Des projets en français, de Viviane Youx


Au Forum des Enseignants innovants Lyon 2011

 

Pour sa 4ème édition, le Forum des enseignants innovants et de l’innovation éducative avait posé ses valises à Lyon, et le bel établissement professionnel (la SEPR, Société d’Enseignement Professionnel du Rhône) qui nous accueillait offrait un cadre de choix à la créativité et à l’esprit d’échange et de partage qui y régnaient. Le français servait une fois de plus de support à de nombreux projets, montrant bien le renouvèlement continu d’efforts dont nos collègues font preuve pour aider les élèves dans leurs apprentissages, qu’ils aient ou non recours à des outils technologiques. Malheureusement, je n’ai pu être présente au début du Forum, je ne donnerai donc qu’un aperçu succinct. J’ai notamment regretté d’avoir raté le projet qui a obtenu le Grand prix des enseignant s innovants : un enseignant de langues anciennes collège "a monté avec ses élèves une exposition sur les rapports entre le markéting des marques et les langues et cultures anciennes", trouvant là un excellent moyen de donner du sens au travail sur le lexique. Mais, tous les collègues que j’ai pu rencontrer, même restés anonymes, bouillonnaient d’idées très intéressantes.

 

De la maternelle au lycée professionnel, l’apprentissage continué de l’écriture et de la lecture, offrait de belles perspectives.

Plusieurs professeurs des écoles ont choisi Twitter pour faciliter l’entrée dans l’écriture. Jean-Roch Massonconstate que c’est la première année où ses élèves de CP écrivent autant. Après avoir ouvert un compte Twitter pour la classe, il fait de ses élèves des journalistes avec chacun une fonction (son-photo-écriture), ils apprennent en même temps à écrire leurs tweets et à utiliser le clavier ; des abonnements avec d’autres classes permettent un travail en temps réel avec affichage sur un tableau numérique. À la fin de l’année, les résultats en lecture sont identiques à ceux obtenus sans Twitter, mais les résultats en écriture sont nettement supérieurs, tous les élèves écrivent, même les plus faibles.

Pour des élèves plus âgés, un autre projet favorise la production écrite pour des élèves dont ce n’est souvent pas la préoccupation première : Stéphane Clerca eu l’idée, dans un projet qu’il intitule "Donner à lire à l’extérieur", d’instaurer une correspondance entre ses élèves de CAP en lycée professionnel et ses élèves incarcérés. À partir de jeux d’écriture dans des ateliers d’écriture en classe, ils écrivent des textes (sonnets, pastiches…) qu’ils publient sur un blog et commentent. Le projet a montré son intérêt, non seulement pour l’écriture, mais aussi pour le travail sur les stéréotypes sur la prison auprès des élèves de LP. Même s’il ne pouvait être qu’asymétrique: les élèves de LP peuvent commenter les textes des élèves incarcérés, l’inverse est impossible, l’usage d’internet étant interdit en prison (et même l’autorisation de publier les textes des élèves incarcérés sur un blog extérieur a demandé plusieurs mois).

Deux autres projets sont plus centrés sur la lecture. Dans l’un en maternelle, intitulé "Pour que tous les élèves apprennent à lire", Béatrice Machefelutilise une démarche (inspirée des travaux de Françoise Boulanger) qui implique les parents en ZEP. À partir de jeux sur les mots affectifs, les élèves de maternelle apprennent progressivement les codes de l’écrit qui leur permettent d’aborder le CP sereinement grâce à des répercussions avérées sur l’ensemble des apprentissages. Dans l’autre, Philippe Chavernac  utilise des tablettes numériques pour initier ses élèves de lycée professionnel à la lecture de la presse. Le travail individualisé, essentiellement de consultation pour renseigner un questionnaire, présente un accès facile, avec l’aspect pratique en classe que la tablette est à plat sur la table à côté de la feuille de papier et du stylo.

 

Dans deux projets globalisants de grande envergure, l’un au collège, l’autre au lycée, le livre devient objet central. Au collège, "Le livre de sa création à sa réception" a donné l’occasion à deux classes de 5ème de suivre la trajectoire d’un livre, de l’invention à la production matérielle. Accompagnés par un écrivain présent dans la classe une fois par mois durant une année scolaire, les élèves avaient comme objectif d’écrire chacun un texte publiable. Après un travail uniquement en classe, les élèves ont été notamment initiés aux TICE pour l’envoi de leurs fichiers. Zehira Hoffmannrend compte des visites effectuées au salon du livre, puis dans un atelier d’imprimerie avant d’aborder l’écriture autour du thème du cheval, le genre libre ayant donné lieu à une approche progressive des différents genres par l’écriture. Après correction par l’enseignante des textes fournis sur clé USB, le livre réalisé avec l’aide de l’écrivain, a permis, par la médiatisation qu’il a connu, une valorisation des élèves. Mais la démarche s’est révélée aussi très dynamique par les tandems institués entre un très bon élève et un élève faible, chacun profitant du travail de réécriture institué et nécessaire pour la publication du livre par Bernard-Roger MATHIEU et ses plus jeunes écrivains de France, Les Essayistes, éd. le Manuscrit.

Au lycée, Christine Bolou-Chiaravalli, qui rivalise toujours d’imagination pour susciter l’intérêt des élèves, redonne, par son projet "Un autre regard sur le livre", son vrai sens au mot module. Elle nous présente, sous forme de vrais modules empilés, les étages de son projet ; après des recherches sur le livre, notamment en relation avec la BNF, les élèves participent à la Ronde des livres sur canapés, atelier lecture dans lequel ils peuvent choisir leur support (IPad, MP3, ordinateur, livre, choisi majoritairement). Ensuite s’ajoute le module écriture, avec un écrivain, dans le cadre de la liaison 3ème-2nde, les élèves doivent écrire à partir d’une image, et, dans le cadre d’une écriture à contrainte, réécrire leur texte. Réécriture qui s’avère pertinente puisque sur 30, seulement deux élèves ne sont pas allés au bout de leur réécriture, peut-être selon l’enseignante parce qu’elle avait découragé en annotant trop la première version.

 

Pour faire sens, les enseignants de français choisissent souvent de participer à des projets interdisciplinaires avec leurs collègues. De l’heure de vie de classe et discussion à visée philosophique en SEGPA, à laquelle participe Véronique Gomméafin d’apprendre à penser, à parler, à communiquer, aux Cultures et Saveurs d’Ailleurs grâce auxquelles Nicole Thureauinstitue un partenariat avec  le festival Cinémas d’Afrique à Angers et, par un travail sur le conte, permet à des élèves portugais d’écrire avec un slameur. On voit bien que les mots font sens. Des jeux sur l’Oulipo sont au cœur d’un travail interdisciplinaire Arts plastiques – français en 5ème ; les déclencheurs de l’Oulipo permettant une coopération sur l’écrit, chacun des neuf ateliers de l’année, nous explique Isabelle Courtade, allie écriture et travail graphique/plastique. Et, dans deux classes de 6ème, la girafe Zarafa donne son nom à une classe thématique dans laquelle la figure totémique rencontre une implication forte des élèves ; selon René Fix, porteur du projet qui fédère plusieurs disciplines, Zarafa, camarade virtuel, accompagne les élèves tout au long de l’année pour écrire dans un blog, leur production devenant au fil de l’année plus individuelle.

 

Mais je voudrais terminer ma revue de projets par un travail qui a retenu tout particulièrement mon attention par son originalité en primaire, et cela sans vouloir sacrifier à l’actualité ! Madeleine Labie, dans une école primaire d’Angoulême, s’est interrogée depuis plusieurs années sur le sexisme ambiant dans les classes, surtout quand elle a pris conscience, notamment grâce à un repérage du nombre de fois où elle s’adressait aux garçons et aux filles, que même une enseignante femme survalorisait les garçons dans les classes. Tout en travaillant sur sa propre attitude, elle a fait émerger, par une rédaction en début d’année, les stéréotypes liés à chaque genre. Après le travail d’une année sur le sexisme, elle constate une évolution notable dans les écrits des élèves : les stéréotypes se sont modifiés. Gageons que si un tel travail pouvait être mené à l’échelle d’une cohorte d’élèves, c’est l’ensemble de notre société qui en bénéficierait !

 

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Soumis par   le 23 Juin 2011