Université d'automne, un bilan, des perspectives…, de Viviane Youx


 

Avec son Université d'automne, l'AFEF a marqué une nouvelle étape. Elle a gagné en visibilité, ce dont elle avait besoin pour ouvrir de nouveaux espaces de travail et de confrontation ; divers réseaux se sont activés depuis des mois pour faire connaitre ses projets, diffusés dans la Lettre mensuelle et sur le site www.afef.org dont la fréquentation va croissant ; il fallait un évènement réunissant des enseignants de tous niveaux, de différentes régions de France et de pays de la francophonie pour aller plus loin ; de manière anecdotique, ou non, les gazouillis ont pris le relai durant les trois jours de l'Université d'automne, sous le #AFEF créé sur Twitter pour l'occasion… Des tournants ont été pris, des perspectives s'ouvrent. Car cette visibilité est d'abord un moyen pour l'AFEF de se positionner dans le débat public sur l'école, et d'atteindre les objectifs qu'elle a ciblés.

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Des espaces d'échange et de travail

De quels espaces disposons-nous aujourd'hui pour échanger, proposer nos expériences à d'autres qui puissent les passer au crible de leurs critiques bienveillantes, livrer nos inquiétudes et nos interrogations sur nos pratiques ? Ces temps et ces espaces font cruellement défaut, par manque de moyens de formation, mais aussi par isolement ; même les temps passés sur internet pour essayer d'y suppléer n'y suffisent pas. Et la gourmandise qui animait l'université d'automne le montre bien ; pour filer la métaphore d'une copie d'élève béninois, "de la nourriture y en avait à droite, y en avait à gauche, et les mâchoires galopaient…" tant nous voulions mettre à profit ces quelques jours pour engranger le bienfait des échanges présents pour l'avenir. Des groupes de travail se préparent, impulsés par l'AFEF ou par les participants, localement ou à distance, ouverts à tous, pas seulement aux participants d'octobre…

 

Diffuser la recherche

L'AFEF s'est toujours située à l'interface entre la recherche et la classe : relayer les questionnements des enseignants du primaire et du secondaire auprès des chercheurs ; relayer les découvertes et avancées de la recherche auprès des enseignants dans leurs classes. Certains peuvent regretter que cela n'aille pas assez vite, les recherches mettent du temps pour atteindre les classes, et les chercheurs peuvent s'étonner que l'on ait régulièrement besoin de réinventer la roue. Les enseignants, quant à eux, peuvent se trouver démunis devant des concepts spécialisés qu'ils jugent éloignés de leur réalité. C'est pourtant à ce prix que se fait l'ajustement entre avancées de la recherche et réalités du terrain, et c'était un des objectifs fixés au programme de l'université d'automne, mettre les chercheurs non dans une position de surplomb scientifique, mais d'analyse et de réflexivité à partir des ateliers. Démarche difficile et rigoureuse, que l'AFEF revendique.

 

Affirmer des choix pédagogiques et didactiques

Écrire dans les disciplines, cette question qui met l'accent non seulement sur l'écrire, mais aussi sur l'interdisciplinarité, nous semble une des préoccupations majeures à prendre en compte pour lutter contre les inégalités à l'école. Elle concerne tous les enseignants, tant la réussite des élèves est liée à leur capacité à comprendre et pratiquer la langue de l'école pour entrer dans les savoirs. Distinguer entre compétences langagières, à la fois globales et spécifiques à chaque domaine disciplinaire, et compétences linguistiques, du ressort de l'enseignant de français, cet objectif, qui traversait les travaux des trois jours, permet de sortir d'une vision réductrice et normée de l'enseignement du français. "Du sel il en faut dans tous les plats, mais on ne peut pas en faire un plat", cette autre métaphore, d'une collègue libanaise, à propos de l'enseignement de la grammaire, illustre bien la nécessité de replacer les compétences linguistiques à l'intérieur des compétences langagières, considérant les élèves comme des sujets pensants et agissants.

 

S'ouvrir à la francophonie et à l'international

Renouant avec ses fondements, notre association s'était aussi donné comme objectif de réaffirmer son engagement dans la francophonie en s'ouvrant à l'international. Grâce, notamment, à l'appui de la FIPF, nous avons pu accueillir dans nos travaux des professeurs venus de différents pays de la francophonie qui ont pu décliner le thème de l'université d'automne grâce aux réalités de leurs pays, Bénin, Gabon, Liban, Maroc, lycée français au Portugal, mais aussi Québec… Ces moments d'échanges, riches et émouvants, nous ont permis de décentrer nos représentations, et vont nourrir des partenariats autour de l'écriture, entre classes de différents pays, à l'image d'une francophonie vivante.

 

Réfléchir aux intérêts et aux usages du numérique

Un des chantiers que l'AFEF ouvrait dans cette université d'automne, c'est celui de la place du numérique dans les pratiques de classe. Au-delà des injonctions actuelles, et de la diffusion massive des outils numériques dans les établissements, quels changements apportent les outils ? Sont-ils seulement plus motivants ? Le fonctionnement et les usages des claviers et écrans, au-delà des questions d'ergonomie, sont-ils assez travaillés par la recherche ? Il ne suffit pas qu'un élève écrive sur une tablette ou un ordinateur pour que les choses changent et qu'il prenne du pouvoir sur ses écrits. Les processus et représentations de l'écriture sont-ils les mêmes selon les outils, supports et situations ? Le débat est ouvert, nous y reviendrons.

 

Repenser les fondements de l'enseignement du français

À la fin de son Université d'automne, l'AFEF a soumis à la discussion ses propositions pour l'enseignement du français. Amendées, réécrites, elles vous sont présentées sur le site de l'AFEF où vous pourrez les critiquer et commenter. Ce texte, "Vers un nouveau manifeste", encore évolutif, entend poser les conditions d'un enseignement du français à la fois exigeant dans ses objectifs et ses mises en œuvre, afin de lutter contre les inégalités scolaires. Il s'impose comme une base essentielle pour reconstituer la formation initiale et continue dont nous avons besoin pour trouver les moyens de faire réussir tous les élèves.

 

Un bilan, et après ?

Ouverte, dense, enrichissante, chaleureuse, ces adjectifs parmi les plus fréquents proposés par les participants dans leur évaluation reflètent plutôt bien l'ambiance de travail et d'échange qui a régné pendant trois jours. Le pari de tenir cette première Université d'automne à Lyon était risqué ; en nous éloignant de Paris, centre habituel de nos rencontres-débats et laboratoires d'idées, nous avons manqué la présence d'un certain nombre de fidèles collègues de la région parisienne. Qu'ils veuillent bien excuser ce choix, la France est grande, les demandes d'essaimage sur le territoire nombreuses, et la proposition d'utiliser les locaux de l'IFÉ à Lyon plutôt tentante.

Bien sûr tout ne fut pas simple, il fallut courir, chercher rapidement des solutions à des problèmes matériels basiques, trouver les salles qui nous manquaient pour le bon déroulement des ateliers… Mais tous ceux d'entre nous qui sont habitués, dans leur établissement, à jongler avec les salles, le matériel, les impondérables, connaissent des moments de panique bien pires, et rêveraient souvent de disposer du matériel performant mis à notre disposition, ainsi que de la réactivité et du professionnalisme dont nous avons bénéficié. Ce galop d'essai fut un succès, nous nous efforcerons de jouer les prolongations. La dynamique est lancée, des perspectives de travail et de d'échanges sont ouvertes… À bientôt…

Soumis par   le 06 Novembre 2014