Le collectif : convergence école républicaine en danger, alerte


Non à la gouvernance anti démocratique du ministère de l’éducation nationale ; oui à un grand chantier de réflexion sur les problèmes de l’école.

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Une attaque sans précédent et à grande vitesse de l’institution scolaire de la maternelle à l’université est en cours. Elle fait fi des lois. Rassemblons toutes nos forces pour dire non.
 

Un passage en force  

Le ministre tire tous azimuts. Le projet réel derrière le camouflage du verbe se dessine. Les maitres mots en sont : austérité, sélection, management autoritaire et libéral, ouverture aux officines et institutions privées, ajustement de l’école aux besoins strictement économiques. Ils se traduisent par moins de recrutements, peu de journées de classe payées par l’État, moins d’enseignement dans les disciplines qui construisent la pensée critique du citoyen actif (diminution programmée de la philosophie, des sciences économiques et sociales aux épreuves du bac par exemple). La réduction de la scolarité en maternelle est en vue.  

 La stratégie est brutale, rapide :  1) mettre au pas les enseignants et les corps d’inspection :  injonctions en septembre avec mise en œuvre immédiate pour le travail en classe, (tests, matériel pédagogique imposé, protocoles à suivre) ; 2) sélectionner à l’entrée à l’université ; 3) refondre et raboter les diplômes (le bac) ; 4) Libéraliser la formation professionnelle (essais en cours) ; 5) aller vers l’autonomie  des établissements,  accroître le rôle des chefs d’établissements en matière de recrutement. Et ce n’est qu’un début !  

STOP !  STOP ! On a compris. Le ministre entend passer en force au-dessus des lois et des fonctionnements de l’institution.
 

Pour déstabiliser le système, l’art du double langage, et de l’enfumage

Les mensonges les plus gros sont ceux qui passent le mieux, dit-on ! Prenons l’exemple des résultats français peu brillants en lecture, pour les 15-16 ans, aux évaluations internationales. Ils seraient exclusivement dus, si on suit le discours du ministre en septembre aux méthodes de lecture en CP !  Faux ! Simpliste ! grotesque ! Une importante et récente recherche (rapport Goigoux) portant sur plus de 2000 élèves montre qu’à la fin du CP, les élèves ont dans leur très grande majorité acquis les principes du « décodage » (syllabique et beaucoup plus) et ce, quelles que soient les pratiques mises en œuvre. 

La visée électoraliste est sans vergogne : flatter les conservatismes les plus ringards en matière d’éducation, jeter l’opprobre sur les « pédagogues », les chercheurs en éducation, la suspicion sur les compétences professionnelles des enseignants. « L’autorité doit être rétablie dans le système scolaire » ! affirmait le ministre à la une du Parisien le 13 novembre) ; conforter les discours populistes : le mythe de « l’autorité du maitre », du redoublement – unique solution –,  et pourquoi pas  de l’uniforme !

De nouveaux fondements « pédagogiques » commencent à oser se dire.

1) D’abord tester pour trier, classer les élèves.  Leur administrer ensuite les enseignements à hauteur de leurs résultats :  des remèdes, des outils, des progressions pensées nationalement par des experts (Autrement dit, fin de la liberté des choix pédagogiques. On attend des enseignants qu’ils soient de simples exécutants, contrôlés, évalués, surveillés par quelques contre-maitres (les nouvelles missions des corps d’inspection qui se profilent). Big brother n’est pas loin.  Fin du travail créatif, humain, d’ajustement constant de l’enseignant à la diversité des élèves, à la spécificité des difficultés rencontrées, à la diversité de leurs histoires, langue et culture dans chaque classe, chaque établissement.

 2) Sélectionner les méritants, les ambitieux, (« les premiers de cordée ») pour les séparer précocement des futurs « gens de rien » ou « fainéants ».

3) Confier à des auxiliaires peu qualifiés et sous-payés (640 euros par mois pour 20H par semaine),  la tâche de récupérer hors la classe ceux qui n’arrivent pas à suivre (aides au devoir, aides aux enfants en situation de handicap, etc.).

4) Favoriser le développement d’officines privées pour le soutien scolaire ou la préparation post bac  à l’entrée à l’université désormais sélective. Un grand marché s’ouvre avec ParcourSup !

 L’école républicaine a toujours prôné d’autres ambitions : donner à tous l’égalité des chances pour choisir ce qu’ils veulent faire de leur vie, en faire des citoyens actifs, responsables de l’avenir de leur pays, des individus solidaires. Cela s’enseigne, s’apprend, en un entrelacs très complexe qui conjugue langages, culture, relation éducative, projets, dispositifs de classe, organisation des contenus et atmosphère de la classe. Pas simple ! Un vrai, difficile métier.  
 

Les mesures du ministre sont des leurres ! Il faut s’attaquer réellement aux difficultés de l’école française !

Alors oui, c’est vrai, l’école française ne va pas bien, et ce depuis une quinzaine d’années. Les résultats aux évaluations internationales montrent une baisse du niveau moyen de nos performances. Les élèves des milieux favorisés et classes moyennes sont moins touchés, mais ceux des quartiers populaires décrochent de plus en plus. Et ce ne sont pas les seules neurosciences qui vont résoudre ce problème !

Les remèdes que propose le ministère ne sont que confettislargement médiatisés : dédoublement des CP et CE1 en éducation prioritaire, tablettes magiques pour apprendre les syllabes, bouliers taiwanais auxquels on aura auparavant entrainé rapidement les enseignants. Ce sont des cache-misère, imposés sans concertation et qui ne vont certainement pas résoudre la très grande difficulté de nos adolescents de collège en difficulté notamment avec l’écrit dans toutes les disciplines ! Compétences où Ils sont dans les plus mauvais d’Europe ! Ces mesures sont des leurres !  Le mal est plus profond. Il s’appelle formation des enseignants. Formation initiale et continue. Là-dessus silence radio au ministère ! Pourrait-on s’en passer et économiser encore un peu ?
 

La formation des enseignants : la question centrale !

Complètement éliminée sous Sarkozy, dont le ministre J.M. Blanquer fut un zélé serviteur,  elle a été à peine réhabilitée sous Hollande. Elle est aujourd’hui, pour le premier et second degré, dramatiquement insuffisante, inadaptée aux évolutions des connaissances et aux nécessaires mutations du métier enseignant.  Un métier de plus en plus difficile et qui n’attire plus assez de candidats.

 Le grand public, sait-il qu’il ne s’agit que d’un ersatz de formation :  soit une seule année où pendant deux jours de la semaine, les débutants ont une classe en responsabilité et les deux autres,  vont  au centre de formation (ESPE). Une année pendant laquelle ils doivent en même temps préparer un Master ! Dans d’autres pays la formation dure trois à cinq ans !

Les parents savent-ils qu’il arrive que les enseignants de leurs enfants n’aient reçu aucune heure de formation pour le type de classe, de matière dans laquelle ils sont nommés ? A eux de se débrouiller ! Pas loin de 30% d’entre eux démissionnent dans les premières années. Trop dur ! Pas grave ! On recrute en catastrophe à pôle emploi, notamment pour les REP !

Les enseignants se doutent-ils que les gadgets, livre imposé, tests démultipliés, évaluations multiples, nationalement programmées, contrôlées (c’est déjà parti pour les CP) sont en train de  remplacer leur liberté pédagogique, les transformant en simples exécutants, qui risquent d’être dument évalués à leur docilité. Pas besoin pour cela de formation, un simple mode d’emploi, une application internet   pour quelques techniques recommandées, suffiront. Du déjà vu à la télé !

Acceptera-t-on que les chefs d’établissement, inspecteurs, recteurs, n’aient pour mission que de se taire, transmettre, évaluer, faire appliquer des décisions non discutables, venues du cabinet du ministre ? Et non d’accompagner, former, piloter au plus près des réalités du terrain. 

Acceptera-t-on aussi que les chercheurs en éducation, les formateurs (sociologues, psychologues, didacticiens, philosophes, linguistes etc.) voient cinquante ans de travaux au service de l’école, de la formation, de la compréhension des évolutions du système, jetés aux oubliettes par une poignée de mandarins choisis par le ministre pour piloter la recherche et l’innovation.

STOP au mépris pour l’immense capital de la culture professionnelle et scientifique en matière d’éducation et d’enseignement !
 

Rassemblons-nous pour défendre les valeurs de l’école républicaine : elles sont en danger

Faisons converger la résistance des divers courants soucieux de la défense et transformation de l’école : associations, syndicats, parents, enseignants, chercheurs, cadres du système. Rassemblons les forces de tous ceux qui pensent que l’école c’est le lieu où se pense, se développe l’humain :  la culture, la liberté, l’égalité, le respect de l’autre, le vivre ensemble dans une nature respectée.

L’école est en danger. Il n’est plus temps d’attendre en regardant passer le TGV de décrets et réformes autoritaires. Il est urgent d’agir, s’impliquer, organiser un grand débat national pour défendre les valeurs de l’école de la République, repenser la formation, accompagner, financer les transformations indispensables pour  une vraie démocratisation de l’école.


Le collectif : « Convergences : École Républicaine en Danger » : CERD - Montpellier 22/01/2018
(Contact : dominique.bucheton@wanadoo.fr)

 

 

 

Soumis par   le 04 Février 2018