Quand les actes démentent les paroles ! Les lycéens se révoltent, ils sont humiliés. Peuvent-ils avoir confiance ?


Communiqué publié sur le Café pédagogique le 10 décembre 2018 - Viviane Youx, D. Bucheton, présidente et vice-présidente de l’AFEF

Lire le communiqué sur l'Expresso du 10 décembre 2018

 

Quand les actes démentent les paroles ! Les lycéens se révoltent, ils sont humiliés. Peuvent-ils avoir confiance ? 

 

Non, Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas accuser les médias d’avoir créé de fausses nouvelles, les images des lycéens agenouillés ou visés par des policiers ne sont pas inventées. 

Vous parlez de confiance et de bienveillance, et vous ne répondez aux lycéens qu’en augmentant le déploiement sécuritaire. 

Vous parlez de dialogue et de démocratie, mais vous faites passer en accéléré et en force les réformes des lycées général et professionnel, ainsi que les programmes d’enseignement, hors du délai légal.

 

Les lycéens manifestent, ils n’y ont pas été poussés par un complot de fausses nouvelles. Ils exercent leurs droits de citoyens et ils ont raison. 

Quelques casseurs ont infiltré leurs rangs et provoqué des violences, mais la réponse par l’humiliation et la peur de 130 lycéens était-elle proportionnée ? 

Vous vous dites choqué, Monsieur le Ministre, mais vous gardez de condamner les coups et blessures infligés à des mineurs, sous les yeux de la France et du monde.

Et vous disqualifiez les demandes légitimes des jeunes manifestants en les balayant d’un revers de main, faisant croire que vous dialoguez.

 

Ils vous adressent leurs revendications, car ils craignent que les réformes en cours ne leur ferment des portes. Ils réclament que leur parole soit entendue. Que disent-ils ? Nous les avons écoutés et sommes d’accord avec eux pour dire que :

-       Oui, la réforme du lycée est inégalitaire. Elle va laisser de côté les humanités et les arts, mis en balance avec des enseignements de spécialité plus payants ; l’absence de math dans le tronc commun va reconduire une organisation par filières dans laquelle les élèves « éclairés » par leur milieu feront les choix les plus pertinents pour une poursuite d’études qui engage vers la meilleure insertion professionnelle et sociale. Et le déploiement incomplet des enseignements de spécialité selon les villes va instaurer une nouvelle inégalité territoriale.

-       Oui, le lycée professionnel est renvoyé du côté des pratiques professionnelles ; la réduction de la part des humanités littéraires et scientifiques ne permettra pas aux lycéens de se former à un univers professionnel mouvant, ni d’envisager des études supérieures s’ils le souhaitent ; ils seront renvoyés vers des familles de métiers gérées par les branches professionnelles sans garantie d’égalité nationale. 

-       Oui le fonctionnement de ParcourSup désavantage les lycéens qui viennent des établissements les moins prestigieux, urbains ou ruraux, et vise au final à réduire le nombre de places à l’université par la sélection sur des critères hautement discutables, alors que le développement économique et social de notre nation devrait passer par des moyens décents accordés à l’enseignement supérieur.

-       Oui les lycéens ont raison de dénoncer les classes surchargées, une situation qui va encore s’aggraver avec la diminution importante des places au concours de recrutement du second degré, notamment en lettres et langues, disciplines dites de culture générale qui ont pour objet l’enseignement de la langue, de la littérature, l’aptitude à lire-écrire-parler pour penser et débattre.  

 

En manifestant, les lycéens défendent surtout le droit à l’égalité des chances, le droit d‘espérer en un avenir choisi, le droit à une culture de haut niveau pour l’homme et la femme de demain, capables de comprendre le monde, de s’ajuster et contrôler les immenses mutations technologiques, sociétales, culturelles, économiques, écologiques. Le système précoce d’enseignement de spécialités imposé par la réforme du bac privilégie les choix rentables qui enferment la pensée très tôt dans des sentiers étroits. Les lycéens, par leur action, veulent reprendre le pouvoir sur leur avenir. Ils refusent une réforme du lycée menée au pas de charge, sans le temps nécessaire à une vraie réflexion collective. Notre responsabilité collective d’éducateurs est d’accompagner les lycéens pour les aider à faire émerger leur parole, à argumenter et débattre. L’AFEF, Association française pour l’enseignement du français, s’associe aux lycéens pour demander qu’elle soit débattue largement et démocratiquement.

 

Viviane Youx, D. Bucheton, présidente et vice-présidente de l’AFEF 

 

Soumis par   le 11 Décembre 2018