Construire l'école de l'après-crise

Bonjour,

Je veux bien échanger quelques expériences que j'ai vécues la semaine dernière, notamment lors d'une formation en ligne de collègues, que je co-animais. C'était transdisciplinaire mais il y avait plusieurs collègues de lettres. La discussion portait sur le thème de l'évaluation des élèves, car apparemment c'était une grosse demande des enseignant.es. C'est aussi un gros point de blocage, puisqu'on a à transmettre des consignes allant dans le sens "pas de notes" et que les professeurs présents à la formation n'étaient pas prêts à entendre cette prescription, comme si quelque-chose d'essentiel dans leur identité professionnelle se jouait là. Je pense que c'est sans doute assez violent, dans un contexte d'insécurité, pour les collègues qui déjà voient remettre en cause pas mal des fonctionnements normaux de leurs liens avec les élèves, de déployer, loin de toute équipe, une réflexion de fond sur le thème de l'évaluation. Il y a aussi une préoccupation légitime chez pas mal d'entre eux qui affirmaient "oui mais si demain je dis à mes élèves que je ne les note plus, déjà que j'ai du mal à garder le lien avec pas mal d'entre eux, je vais complètement les perdre", une angoisse que l'on peut tout à fait entendre. A rebours les collègues sont tout à fait capables d'admettre que les conditions de travail favorisent la plus grande inéquité, que certains élèves ne peuvent pas du tout travailler en ligne, que pas mal n'ont pas d'ordinateurs, qu'on ne sait pas qui fait vraiment le travail quand on en donne à la maison... On peut aussi leur faire comprendre que l'évaluation n'est pas l'aspect le plus central du travail, j'ai d'ailleurs trouvé un article universitaire super sur le tutorat à distance que j'ai transformé en infographie (voir pièce jointe) et qui aide à comprendre que la fonction évaluative n'est pas la plus essentielle en cette période, puisque par exemple, tout ce qui concerne le pôle socio-affectif est complètement déterminant pour la réussite des élèves (relances, collaboration, encouragements) ou aussi le pôle organisationnel (on le voit bien parce qu'il y a eu pas mal de soucis de dosage du travail, de diversification des plateformes, etc). Cela peut aider les collègues à se décentrer par rapport à cette question de l'évaluation, pour penser un peu à autre chose, notamment en termes pédagogiques. C'est pourquoi leur montrer des choses intéressantes, comme les appréciations vocales que les élèves apprécient énormément, des activités qui fonctionnent bien sont des pistes à encourager. J'ai pour ma part vécu des moments absolument magnifiques avec mes élèves dans les lectures linéaires à l'aide du chat en ligne en direct: cela a révélé des lycéens et des lycéennes que je n'entends jamais en classe d'habitude. Je suis sur Discord, je sais que ce n'est pas bien pour le RGPD, mais quand toute l'équipe pédagogique y est, que les élèves cogèrent l'arborescence du serveur et ses fonctionnalités, on y voit aussi beaucoup de bénéfices: pour moi ça a été net pour l'investissement des garçons "gamers" qui d'habitude sont complètement en retrait.  A bientôt, je peux proposer un petit bilan sur les expériences concrètes de lecture partagée sur Discord pour une autre fois si vous le souhaitez.