christelle Lemaire ; « Vers un langage pour exprimer la complexité » par Éric Lacombe ; « Edgar Morin, un portrait » par Régis Meissonier.

 

LIDIL, n° 67, dossier « Pratiques translangagières dans l’enseignement-apprentissage des disciplines en contexte bi- ou plurilingue », coordonné et présenté par Sophie Babault & Margaret Bento, 2023 (https://doi.org/10.4000/lidil.11406)

Ce numéro de Lidil analyse les pratiques translangagières en classe dans des contextes où deux langues (ou plus) sont utilisées comme médiums d’enseignement, que ce soit à l’échelle d’un système éducatif, d’établissements ou de quelques classes. Bien qu’étant extrêmement diversifiés, la plupart des programmes bilingues restent organisés à ce jour suivant une répartition des langues entre les différentes disciplines ou entre les niveaux d’enseignement, ce qui entraine de nombreux problèmes d’un point de vue didactique : cloisonnement artificiel entre les langues utilisées, ruptures didactiques lors du passage à une autre langue, absence de passerelles explicites entre les savoirs développés dans une langue ou dans l’autre, prise en compte insuffisante des éventuelles difficultés langagières des élèves, etc. Dans ce numéro, les auteurs montrent des approches didactiques utilisant les langues de manière complémentaire non seulement pour une meilleure intégration des savoirs disciplinaires mais également dans la perspective d’un développement de compétences bi- ou plurilingues solides, cette valorisation de l’ensemble des répertoires langagiers entrainant dans son sillage une plusvalue sociale non négligeable. Le sommaire rend compte de ces approches complémentaires : « Pratiques translangagières et (dé)cloisonnement curriculaire : deux études de cas en contraste » par Vincent Dall’Aglio, Mariana Fonseca Favre, Laurent Gajo & Stéphanie Vaissière ; « C’est pas Auto mais e Wàge. Pratiques translangagières en maternelle dans le contexte de l’immersion en allemand et en dialecte alsacien » par Anemone Geiger-Jaillet & Gérald Schlemminger ; « Usages pédagogiques de pratiques numériques translangagières dans les classes de sciences » par Jérémi Sauvage, Nathalie Auger & Laurine Dalle ; « Orientations pour la conception de supports didactiques biplurilingues » par Noémie Guérif, Mathieu Savoy & Alassane Dango ; « Le projet européen LISTIAC : le tapis de dialogue, un outil de réflexion collective pour la formation des enseignants aux pratiques translangagières, de la maternelle au lycée, dans toutes les disciplines » par Nathalie Auger & Nathalie Pépiot ; « Translanguaging Décloisonnement: An Epilogue » par Ofelia García

 

NOUVEAUX CAHIERS DE LA RECHERCHE EN ÉDUCATION, vol. 24(3), dossier « Actualité de la pensée de Frédéric François pour l’École », 2022, éditions de la Faculté d’éducation de Sherbrooke, Québec-Canada (https://www.erudit.org/fr/revues/ncre/2022-v24-n3-ncre08092/)

Parmi les nombreux travaux qui ont inspiré l’École dans le domaine du langage, se trouve la pensée singulière de Frédéric François, philosophe et linguiste, longtemps professeur à l’université Paris-Descartes, et récemment disparu. Ce numéro entend retracer ses réflexions sur la question du langage à l’École, envisagée comme articulation du dialogue et du dialogisme, non seulement dans le couplage de ces deux champs souvent disjoints, mais aussi dans la décision de les questionner. L’apport de F. François se situe dans une « orientation » inattendue pour envisager les objets langagiers, en dehors des références qu’offrent habituellement à l’École les disciplines contributives et les savoirs savants. Ce volume rappelle combien sa pensée est éclairante, aujourd’hui, pour comprendre les problématiques scolaires et éducatives. Parmi les questions en rapport avec les apprentissages à l’école, auxquelles nous invite la longue bibliographie de F. François, le dossier proposé ici repose sur l’articulation du dialogue scolaire et du dialogisme avec lesquels les élèves et les maitres sont aux prises, en particulier à partir des situations et des apprentissages scolaires. Au sommaire : « Actualité de la pensée de Frédéric François pour l’École (Introduction) » par Catherine Boré, Marie Carcassonne & Marie-Laure Elalouf ; « Récits, dialogues et dialogisme à l’École » par Marie Carcassonne ; « “Je ne sais que très peu d’où me vient ce que je dis” : du dialogisme du dialogue scolaire à l’activité dialogique des élèves et des étudiants » par Catherine Delarue-Breton ; « Éclairer le processus de conceptualisation lors des discussions à visée philosophique en mobilisant deux notions de François, les différentes façons de signifier et les mouvements discursifs » par Philippe Roiné ; « Écrire en classe : réflexivité, reprise et “reste” » par Catherine Boré ; « Interpréter des définitions du verbe proposées par des élèves de l’école primaire : façons de dire le générique, le particulier et “difficile à dire” » par Marie-Laure Elalouf.

 

RECHERCHES, n° 78, dossier « Médias », Presses universitaires du Septentrion (https://www.revue-recherches.fr/?p=8645)

La diversification des ressources médiatiques offre de multiples possibilités en termes d’apprentissages : recherches, productions numériques (webzine, webradio, blog…), photographies, bandes dessinées mais aussi jeux (de société ou serious game). Le numérique est au cœur de la quasi-totalité des articles de ce numéro, reflet de la place prépondérante des supports numériques dans la diffusion de l’information. Comme l’école ne cesse d’interroger son rapport aux médias, leur permanente évolution oblige à repenser l’usage qui pourrait en être fait en classe. Dans ce volume, les médias sont envisagés comme outils pédagogiques pour développer des compétences d’expression orale et écrite, mais aussi comme objets d’apprentissage en soi, pour mieux en appréhender les codes et les utiliser de manière pertinente… Le sommaire rend compte de ces perspectives d’enseignement et d’apprentissage : « Une perspective transmédiale sur la focalisation » par Raphaël Baroni ; « People of Freyssinet : une exposition photo qui donne du sens aux apprentissages disciplinaires et transversaux » par Catherine Gendron ; « Projet radio, risques et liberté » par Coraline Soulier ; « Motiver les élèves en valorisant leurs pratiques de littératie numérique : effets manqués d’une exploitation du genre de la chronique » par Cindy De Amaral ; « Apprendre à ponctuer avec un serious game en cycle 3 » par Véronique Paolacci & Michel Galaup ; « Production d’un article numérique multimodal de type explicatif : quelles pratiques réelles d’emprunt ont les adolescents de 14-15 ans ? » par Ève Gladu & Nathalie Lacelle ; « L’autoportrait numérique : dévoilement ou dissimulation de soi ? » par Christine Dupin ; « Des gestes professionnels caractéristiques de l’enseignement de la littératie numérique ? L’exemple de l’enseignement compétence “naviguer-rechercher” » par Magali Brunel & Jimmy Coste ; « Accompagner les élèves dans les apprentissages à travers l’usage des activités ludiques : Oui, mais comment ? » par Lucie Cheval ; « À vos micros ! La radio en classe de français et de FLE » par Sabrina Mathis ; « Animer un média scolaire : récit d’expérience » par Estelle Deschutter.

 

REPÈRES, n° 67, dossier « Quelles mutations dans le champ de la didactique du français, à l’école primaire ? » coordonné par Marthe Fradet-Hannoyer & Marie-France Bishop, 2023 (https://journals.openedition.org/reperes/5656)

Le dossier examine la manière dont la didactique du français traite la question des mutations de l’école. Les travaux dans ce domaine qui observent et analysent ces mutations sont au centre de la réflexion. Celle-ci concerne autant les problématiques d’apprentissage, d’enseignement que de formation. L’ensemble des articles regroupés en quatre parties s’inscrit dans l’analyse systémique des mutations. La première analyse les mutations des outils et documents d’accompagnement et conduit le lecteur à s’interroger sur les effets de ces changements sur les supports pédagogiques, les formations et l’activité des enseignants. La deuxième est consacrée à la redéfinition des dispositifs d’enseignement induite par les mutations des collaborations entre les enseignants et les chercheurs. Une troisième partie met en lumière les mutations des méthodologies et des objets de recherche. Enfin, sont analysées les mutations des publics et des contextes d’enseignement et les potentiels que celles-ci présentent pour les pratiques enseignantes. Le sommaire détaille ces parties et les contributions correspondantes : en introduction, « La didactique du français : un domaine en mutation » par Marie-France Bishop & Marthe Fradet-Hannoyer ; la partie 1, intitulée « Mutations des outils et des prescriptions : quels effets sur les supports pédagogiques, les formations et l’activité des enseignants ? », comprend les articles suivants : « La grammaire rénovée est-elle une/en mutation ? La grammaire scolaire au travers des prescriptions et des recommandations en Suisse romande » par Anouk Darme-Xu & Ecaterina Bulea Bronckart ; « L’introduction de nouveaux manuels de français : une opportunité de transformer les cadres de référence des enseignant·es vaudois·es » par Roxane Gagnon, Sonya Florey & Solenn Petrucci ; « Dilemmes professionnels de l’enseignant en contexte de révision-réécriture collective d’écrits sur un tableau blanc interactif dans les premiers apprentissages de l’écrit » par Hélène Castany-Owhadi. La deuxième partie, « Mutations des collaborations enseignants-chercheurs : quelle redéfinition des dispositifs et des liens avec la recherche ? », distribue deux études : « Interroger les liens entre la recherche et les pratiques : regard rétrospectif sur l’étude évaluative d’un dispositif d’enseignement de l’orthographe dans le contexte des évolutions contemporaines en didactique du français » par Prisca Fenoglio, Lucile Cadet & Jacques Crinon ; « La philosophie au service de l’enseignement-apprentissage de l’écriture et l’écriture au service de l’enseignement-apprentissage de la philosophie, au cycle 3 » par Olivier Blond-Rzewuski & Charlie Renard. La partie 3, « Mutations des méthodologies et des objets de recherche : quels enjeux, quels moyens, quels potentiels pour saisir le travail enseignant et ses effets sur les apprentissages des élèves ? », s’organise autour de trois articles : « Un concept au service de la didactique du français : la productivité disciplinaire » par Cindy De Amaral, Eleni Valma, Solveig Lepoire-Duc, Jean-Pierre Sautot, Patrice Gourdet & Morgane Beaumanoir-Secq ; « Saisir le didactique ordinaire à travers la préparation de cours des enseignants en français : réflexions à partir d’une étude sur l’enseignement de l’écriture » par Aurélie Doelrasad ; « Transfictionnalité et adaptation : des objets pour (re)configurer la lecture littéraire à l’école » par Sonia Castagnet-Caignec. La quatrième et dernière partie, relative aux « Mutations des publics, mutations des contextes d’enseignements : quels potentiels pour les pratiques enseignantes ? » inclut trois autres contributions : « Une nouvelle exploitation de la biographie langagière en didactique du français. Tisser des liens entre rapport aux langues et compétences plurilingues des élèves » par Marie-Noëlle Roubaud & Karima Gouaïch ; « L’école à la maison durant le confinement : un autre regard sur les apprentissages du lire-écrire » par Belinda Lavieu-Gwozdz & Cendrine Waszak ; « Réflexion sur l’adaptation didactique à travers une pratique philosophique contextuelle en Polynésie » par Simon Deprez.

 

NOUS AVONS ÉGALEMENT REÇU…

BUELA BRONCKART, Ecaterina & GARCIA-DEBANC, Claudine (éds) (2022). L’Étude du fonctionnement de la langue dans la discipline français : quelles articulations ? Namur : Presses universitaires de Namur, coll. « Recherches en didactique du français n° 1 ».

CHARAUDEAU, Patrick (2023). Le Sujet parlant en sciences du langage. Contraintes et libertés. Une perspective interdisciplinaire. Limoges : Lambert-Lucas, coll. « Philosophie et langage ».

LE PESANT, Denis (2023). L’Expression des émotions et des sentiments en français. Paris : Classiques Garnier.

RISSELIN, Karine, BUSCH, Émilie & VIBERT, Anne (2023). Travailler la maitrise de la langue, faire progresser les élèves dans toutes les disciplines. Paris : E.S.F. Sciences humaines, coll. « Pédagogies - outils ».

ROIG, Audrey & TOUTAIN, Anne-Gaëlle (éds) (2023). Concert mondial de linguistique française. Mélanges offerts à Franck Neveu. Paris : ENS Éditions.

SPITZER, Leo (2023). Soixante études sur le style de textes français (édité par É. Karabétian). Genève : Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire ».

 

Soumis par   le 17 Novembre 2023