Les annonces autour de l’évolution du baccalauréat conservent en fin de classe de 1ère une évaluation du français, à l’écrit et à l’oral, reconnaissant ainsi le rôle essentiel pour tous les élèves de la formation en langue, langages et littérature. Et si l’AFEF tient à rappeler que cette formation s’inscrit dans un continuum de la maternelle à l’université, et dans une transversalité entre langages des disciplines, la classe de première, sanctionnée par les épreuves anticipées de français, est, pour la grande majorité des élèves, la dernière où la littérature fait partie de leur programme obligatoire, la dernière où l’École leur donne l’occasion de se frotter à la lecture et à l’écriture littéraire. C’est pourquoi l’AFEF fait de la littérature un axe central dans les classes de 2nde et 1ère, et inscrit ses propositions dans ce qu’elle définit comme les objectifs majeurs pour la littérature en classe de français au lycée. Inchangés, certains de ces objectifs sont d’ordre disciplinaire : transmettre un patrimoine littéraire ouvert, ainsi que les outils d’analyse et exercices pour se l’approprier ; développer des compétences et pratiques culturelles propres à enrichir et nourrir la pensée. D’autres sont transversaux : tout mettre en œuvre pour développer oralement et par écrit des compétences qui permettent aux élèves de développer et défendre une argumentation, un point de vue singulier et organisé, pas uniquement selon un cadre formel imposé mais en favorisant différents modes d’expression de la pensée. C‘est ce dont ils auront besoin dans leur poursuite d’études et leur vie professionnelle et personnelle. Et cet axe littéraire central ne doit pas faire oublier que le rôle du professeur de français est plus large, et devrait se poursuivre au-delà avec une préparation à l’oral, aux écrits professionnels, à l'argumentation et l'organisation de sa pensée.
Oral
La redéfinition de l’épreuve orale est fondamentale, car, actuellement, c’est elle qui conditionne très largement les pratiques de classes durant l’année de première, voire de seconde. Même si lecture analytique, dans sa définition, se voulait moins formelle et ne devait pas relever d’un apprentissage par cœur du « bon plan », les élèves ont, dans les faits, toujours une liste à présenter, ils apprennent encore les corrigés distribués en cours, qu’ils se débrouillent pour réutiliser quelle que soit la question posée par l’examinateur.
Cette épreuve orale, dans l’état actuel des choses, ne permet d’évaluer ni l’oral, ni les aptitudes de lecture littéraire des élèves.
Les propositions de l’AFEF consistent à faire de l’oral de première une propédeutique de l’oral sur projet de terminale (« Grand oral »), et ainsi à :
- Développer, durant les années de seconde et de première, un apprentissage des techniques de l’oral pour mieux aider les élèves dans ce qui sera une des compétences essentielles de leur poursuite d’études et de leur vie professionnelle ;
- Mettre les élèves, durant l’année de première, en situation de développer un projet littéraire, de préférence collectif voire collaboratif, éventuellement avec des outils numériques, du travail en réseau ; ce projet s’inscrirait dans différents parcours proposés, portant sur un exigeant programme d’œuvres ;
- Le jour de l’oral, l’élève serait amené à défendre son projet, et serait interrogé sur ses lectures et les connaissances littéraires et artistiques conjointes. Il serait évalué sur sa prestation orale, sur la soutenance de son projet et sur ses aptitudes en lecture littéraire.
Un exigeant programme commun à tous d’œuvres classiques et contemporaines, françaises, francophones et mondiales serait mis à l’étude des classes.
Des exemples de projets littéraires que les élèves pourraient présenter.
Ils pourraient établir par eux-mêmes un corpus :
- Soit, par exemple, de quatre textes autour d’un objet d’études ou d’une problématique posée ;
- Soit d’extraits d’une œuvre lue en justifiant leurs choix à partir d’une étude littéraire de ces textes, d’une mise en relation avec les œuvres et textes travaillés en classe, et d’une réflexion sur ce que ces textes peuvent apporter au lecteur tant du point de vue de l’émotion, de l’attrait esthétique, de l'expérience du monde et des hommes (d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs),que des thématiques abordées ainsi que des valeurs véhiculées et à interroger ;
- Ces corpus pourraient être pris dans un ensemble de textes proposés par l’enseignant sans pour autant que ce soit restrictif, mais cela permettrait d’aider les élèves. Et on pourrait attendre d’eux qu’au moins un des textes du corpus n’ait pas fait partie de l’anthologie proposée par le professeur. On pourrait y ajouter le choix d’une œuvre artistique : extrait de film, peinture, sculpture, œuvre musicale, … à mettre en relation. Un temps du cours serait dévolu à ce travail à partir du mois de janvier/ février une fois que les élèves sont familiarisés avec les exigences de la classe de 1ère.
Écrit
La redéfinition des épreuves écrites est aussi essentielle, pour partir des besoins des élèves à l’écrit dans leur poursuite d’études, leur vie professionnelle et personnelle, où ils devront savoir :
- Argumenter, justifier des choix afin de développer une pensée critique ;
- Imaginer, inventer, s’essayer à une écriture littéraire qui permet d’explorer le monde et ses grandes questions ;
- Synthétiser, s’appuyer sur une analyse, des outils, des méthodes pour synthétiser ;
- Organiser leur pensée et structurer leur écriture ;
- Mobiliser leur culture littéraire et artistique pour nourrir leur pensée.
Les exercices actuels permettent peu d’évaluer ces compétences ; en outre, préparer à trois exercices écrits et à l’oral, durant l’année de première, est une gageüre et ne permet pas de former correctement les élèves à l’ensemble.
Parmi les trois exercices écrits, actuellement, le sujet d’invention et le commentaire sont choisis à peu près dans les mêmes proportions avec un avantage pour le sujet d’invention, parce qu’il apparait aux élèves comme moins difficile (ce qui est faux !)
Le commentaire, lui, rassure les élèves, qui peuvent s’appuyer sur un texte support et ont moins l’impression de pouvoir faire un hors-sujet ; il est certainement aussi l’exercice le plus travaillé en classe dans le cadre des études de textes présentés actuellement à l’oral.
Quant à la dissertation, elle peut angoisser ceux qui ont l’impression qu’elle est plus abstraite (même si, depuis quelques années, on voit la dissertation choisie par des élèves faibles qui ne saisissent pas l’enjeu de l’exercice et souhaitent s’en débarrasser au plus vite, il leur parait alors plus facile de plaquer un modèle de plan « passe partout » plutôt que d’entrer dans le travail sur la singularité du texte que demande le commentaire).
L’écriture d’invention, actuellement décriée par certains, souffre de s’être éloignée peu à peu de ce qu’on attendrait d’une écriture littéraire, et elle est certainement la moins travaillée en classe, sauf par des enseignants passionnés qui mettent leurs élèves dans des situations d’écriture littéraire innovantes, en écriture collaborative et sur les réseaux sociaux. Les collègues qui ne sont pas entrés dans cette démarche s’en méfient, et soulignent la difficulté qu’ils éprouvent à l’évaluer. Ils se trouvent démunis et désemparés devant un exercice qui n’a pas fait partie de leur formation de professeurs de lycée lorsque les programmes sont entrés en vigueur, et qu’ils ont associé à des formes de « rédaction » collégienne qui leur semblaient peu en prise avec le niveau de réflexion attendu d’un élève de lycée. Cette représentation nous semble un paradoxe qui tendrait à faire croire qu’on ne peut pas penser par la fiction et que la littérature serait une entreprise assez vaine alors qu’elle permet au contraire d’explorer la réalité, de la penser autrement, de l’imaginer, de porter un regard sur elle. Nos auteurs classiques étaient aussi des penseurs… et les philosophes du XVIIIème ont utilisé la fiction…
La diminution du nombre des exercices à deux est souhaitable.
Ces deux exercices sont à inventer autour de deux fondements essentiels :
- Un corpus littéraire, éventuellement élargi à d’autres documents y compris iconographiques (à définir précisément) ;
- Un croisement, pour chacun des deux exercices, d’au moins deux des compétences : argumenter, synthétiser, imaginer, organiser, mobiliser sa culture littéraire et artistique.
Des exemples d’exercices écrits qui pourraient être envisagés :
- L’épreuve de synthèse suivie d’une argumentation proposée actuellement à l’épreuve de culture générale de BTS pourrait servir de point d’appui.
- Un exercice pourrait combiner une écriture littéraire et une argumentation dans laquelle les élèves devraient ensuite justifier leurs choix.
Un temps de réflexion et consultation suffisamment long des différents protagonistes concernés doit être consacré à la proposition des exercices proposés à l’examen. On le sait, ils vont piloter le travail des enseignants, l’ouvrir, le rénover ou le réduire. Il est bon d’y prêter la plus grande attention. Ce sont les compétences culturelles et langagières des bacheliers et futurs étudiants qui sont en jeu.
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