Audition illimitée…A la rencontre d’une confusion d’âmes, entre Jean-Louis Aubert, lecteur et Michel Houellebecq, poète.


de Lionel Povert

Aubert chante Houellebecq, « Les parages du vide », édition limitée, Edition La Loupe, Parlophone/Warner Music France, 2014.

 

En un printemps improbable, en ce mois d’avril,  an 2014, tandis que la raison commune perd le fil, dans une « valse hésitation » entre rigueur annoncée et bruits de botte assourdis, que  le cynisme politique et économique se conjuguent,  au présent gâché et remâché, pour nourrir  comme un  mal au cœur né d’une saison dénuée de toute sentimentalité, dépourvue de projets collectifs, dans l’immédiate apparence de nos jours déconcertés,  l’acte amoureusement prémédité par deux galopins qu’on n’imaginait pas voir jouer ensemble dans la même cour, si complices et si tendrement amitieux, Jean-Louis Aubert Michel Houellebecq, a dans sa grâce fragile quelque chose de la rencontre du parapluie et de la machine à coudre sur une table de dissection !

Tout commence avec un mail, un courriel de Jean-Louis Aubert à Michel Houellebecq pour lui dire qu’en lisant « Configuration du dernier  rivage », recueil de textes poétiques, il est passé sans même y penser de la musique des mots à la guitare : « Voilà, ça fait longtemps que je vous lis avec délice et étonnement, en éprouvant parfois une indicible proximité. Serait-il possible que le chanteur poète chante le poète (une ancienne tradition) ? Pourrais-je donner des ailes à vos mots ? »

On peut se procurer, pour les écouter chantés par Jean-Louis Aubert, le disque dans sa version CD ou Vinyle, ou encore, dans l’édition limitée qui accompagne le CD de la reproduction des poèmes choisis et interprétés par Aubert, mais aussi en fin de livret par l’échange de courriels entre Aubert et Houellebecq.

A la caresse de la voix d’Aubert habillant les textes de Houellebecq d’une tendresse et d’un frémissement pudiques et éblouissants de fraîcheur, les mots de Houellebecq prennent leur envol et donnent à ses vers la vibration confiante de confidences partagées. On comprend à les écouter et à les lire que la rencontre entre Aubert le chanteur et Houellebecq l’auteur, l’écrivain, le poète, n’est pas seulement celle de deux frères en création ayant  compris que leurs âmes sont jumelles, et  partagent une certaine façon de goûter et regarder la vie, mais aussi d’un désir mutuel de partager avec les autres, avec qui voudra bien, leur  intuition du bonheur humain et de sa fragilité.

Nul besoin d’être fanatique de l’un ou de l’autre pour goûter ce moment rare qu’offrent les seize joyaux sertis par la voix d’Aubert. Et pour celles et ceux qui méconnaissent Houellebecq, poète et écrivain de notre pays et de son humanité désenchantés  et si peu confiants en leurs  ressources, une invitation à le lire un peu plus et mieux  encore pour comprendre enfin  la vitalité qui sourd de sa syntaxe et la métaphysique de ses états d’âme : « Il faudrait traverser un univers lyrique/Comme on traverse un corps qu’on a beaucoup aimé/Il faudrait réveiller les puissances opprimées/ La soif d’éternité, douteuse et pathétique. » Intitulé « La traversée», ces quelques vers pourraient faire votre journée, pour emprunter un anglicisme. La légèreté et la précision intenses des arrangements musicaux  font de ce chant à deux voix un pur moment de bonheur. Cela tombe bien, nous sommes tous, parait-il en quête de lui !

 

Lionel Povert

Soumis par   le 23 Avril 2014