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L’ouvrage s’ouvre sur une préface dans laquelle Jean-Charles Rafoni, auteur d’une thèse sur la question[1], insiste sur la difficulté pour ces élèves, je dirais même ces enfants, de s’approprier tout à la fois les codes culturels et linguistiques du pays mais aussi l’entrée dans un système de lecture tout en en apprenant la langue. Il rappelle que le niveau en langue orale ne préjuge pas des capacités à entrer dans la lecture.
On sait depuis longtemps dans les CEFISEM (devenus CASNAV) que les méthodes de FLE ne conviennent pas pour ce faire, n’étant pas conçues pour cela, ni les manuels de lecture ordinaire en FLM.
Une autre approche est nécessaire. L’origine des élèves étant très variée, le manuel entend pouvoir s’adapter, à travers une approche par modules, aux diverses expériences et connaissances antérieures des élèves tout en comportant une majeure partie commune à tous.
Grâce à cette organisation en modules, les professeurs pourront organiser des parcours d’apprentissage adaptés.
Trois années ont été consacrées à l’élaboration du cadre méthodologique : définition du projet et présupposés théoriques, sélection du corpus lexical de base, définition de la structure de l’outil, protocole d’élaboration et typologie des activités, construction d’une matrice expérimentale, réflexion autour de la réalisation d’une application permettant une utilisation interactive multimédia ou de fiches téléchargeables imprimables. L’objectif a été de concevoir un outil d’apprentissage de la lecture pour élèves allophones, utilisable à tous les niveaux scolaires du cycle 3 au lycée. (Introduction, p.9)
Il s’agit donc d’un travail de réflexion, de conception et d’expérimentation, bien venu en raison de la pénurie quasi-totale dans ce domaine.
L’expérimentation a « par ailleurs révélé l’intérêt de cet outil dans le cadre d’une utilisation plus large avec un public diversifié, au-delà du simple apprentissage de la lecture : entrée dans la culture scolaire française, acquisition du lexiqueet des structures syntaxiques de base FLS-FLSco à l’oral et à l’écrit, initiation à l’orthographe lexicale et à la syntaxe, initiation à la culture littéraire française, réinvestissement et évaluation de connaissances et compétences déjà acquises (élèves de niveaux A1-A2 à l’oral). (p.11)
Dans l’introduction théorique, les auteurs rappellent les grands principes qui sous-tendent et prévalent dans l’enseignement et l’apprentissage de la lecture en français langue maternelle, en particulier les travaux de Roland Goigoux. Ce faisant, ils insistent sur le lien avec les compétences en langue orale et leur développement, l’importance du vocabulaire actif et passif, le rôle de la compréhension des textes et de la production d’écrits.
Comme dans l’autre ouvrage (Entrer dans l’écrit en FLS), les auteurs font le point sur les définitions, ressemblances et différences entre FLE, FLS et FLSco. Compte tenu de l’hétérogénéité des élèves arrivants, certains aspects sont à travailler selon les cas plus que d’autres : le phonétisme propre au français, le principe alphabétique, les correspondances phonie-graphie, et bien sûr les compétences en langue et la prise de conscience des différences entre langue orale et langue écrite.
Pour un élève ayant déjà appris à lire dans une langue disposant d’un autre alphabet, la transposition dans un autre système graphique et de correspondances ne pose pas beaucoup de problèmes, en règle générale. Il en va bien autrement pour ceux qui n’ont pas appris à lire, qui n’ont pas été scolarisés ou dont la langue dispose d’un autre système graphique.
Le premier travail dans l’apprentissage d’une langue étrangère est la reconnaissance des mots, des barrières entre mots. Cet apprentissage est facilité si l’on procède à l’apprentissage de la lecture, et de la production écrite, en même temps[2]qu’à celui de la langue. Toutefois, ce manuel s’adresse à des élèves disposant du niveau A2 du Cadre Européen en français. Et il suit les programmes de l’Éducation Nationale pour l’apprentissage de la lecture en tant que telle.
Prenant en compte la fréquence relative des phonèmes et des monogrammes, s’appuyant sur l’ouvrage de JC Rafoni déjà cité, les auteurs ont construit ce manuel en :
« quinze modules-sons tenant compte à la fois de la complexité du système orthographique français et de la fréquence d’utilisation des différents graphèmes, sans pour autant cloisonner chronologiquement l’apprentissage.
À partir d’un corpus lexical de base composé des mots les plus fréquents que l’élève apprend dès son arrivée en France et son immersion en contexte scolaire, les exercices proposés lui permettent dans les quatre premiers modules-sons de s’initier au fonctionnement grapho-phonologique français et au principe du décodage, puis dans les modules-sons suivants de découvrir le système orthographique français dans sa complexité. » (p.25)
Parallèlement à l’apprentissage des correspondances grapho-phonologiques, les élèves sont amenés à travailler le lexique de base du niveau A1 du Cadre et les éléments essentiels de la syntaxe : ordre des mots, types de phrases ; enfin l’approche des différents genres d’écrits littéraires permet d’amorcer avec ces élèves une première initiation à la culture du pays, « indispensable pour une intégration réussie dans le système scolaire français. » (p. 26).
L’ouvrage se veut modulable et adaptable à diverses situations, selon les compétences en français et le degré de scolarisation antérieure des élèves. Il comporte des modules-sons afin d’aider les élèves à discriminer les sons du français et à faire les correspondances graphie-phonie.
L’expérimentation qui a été menée a permis également de faire utiliser le manuel en autonomie.
Elle a également montré qu’il pouvait aider à l’acquisition de structures syntaxiques et d’éléments de lexique.
Le lexique utilisé, de l’ordre de 1300 mots, est basé sur des ouvrages de FLSco du CASNAV de Franche-Comté, du SCEREN/CNDP et pour le DILF, niveau A1-1.
Les modules sont organisés en partant de structures syntaxiques simples et du vocabulaire le plus fréquent dans le cadre scolaire, et complexifiés progressivement.
Ils comportent des images et des enregistrements vidéo qui permettent aux débutants en français de faire les liens nécessaires entre mots entendus, concepts, prononciation, en vue de la mémorisation.
Les activités phonétiques ont été conçues pour faire travailler les particularités du français par rapport à celles de groupes de langues : voyelles (on sait qu’elles sont nombreuses !) et consonnes présentes en français, points d’articulation spécifiques, données suprasegmentales (rythme et intonation).
Ces points sont effectivement importants pour des apprenants afin d’éviter des phénomènes de fossilisation d’erreurs qui gêneraient ensuite la communication.
Ce travail lié à la phonétique est fondé sur les fréquences vocaliques et consonantiques.
L’usage des graphèmes est également centré sur la fréquence : ainsi, certaines combinaisons de lettres ne sont pas abordées (« ym » dans « thym » par exemple, mais le son étend connu, la difficulté ne sera pas très grande).
L’ORGANISATION D’ENSEMBLE du matériel est présentée comme suit (p.41) :
L’outil Entrer dans la lecture en FLS présente la particularité de pouvoir être proposé en usage mixte : directement avec l’application pour un usage multimédia, ou en version imprimée pour un usage papier.
QUEL EST LE CONTENU DE L’APPLICATION ?
Pour les professeurs, en version imprimable :
–– le corpus lexical de base FLS-FLSco ayant servi à la construction des exercices (composé de 1 300 mots classés par ordre alphabétique, phonologique, grammatical ou thématique) ;
–– les dialogues des modules 5 à 15 ;
–– des textes correspondant aux extraits (roman / essai / nouvelle, poésie, théâtre, conte / fable / mythologie) ;
–– les lexiques illustrés des modules ;
–– le manuel d’utilisation.
Pour les élèves :
–– un ensemble multimédia qui permet de travailler en autonomie sur ordinateur ;
–– une version fiches imprimables par module pour un travail autonome sans ordinateur ;
–– les pistes audio d’accompagnement des fiches imprimables, proposant un enregistrement sonore des textes et du lexique (page de présentation, exercices, dialogues et extraits de textes littéraires).
QUEL EST LE CONTENU DU MATÉRIEL D’APPRENTISSAGE PROPOSÉ AUX ÉLÈVES ?
–– 1 module-consignes initial pour l’apprentissage des consignes et pictogrammes associés.
–– 15 modules-sons permettant de couvrir l’ensemble du système grapho-phonologique de base du français à partir de l’étude du lexique et de la syntaxe en contexte phrastique ou textuel.
–– 1 module-phonétique destiné à travailler spécifiquement les difficultés phonétiques propres à différentes familles de langues d’origine.
On le voit, l’entrée dans les correspondances grapho-phonologiques et la lecture mêle la connaissance globale de certains mots et donc de certaines correspondances et une reconnaissance systématique, correspondance après correspondance. Les élèves étant environnés d’écrits dans la vie scolaire, cette approche semble appropriée. De même, le parti pris de ne pas traiter tous les graphèmes possibles (on sait qu’il y en a une bonne centaine en français).
L’approche, comme indiquée dans les principes, se veut actionnelle. Et s’agissant de français de scolarisation, la reconnaissance et la compréhension des consignes sont importantes. On s’étonnera toutefois de trouver parmi celles-ci « observe » (p.43) dont il a été dit depuis longtemps qu’elle ne permettait pas à l’élève de savoir quoi faire. Mais c’est un peu un détail.
Plus surprenant est le renvoi à des exercices structuraux (p.58) « pour aider à la mémorisation des principales constructions syntaxiques du français. » Voilà qui n’est pas très communicatif ni actionnel ! Ni efficace, on le sait en didactique des langues depuis…quelques lustres.
Mais, bien entendu, l’enseignant reste maitre des choix didactiques et pédagogiques pour adapter l’enseignement aux élèves et à leur progression. Il pourra donc ne pas pratiquer d’exercices structuraux !
A ces points-là près, cet ensemble didactique parait, comme son équivalent pour l’écrit, bien construit et devrait pouvoir apporter des aides précieuses dans ce domaine, en permettant aux élèves de faire les rapprochements nécessaires entre le matériel purement scolaire, la vie quotidienne hors de l’école, les échanges et propos liés à la vie scolaire et les caractéristiques de la langue qu’il faut « maitriser », au sens de dompter, d’accommoder à ses propres caractéristiques et inversement, pour une intégration et une scolarité réussies.
Gérard Malbosc
[1]RAFONI (Jean-Charles) : Apprendre à lire en français langue seconde, L’Harmattan, 2007.
[2]Dans les années 70, les premières méthodes audio-visuelles de langue étrangère opéraient un décalage temporel important entre l’oral, souvent par cœur dans un premier temps, et l’écrit. On s’est vite rendu compte des problèmes que cela engendrait ensuite pour l’entrée dans l’écrit de la langue, même avec deux langues utilisant l’alphabet latin !
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