Jeanne-Antide Huynh nous a quittés ce 20 avril 2021. La tristesse a gagné ses amis de l’AFEF et du Français aujourd’hui qu’elle a accompagnés pendant si longtemps. Nous gardons le souvenir d’une femme lumineuse, tempétueuse dans ses engagements, qu’elle tenait jusqu’au bout, persévérante, tant pour accompagner ses étudiants que pour faire bouger les lignes de l’enseignement de la littérature et de l’écriture. L’histoire de son engagement est longue. Elle entre au comité de rédaction du Français aujourd’hui en décembre 1985, c’est le numéro 72, le premier du format très particulier qu’adopte désormais la revue. Trois ans plus tard, au Congrès de Poitiers de 1988, elle entre au secrétariat national de l’AFEF où elle est très active jusqu’en 2002, terminant par deux ans de mandat de présidente de 2000 à 2002. Elle porte le Congrès de Besançon, en mai 2002, qui reste le dernier congrès que l’AFEF a pu organiser.
Dans les années 90 elle participe à la négociation des programmes de lycée, malgré les réticences d’une partie de l’association ; son acharnement, et celui de son équipe, contribuent à faire entrer dans les programmes de 1999 des idées phares de l’AFEF : la lecture cursive, l’écriture d’invention et d’imagination, des objets d’étude offrant une liberté de choix, les relations avec les autres disciplines. Idées que reflètent les thèmes de congrès de cette décennie 90 : Écrire (Bordeaux 1991), Lecteurs, littératures, enseignement(Nantes 1997) ; et entre les deux, (Culture des écrits, culture des écrans – Clermont-Ferrand 1994) à une époque où l’on était aux balbutiements de l’internet, Jeanne-Antide pose à Pierre Levy une question qui ferait sourire aujourd’hui : « Vous employez le mot cyber, pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit ? » Curiosité et audace qui ont bien aidé l’ensemble des participants à appréhender ce questionnement nouveau que l’AFEF inaugurait.
Après 2002, elle s’éloigne un peu de l’association mais continue à œuvrer au sein du comité de rédaction du Français aujourd’hui qui lui doit beaucoup. Ses coordinations de numéros montrent les grands axes de son engagement : Lecteurs de littérature, Continuer à (se) former, Les risques du polar, Réécritures, Lecture des textes fondateurs, Images et textes en lecture, Culture humaniste, Corpus littéraires en question… Quelques articles sont restés des étapes majeures dans l’évolution de la didactique du français, notamment L’invention dans l’argumentation au lycée, dans le numéro Écritures créatives en 1999 : elle y ouvrait des perspectives pour l’écriture d’invention qui, hélas, n’ont pas suffi à la faire disparaitre récemment des sujets de l’EAF.
La roue tourne, elle emporte avec elle celles et ceux dont les combats obstinés ont marqué l’histoire en faisant pencher la balance du côté de l’équité et de la culture. Jeanne-Antide, tu en en étais, ta fougue et ton rire sont dans nos mémoires à jamais. Tu es dans nos lectures, tu es dans nos écrits. Notre tristesse, si grande soit-elle, ne sera jamais à la mesure de tes engagements. Merci, Jeanne-Antide !
Viviane Youx
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