La Lettre de l'AFEF n° 81 - Mai 2018

Quand le politique entre en force dans l'éducation, au mépris de la liberté pédagogique qu'il a pourtant instituée...

 

 

 

Édito

Mai 2018 nous a largement été annoncé comme un digne retour de mai 68 ; peut-être, l’avenir nous le dira, en attendant il sonne plutôt le retour des mises au pas et de la politique de l’hyper contrôle. Le ministère ne peut pas effacer les programmes des cycles 1 à 4, très récents et juste mis en application. Qu’à cela ne tienne, « redressons-les » avec des instructions officielles qui les rendront inopérants, ou inapplicables. Le lycée est la suite du chantier des programmes, faisons semblant de consulter, écoutons d’une  seule oreille, « bien » dirigée, et les programmes du passé seront bien gardés ! Quelques professeur·e·s, formateurs ou formatrices, protestent, continuent à faire comme avant : valoriser l’écriture créative, proposer des activités d’écriture et de lecture avec des outils numériques, diffuser des méthodes désormais honnies… Qu’à cela ne tienne, envoyons-leur les foudres institutionnelles, brandissons les menaces, ils finiront bien par se taire et rentrer dans le rang… Et en oublieront leurs droits fondamentaux d’expression et d’opinion. Mai 68 est loin. La « liberté pédagogique », instituée en 2005 par la loi Fillon, a vécu ! 

Mais les Français·e·s sont tenaces. Notre liberté de parole et d’action ne peut pas nous être enlevée aussi facilement. Et si des paroles individuelles ont peu de portée, le collectif les amplifie. Les médias engagés, les réseaux sociaux, servent de relai et de caisse de résonance à des paroles qui resteraient inaudibles. Un collectif, Lettres vives, vient de se constituer. L’union de nos forces, de nos paroles, est essentielle. L’AFEF a publié des tribunes sur le « guide orange », sur la formation, lancé des appels, notamment pour l’écriture créative, signez-les, diffusez-les. Rassemblons-nous, affirmons notre liberté de parole et d’action, c’est collectivement que nous pourrons réenchanter la parole, la lecture, l’écriture! 

Devenons chacun et tous ensemble l’écrivain-écrivant qu’annonçait Gérard Genette, qui vient de nous quitter, et dont la pensée et les travaux ont tant éclairé notre formation et notre pratique de professeur·e·s de français et de lettres : « Chacun aujourd’hui se meut plus ou moins ouvertement entre les deux postulations, celle de l’écrivain et celle de l’écrivant [...]. Nous voulons écrire quelque chose, et en même temps, nous écrivons tout court. Bref, notre société accoucherait d’un type bâtard : l’écrivain-écrivant. » (Gérard Genette, Fiction ou diction, Poétique 2003/2). Alors parlons, écoutons, lisons, et « écrivons tout court » !
Viviane Youx

N.B. Jean Verrier écrit un hommage à Gérard Genette qui sera bientôt accessible sur le site de l'AFEF.

 

 

À la Une

…Quand le politique réglemente l’apprentissage de la lecture…

De nombreuses protestations contre les « recommandations pédagogiques » du 26 avril : 4 priorités pour renforcer la maitrise des fondamentaux :

  1. Education scolaire : un petit guide orange anti-pédagogique - Tribune d'un collectif d'universitaires et de chercheurs sur liberation.fr le 4 mai 2018 - « Comment apprendre aux enfants à comprendre un texte ? Le nouveau petit guide du ministère de l'Education nationale ne le dit pas. 180 pages, sans réelles propositions pédagogiques pour les enseignants. » Lire la tribune. Télécharger le guide orange : « Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP »
     
  2. Formation de formateurs dans le domaine de l’enseignement de la lecture et de l’écriture au cours préparatoire, Lettre de Roland Goigoux. Deux extraits : « Les recommandations du guide n’ont pas force de loi mais il faudra que les enseignants soient solides et solidaires pour conserver leur autonomie et éviter qu’une sole séchée allèche la souris. D’autant plus que la communication médiatique du ministère a aussi pour objectif de donner aux parents d’élèves les moyens de faire directement pression sur eux. […] Toutes les pratiques pédagogiques ne se valent pas, c’est vrai, mais la variable « méthode » (ou manuel) est une variable trop grossière pour expliquer les différences d’efficacité. Notre étude a permis d’identifier une dizaine de critères permettant de caractériser les pratiques efficaces, ceux-ci ne sont pas l’apanage d’une méthode ou d’un manuel particulier. » Lire la Lettre de Roland Goigoux
     
  3. Sur les instructions de JM Blanquer, Dominique Bucheton, Café Pédagogique 10 avril. « Un ministre qui réoriente  programmes et instructions du Cp au cycle 4, tout seul ! Du jamais vu ! Zorro ? Décryptons le dessus et le dessous des mots, décodons les messages cachés, les menaces, les  intentions d’agir sur le lecteur : cela s’appelle comprendre un texte ! Pas seulement une question de vocabulaire et d’ordre des mots dans la phrase ! » Lire l’article

 

…Quand le politique est sourd à la créativité langagière et littéraire…

Suite de la chronique sur le sujet d’invention… Le ministre a reçu début février un courrier de l’AFEF avec des propositions pour les épreuves écrite et orale de français au baccalauréat. Sans accusé de réception ni réponse. Le CSP a reçu fin mars de nouvelles propositions de l’AFEF, et un courrier de chercheurs soutenant l’écriture littéraire. La note qu’il publie en mai 2018 montre qu’il n’a pas infléchi sa position : dissertation et commentaire renforcés, suppression du sujet d’invention. Le ministre a reçu début avril un courrier de l’AFEF contenant l’appel de la communauté scientifique et enseignante « Contre la suppression du sujet d’écriture d’invention au baccalauréat ». Sans accusé de réception ni réponse. 
Appel de la communauté scientifique et enseignante « Contre la suppression du sujet d’écriture d’invention au baccalauréat » « Le sujet d’invention, inscrit à partir de 2002 à l’épreuve anticipée du baccalauréat, souffre de plusieurs défauts qui ont déjà été relevés par les recherches menées sur les pratiques enseignantes. L’annonce de la réforme du baccalauréat par le Ministre de l’Éducation Nationale, suite au rapport Mathiot, a donc fait naitre, chez les didacticiens et les chercheurs en littérature que nous sommes, de justes espoirs de correction de ces défauts. En revanche, l’annonce qui circule de la suppression pure et simple du sujet d’invention apparait terriblement à contrecourant d’un bilan pondéré et de la dynamique engagée dont nous voulons témoigner ici. Il nous tient donc à cœur de souligner, en quelques grands points, les arguments à retenir pour la réflexion collective, sereine et nuancée, qui ne manquera pas de présider à la nouvelle mouture de l’épreuve anticipée du baccalauréat… » Lire la suite de l’appel. Signer l’appel et rejoindre le grand nombre de signataires : afef.contact@gmail.com

 

…Quand le politique minimise la question de la formation…

Formation : de quels enseignants avons-nous besoin ? Version longue de la tribune publiée sur liberation.fr le 2 mai 2018, avec toutes les signatures reçues. « La formation des enseignants, selon diverses sources d’informations devrait être rapidement la prochaine réforme que le gouvernement voudrait mettre en route. On en aperçoit les grandes lignes. Sur un point, on ne peut qu’être d’accord : la formation des enseignants va mal. Elle est même quasi inexistante. Elle doit être réformée. Elle est sans doute l’une des premières responsables de la faiblesse des résultats aux évaluations internationales. Pourtant, derrière l’affichage pour le grand public de « bonnes intentions », que le ministre J.M. Blanquer ne manquera pas de faire valoir (un grand coup de communication sur un soi-disant allongement d’un an de la formation est à prévoir), se dessine un vaste projet plus caché de libéralisation de l’enseignement public. Ses visées : faire des économies sur la formation en sous -payant les stagiaires ou en supprimant le concours, s’attaquer comme à la SNCF au statut de fonctionnaire des futurs enseignants. Plus grave encore faire de l’école un lieu simplement d’instruction de savoirs ou de compétences chosifiées, évaluables. Et, plus encore, un lieu de sélection, en oubliant que l’école est bien plus que cela : un lieu d’éducation (mais cela ne s’évalue pas !). Pour ce vaste projet, on connait maintenant la technique du gouvernement : rapidité, pseudo-concertations, pseudo-experts, passage en force. » Lire la suite de la tribune. Signer la tribune et rejoindre le grand nombre de signataires : afef.contact@gmail.com

 

...Mais le collectif reprend la main...

Lettres vives, pour un autre enseignement du français« La langue française et son enseignement soulèvent les passions et déclenchent d’éternelles polémiques. Il est convenu d’en déplorer le déclin, prélude à une inéluctable extinction. Certains font même profession de souffler sur les braises, martelant sans relâche quelques prétendues évidences : l’orthographe des petits Français est aujourd’hui un désastre, l’illettrisme touche un élève sur trois, les jeunes ne possèdent tout au plus que quelques dizaines de mots de vocabulaire… Il n’y a pas à chercher bien loin le coupable de cette débâcle « civilisationnelle » : c’est l’école et ses enseignant.e.s qui n’apprennent désormais plus ni à lire ni à écrire [1] ! Littérateurs, pamphlétaires ou responsables politiques se bousculent pour prophétiser ce naufrage – avec d’autant plus de « conviction » qu’il leur assure visibilité médiatique et promesse de juteux succès éditoriaux… ou électoraux. » Lire la suite et signer le Manifeste du collectif Lettres vives.

 

Et, après le cinquantenaire de l’AFEF et du Français Aujourd’hui …si nous prenions le temps d’écrire…

"Utopie éducative 2068" - Marathon d'écriture collaborative lancé le 17 mars - Participer « Cette expérience d’écriture collaborative sera proposée à la fois aux participants de la manifestation et plus largement en ligne aux adhérents et sympathisants qui souhaiteront participer, le jour du lancement et au-delà. En lien avec la parution du numéro 200 du FA « Écriture numérique : la conversion du littéraire ? », il s’agira d’écrire à plusieurs mains, sur une durée contrainte, une utopie éducative, sous la forme d’une parodie de texte de loi. La proposition d’écriture sera festive et libératoire et affirmera son caractère fictionnel, pour se situer littérairement dans le cadre des engagements de l’AFEF pour l’enseignement du français discutés lors de la journée. »
 

 

Agenda

23 mai - Lecture des textes littéraires en formation (2), Université d'Artois

26 mai - Réussir, ils en sont tous capables. 11èmes rencontres du GFEN, Ivry

26 mai - Invitation pour l’annonce du palmarès du 3ème concours d'écriture créative Florilège-FIPF, Montpellier

30 mai La question de l’identité et de la formation culturelles des enseignantes et des enseignants, HEP-BEJUNE, Bienne, Suisse

2 juin - L'actualité du théâtre dans l'éducation, CANOPE, avec Nathalie Papin, Philippe Torreton, Robin Renucci, Paris

8 juin - La parole dans l’espace de la classe : entre libération et didactisation, Programme de l'Atelier dans le cadre des Journées d'étude sur la parole, Aix-en-Provence. Inscription

9 juin - Le CP, bilan d'étape, Journée nationale de l'AFEF, Montpellier
 

 

À lire, à voir, à entendre…

L'académie du livre 2018 - Des voix, des visages, des mots - Avec Alice Zeniter, marraine du Florilège IX, Marc Alexandre Oho Bambe dit Capitaine Alexandre, poète slameur et romancier - Programme  - Invitation pour assister à la proclamation du palmarès du 3ème concours d'écriture créative collective Florilège-FIPF - Montpellier, 25-26 mai

L’actualité du théâtre dans l’éducation - Canopé - Présentation des actions autour des Ecritures théâtrales pour la jeunesse, en présence de Nathalie Papin, Philippe Torreton et Robin Renucci - Paris, 2 juin 14h30-17h
 

 

Annonces

BTS - Thèmes de culture générale - session 2019 - Thème n° 1 - Corps naturel, corps artificiel - Thème n°2 - Seuls avec tous
 

 

Recherche enseignant·e·s pour...

Recherche professeurs de français expérimentés pour le Maroc - Site Planétude

Bourse de l’Unesco - offerte par le gouvernement canadien.

 

Publications

Ecriture numérique : la conversion du littéraire, n° 200 du Français Aujourd'hui - Coordonné par Anne-Marie Petitjean et Magali Brunel - « Après un premier volume sur l’écriture numérique (n° 196, mars 2017) interrogeant les liens entre les usages sociaux de l’écriture en ligne et les pratiques de formation de l’école à l’université, Le français aujourd’hui aborde ici le sujet en interrogeant la conversion par le numérique de la culture scolaire, en matière d’écriture et d’écriture littéraire en particulier. Il s’agit de voir quelle peut être l’incidence de l’insertion du numérique de l’école à l’université sur les démarches et dispositifs d’écriture, les formats et les genres pratiqués. L’éclairage reste celui de la pratique de l’écriture… » 

À ne pas rater : À travers les yeux de l’étranger : Réécrire un roman via un réseau social, Jean-Michel Le Baut - Écriture collaborative numérique et appropriation d’une oeuvre patrimoniale, Claire Augé - Milieu numérique et « lettrés » du numérique, Serge Bouchardon et Isabelle Cailleau - L’écriture nativement numérique, de Twitter à YouTube : Pour une approche non-conversionnelle des processus créatifs, Julien Longhi - Et aussi l’ensemble d’un numéro qui marque un tournant dans la recherche…
 

Revenir aux fondamentaux pour bâtir les savoirs ? Dialogue n° 168, Revue du GFEN - « On entend beaucoup dire que les « fondamentaux » ne seraient pas solidement assurés pour de trop nombreux élèves dans le système scolaire français. En témoignent les mauvais classements de ces élèves - et donc de ce système - produits par les évaluations internationales de type PISA, dans des registres déterminants comme la bonne compréhension d'un texte ou bien la maîtrise des « bases » - autre mot valise - outils de construction des raisonnements scientifiques. On se limite en disant cela au volet des savoirs, certes essentiels, mais qui ne suffit pas à éclairer l'ensemble des questions cherchant à préciser ce qui est fondamental. » Lire la présentation

Accompagner en pratiques, Cahiers pédagogiques n° 545, mai 2018, Dossier coordonné par Rachel Harent et Xavier Dejemeppe - « Qu’est-ce qu’accompagner au sein et hors de la classe ? Qu’en est-il de l’accompagnement personnalisé ? Comment l’accompagnement vise-t-il à construire l’autonomie de l’élève ? Ce dossier interroge le sens donné aujourd’hui à l’accompagnement de tous les élèves par les enseignants et aussi par les coéducateurs. » Commander ce numéro sur la Librairie des Cahiers pédagogiques

 

Écrire, prescrire, interdire : les professionnels face à la littérature de jeunesse aujourd'hui, Christine Mongenot & Sylviane Ahr (éds). En vente sur le site de l’AFEF - Bon de commande « L’émergence d’un champ de recherche pluridisciplinaire autour de la littérature de jeunesse est un phénomène que le colloque organisé en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France en juin 2011 a clairement confirmé. Cette rencontre, dont il a été rendu compte dans un ouvrage collectif, a révélé le foisonnement des travaux de recherche consacrés à la littérature de jeunesse, en particulier depuis son introduction dans les programmes d’enseignement de l’école primaire, ainsi que la multiplication des espaces de formation, des manifestations scientifiques et des publications qui lui sont désormais consacrés. Mais si l’on veut dépasser ce premier constat, déjà bien étayé, comment expliquer ce développement exponentiel de discours et de pratiques sociales, culturelles et scolaires autour de cet objet aux enjeux historiquement éducatifs ? On ne peut désormais se contenter d’observer et de recenser ces discours et ces pratiques hétérogènes, qui se développent dans des sphères professionnelles diverses et reposent sur des savoirs de référence eux-mêmes plus ou moins éclectiques. » Lire la présentation et le sommaire.

 

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L’AFEF a changé de nom

AFEF signifie désormais : Association française pour l’enseignement du français 

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CM-6ème : Mutualiser, oui, mais comment ? Lire le compte-rendu

Enseigner la littérature : quels enjeux, quelles valeurs, quels corpus, quelles préconisations ? Lire le compte-rendu 

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