Compte-rendu AFEF « Lire-Écrire » 2ème rencontre Université de Cergy Pontoise - Site de Gennevilliers - 16 novembre 2016


ÉTUDE DE L’INFLUENCE DES PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE ET DE L’ÉCRITURE SUR LA QUALITÉ DES PREMIERS APPRENTISSAGES

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ÉTUDE DE L’INFLUENCE DES PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE
ET DE L’ÉCRITURE SUR LA QUALITÉ DES PREMIERS APPRENTISSAGES


Journée d’étude « Lire-Écrire »
2ème rencontre Université de Cergy Pontoise – Site de Gennevilliers
Mercredi 16 novembre 2016


Cette deuxième journée interacadémique fait suite à celle du mercredi 1er juillet 2015 et se donne comme objectif de présenter l’avancée des réflexions du projet national « Lire et écrire » en appui sur le rapport de recherche[1] présenté en mars 2016.
On peut aussi lire la synthèse de 64 pages[2].

 

Matinée : État de la recherche et perspectives.

Le cadre de la recherche, la problématique et la méthodologie, Claudie Péret (Université de Cergy Pontoise)

Claudie Péret rappelle les enjeux de cette recherche et sa méthodologie (voir le CR de la 1ère journée[3], ou le rapport : partie A, problématique et méthodologie, p.20 à 113), ainsi que quelques constats simples, qu’il n’est pas inutile de rappeler dans le climat actuel : tous les élèves ont progressé et les classes respectent le temps de travail à consacrer au français recommandé par les Programmes.

On note au passage, cependant, l’importance du temps de travail sur fiches, alors qu’on évoquera plus loin l’efficacité d’un travail réflexif, grâce à une interaction à l’oral bien conduite par l’enseignant.

 

Ecrire des récits à la fin du CP : que savent les élèves ? Jacques Crinon (Université Paris-Est Créteil)

A partir des résultats des 2 507 élèves au test d’évaluation en fin de CP, J. Crinon observe les compétences construites quant à ce qui caractérise particulièrement l’écrit, détaché du contexte d’énonciation (sans s’attarder sur l’orthographe, objet d’étude d’autres groupes).

Consigne : « Vous allez écrire chacun l’histoire d’un petit chat. Je vais vous montrer ce qui arrive au petit chat. » (voir la version PDF pour les dessins)

En résumé, on constate que les élèves sont en général capables d’écrire des textes lisibles. On se reportera au rapport (A 3.3.2.3, p.66-69) qui fournit les critères d’évaluation, ainsi que les résultats obtenus (B 3.3.4, p.197-207). Certains des textes donnés à titre d’exemple sont frappants : on y retrouve des enjeux vitaux, à l’instar des récits littéraires, qui reconfigurent leur expérience personnelle en rapport avec des thématiques universelles : un jeune personnage veut découvrir le monde, affronte des difficultés (cf contes de quête) ; les frères et sœurs interviennent, en position d’entraide ou de rivalité. Les compétences sont très contrastées, et les réussites témoignent de compétences de compréhension, construites en classe ou dans la famille : l’état de la recherche ne permet pas encore de l’établir, il faudra pour cela un lien entre les travaux des différents groupes.

 

L’étude de la langue au CP Patrice Gourdet (Université de Cergy Pontoise)

Porte-parole du groupe 7, P. Gourdet rappelle que l’étude de la langue, d’abord envisagée comme très secondaire au CP, devait faire l’objet d’une recherche principalement au CE1. Les résultats issus de l’enquête ont donné à cet objet une place plus importante que prévu.

On peut se poser plusieurs questions :

-       Enseigne-t-on la grammaire au CP et si oui comment ?

-       Quels liens peut-on établir entre apprentissages linguistiques et lire-écrire ?

-       Quelle place est faite à l’introduction des premières notions grammaticales ?

Il apparait que les classes qui consacrent plus de temps à l’étude de la langue sont celles qui progressent le plus en lecture-écriture. On consultera le rapport pour connaitre les métatermes en usage dans les supports (cahiers, affichages), et préciser le budget temps imparti à la langue (lexique, syntaxe et morphologie) : il est très faible. Ce temps est très parcellisé : pas de séances de langue proprement dites (ce que rien n’invite à considérer comme souhaitable !), des moments lui sont consacrés à l’intérieur de séances de lecture-écriture.

En fin d’année, le volume horaire consacré à l’étude de la langue atteint 10% des heures de Français, moyenne qui cache la très grande hétérogénéité existant entre les classes (comme en compréhension). Par exemple quand 5% des classes consacrent plus de 30’ par semaine à la morphologie, 60% des classes lui consacrent moins de 10’ par semaine.

Dans l’évaluation finale, cela se traduit par 85% des élèves qui ne marquent aucunement le pluriel dans la phrase Les lapins courent vite. Les résultats sont meilleurs dans les classes où l’on développe des approches cumulées (dictée, encodage, morphologie). L’évaluation de fin de CE1 montre des progrès encore limités : la moitié des élèves (seulement) gère correctement le pluriel au sein du GN : cet apprentissage demande du temps.

L’effet positif sur les apprentissages en lire-écrire du temps consacré à la langue est marqué, et il l’est d’autant plus que les élèves sont faibles. Ce qui ressort surtout, c’est l’attitude par rapport à la langue : une posture réflexive est plus efficiente.

Le lexique parait un véritable chantier à entreprendre : il est à l’articulation de l’étude de la langue et de la compréhension. Le lien est statistiquement établi entre le temps consacré à ce domaine et des meilleurs résultats au score global mais aussi en code, en compréhension et en écriture... Or, quand 10% des classes lui consacrent plus de 30’ par semaine, 48% des classes lui consacrent moins de 10’ par semaine. Le plus souvent, il s’agit d’expliquer le sens des mots en contexte.

L’étude de retranscriptions de séances sur le lexique dans des classes efficaces permet de remarquer à nouveau que c'est bien la posture de l'enseignant vis-à-vis de la langue qui semble être une caractéristique de ces enseignants à impact positif : ils ont la capacité de faire explicitement des aller-retours entre un discours sur le monde et un discours sur la langue en engageant les élèves dans cette réflexion.

 

*

Après-midi : De la recherche didactique aux pistes pédagogiques.

La compréhension, un véritable chantier toujours d’actualité, Marie-France Bishop (Université de Cergy Pontoise)

La réflexion sur les résultats obtenus conduit à s’interroger sur une question importante en recherche : que signifie le fait de ne pas trouver ce qu’on attend ?

On ne débouchera pas sur des propositions d’exploitation immédiate, mais sur des mises en garde et des questions.  

Concernant les travaux du groupe 5, on consultera le rapport pour trouver les informations obtenues sur le temps alloué à la compréhension, les pratiques des enseignants, les tâches demandées aux élèves et les liens mis en évidence avec le lire-écrire.

L’évaluation portait au début du CP sur des mots, des phrases et 3 textes entendus (2 en fin de CP, 1 en fin de CE1). Il est particulièrement intéressant de comparer les résultats au test de compréhension sur le même texte, Anatole[4].

Pour les textes entendus, on constate le même score de 10% d’élèves entre 0 et 2 réponses (sur 15 début de CP, 10 fin de CP, 5 fin de CE1) : les faibles compreneurs n’ont pas progressé, contrairement aux meilleurs (25 puis 13 et enfin 7 ne répondent à aucune question sur ce texte). A la fin du CE1, plus de la moitié des élèves ne répondent pas correctement à la question « Le voisin a-t-il raison d’avoir peur ? ». On constate des différences importantes, et aussi un développement indépendant de celui du décodage. Il semble donc que, contrairement aux conceptions étapistes (qui rejettent l’approche de la compréhension après l’apprentissage du décodage), il conviendrait de travailler en parallèle code et compréhension, à l’aide de supports différents.

Dans le cadre de l’enquête, les 9 tâches étudiées n’occupaient que 16% du temps annuel, en moyenne, c’est-à-dire très peu. Ici aussi, la répartition est très hétérogène : de quelques minutes à plus de 2h par semaine selon les classes. Une seule tâche (répondre à des questions par écrit) est surreprésentée, tandis que d’autres tâches (beaucoup plus significatives) sont absentes dans plus de la moitié des classes :  rendre explicite une information implicite, proposer, débattre ou négocier une interprétation, par exemple.

Quels sont les effets du temps consacré à la compréhension ? On ne constate pas d’effet global. Demander aux élèves de répondre à des questions par écrit, comme c’est fait massivement, ne les fait pas progresser. Ce sont les tâches orales d’élucidation qui ont un effet sur la compréhension de textes entendus.

Quel est l’effet des autres pratiques sur la compréhension ? La lecture par l’enseignant de textes est positive, avec un effet de seuil quand il s’agit de simples « lectures offertes ».

Le travail sur le vocabulaire est très positif, en particulier pour les élèves les plus faibles.

Pistes ou mises en garde : il faut développer précocement la compréhension car les élèves faibles pâtissent de la rareté de ce travail. Parmi les compétences langagières, une priorité : développer une conscience lexicale. Il convient aussi de donner la priorité aux activités collectives et orales d’élaboration du sens, pour travailler les compétences inférentielles.

Le groupe se penche à présent sur les microgestes des enseignants efficaces : il semble qu’un accompagnement tenace par des reformulations, des relances, une médiation précise permette un accompagnement plus efficace que le travail dilué qu’on observe le plus souvent.

 

L’étude du code : quelles retombées au quotidien ?  Patrice Gourdet (Université de Cergy Pontoise)
Patrice Gourdet est ici le porte-parole du groupe 2, Jérôme Riou n’ayant pu se libérer pour cette journée. Ce dernier travaille actuellement à la production d’un logiciel qui fournira à l’enseignant les repères de lisibilité des textes envisagés comme supports de lecture, en fonction des correspondances
graphophonétiques étudiées auparavant.

L’enquête montre que 43% du temps consacré au Français porte sur le code. Pendant les 10 premières semaines, 5 classes étudient 5 correspondances graphophonétiques, 60 en étudient 6 à 10, 44 en étudient 11 à 15, et une classe atteint même 26. La moyenne d’une correspondance graphophonétique par semaine correspond à ce qu’on observe partout le plus souvent.

La question est de savoir, en particulier dans le domaine des supports de lecture adoptés ce qu’on privilégie, l’intérêt du texte ou sa lisibilité, qui est fonction du nombre de graphèmes déchiffrables par les élèves.

En moyenne, les supports proposés au bout de 10 semaines contiennent 43% de graphèmes déchiffrables par les élèves, avec des variations importantes d’une classe à l’autre (de 11% à 76%). Les classes les moins efficaces sont celles où les textes ne contiennent que moins de 29% de graphèmes déchiffrables par les élèves, les plus efficaces celles où les textes contiennent plus de 57% de graphèmes déchiffrables par les élèves. Le tempo souhaitable est donc semble-t-il d’étudier 3 correspondances graphophonétiques en 2 semaines.

Par ailleurs, il est regrettable que la place donnée à l‘encodage soit moindre que celle donnée au décodage.

 

L’évaluation : des protocoles (et des résultats) pour interroger le lire-écrire Carine Royer (Université de Cergy Pontoise)

Le rapport montre que seulement 8% des progrès des élèves (5% en compréhension, 7% en code, 11% en écriture) sont liés à un effet-classe, tandis que 92% résultent d’autres facteurs, c’est-à-dire des caractéristiques des élèves. Par ordre d’importance croissante : le genre (filles > garçons), le redoublement, la langue parlée dans la famille, l’âge (de 0 à 6%).

Une part plus significative revient à la catégorie socioprofessionnelle, en particulier dans le domaine du vocabulaire, qui a un impact sur la compréhension.  L’impact le plus important est celui des performances initiales : 50% des compétences de fin de CP s’expliquent par les compétences du début de l’année.

 

Conclusion : échange animé par Marie-Laure Elalouf (Université de Cergy Pontoise)

Les chercheurs sont confrontés aujourd’hui à des attaques extrêmement violentes et à des échanges qui reposent sur des parti-pris[5] et mettent des propos étayés par une enquête scientifique de grande ampleur en balance avec un travail de sociologues portant sur 4 classes…

On propose aux enseignants des réponses qui ne sont que des réductions simplistes, contre lesquelles il faut se battre : les problèmes d’apprentissage et d’éducation sont complexes, ce n’est pas en les niant qu’on en viendra à bout.

Et pour cela, l’assemblée rappelle la nécessité d’une véritable formation continue.

 

Joëlle THEBAULT

Soumis par   le 02 Décembre 2016