L’école maternelle en éducation prioritaire - Viviane BOUYSSE


Rencontre OZP du 24 octobre 2012-10-21- compte-rendu de Viviane Youx

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L’école maternelle en éducation prioritaire - Viviane BOUYSSE[1]

Rencontre OZP du 24 octobre 2012-10-21

 

            L’école maternelle est-elle un sujet particulier dans l’éducation prioritaire ? Les questions qui l’entourent sont-elles différentes en éducation prioritaire ?

 

            En théorie, c’est la même école que dans d’autres milieux, même si elle devrait être plus ouverte. Mais c’est inégalement vrai. Et il faut balayer des idées reçues :

-       La demande d’école maternelle n’est pas si importante qu’on le croit dans les milieux populaires ; elle est d’abord considérée comme un lieu de garde, s’il y en a d’autres, il n’y a pas de demandes.

-       L’école maternelle serait plus utile aux enfants de milieux populaires, mais en fait elle est plus profitable aux enfants de milieux favorisés.

 

            L’absence de mixité, l’importante hétérogénéité sociale, culturelle, linguistique pèse sur les progrès des enfants en langage. Le risque est de traiter les enfants comme un grand groupe (favorisé par l’impression qu’ils ont tous tellement de besoins) au lieu de favoriser les interactions entre petits groupes et enseignant.

 

            L’école maternelle s’est primarisée dans sa forme pédagogique, avec des fonctionnements assez uniformes, en grands groupes :

-       La géographie de la classe n’est plus celle des coins d’activités. L’école maternelle est plus grise, alors qu’autrefois elle était colorée des productions plastiques des enfants.

-       Les écoles maternelles sont envahies d’écrit. On est plus dans les productions qu’on va pouvoir montrer, dans le représenté, que dans le faire. L’entrée est beaucoup plus précoce dans le conceptuel, l’abstrait, sans assimilation par la manipulation. La photocopieuse est omniprésente.

 

            Un des problèmes de l’école maternelle est son succès : elle amène les élèves avancés à un bon niveau, jamais on n’a eu autant d’élèves qui savent déchiffrer en arrivant au CP. Les enseignants se trouvent démunis et en difficulté pour gérer le grand écart entre ces élèves et ceux qui ne sont pas entrés dans ce qu’est lire ; et ce sont ces derniers qui sont alors considérés comme en difficulté, avec une sorte de double peine, de fatalité qui pèse sur eux, comme s’ils étaient en retard.

 

            Le bagage des enfants qui arrivent à la maternelle est très différent en ce qui concerne le langage qu’ils parlent et la manière dont ils utilisent le langage, les usages du langage. L’école maternelle n’a pas bénéficié ces dernières années de ressources supplémentaires, alors que son rôle devrait être de réduire les problèmes langagiers. Il faudrait pouvoir travailler sur l’usage approximatif du lexique, de la syntaxe et du système phonologique de la langue. Les enfants passent d’abord par un langage informel, d’accompagnement de l’action, un langage dans lequel ils communiquent, se comprennent dans un langage minimal ; c’est un usage peu réflexif.

            Dans les milieux populaires on trouve des contacts très particuliers avec la culture de l’écrit, souvent assimilée à « des papiers à faire », des papiers qui persécutent, des « papiers : l’affaire des femmes ». Travailler l’univers de l’écrit en maternelle consiste à mettre en place les premiers repérages, ce qui permet de réduire les désavantages des enfants qui n’y sont pas entrés.

 

            Mais l’école maternelle doit d’abord être l’école du langage, du langage oral, entendu, pratiqué. L’enseignant doit organiser la vie de sa classe pour qu’il puisse se consacrer à parler avec les enfants et non aux enfants, à tous les enfants ; le langage se construit dans l’interaction, il ne suffit pas de leur parler pour qu’ils progressent, et les enfants sont longs à comprendre qu’ils font partie du « tous ». Il s’agit d’art de la conversation et non du dialogue didactique de l’école.  Il y a alors nécessité que les autres enfants puissent être accaparés par des activités pendant que le maitre est en conversation avec un petit groupe. La conversation part d’une accroche : parler pour faire, pour dire des idées, autour des livres (une des principales accroches). Premier contact avec l’écrit : la littérature de jeunesse, principalement de fiction, mais elle offre aussi de petits documentaires.

 

            Trois choses à cultiver :

-       Faire agir ; mettre les enfants dans des situations où ils vont pouvoir prendre des initiatives, agir (et non exécuter une consigne), essayer, risquer, anticiper.

-       Faire réussir ; éprouver le plaisir de la réussite vaut pour toutes les activités, c’est le moyen de commencer à avoir confiance en soi, se représenter comme compétent.

-       Faire comprendre ; prendre du temps pour trier avec les enfants les leçons de l’expérience : qu’est-ce qui fait réussir ? La reformulation est fondamentale ; comprendre, c’est revenir en arrière, prendre de la distance. Apprendre à construire une posture réflexive.

 

            Les conditions :

-       Formation professionnelle : formation à l’observation d’un enfant, savoir le situer dans son développement, savoir entendre son langage.

-       Organisation matérielle de la classe : cadre, équipement des classes maternelles ; élaborer un cahier des charges pour qu’une directrice ne se retrouve pas seule à devoir négocier du matériel.

-       Encadrement humain dans les écoles maternelles ; accompagnement éducatif, mais aussi travail avec les parents : accueil « hospitalier », accueil dans la classe, acculturation à certains moments. Ex. à Roubaix les parents sont invités à participer à l’aide individualisée. Il s’agit de concilier les parents avec l’école, les impliquer sans leur faire la leçon.

-       Faut-il que tout enfant, surtout les plus petits, ait 6h, ou même 5h d’école maternelle ? A-t-on besoin d’un temps collectif aussi long ? Les règles sont nécessaires, mais avec souplesse. 

 

 

Deux ressources citées : une vidéo après une visite de jardins sur le site de l’académie de Montpellier (Banque de séquences didactiques), où les enfants enrichissent le langage des autres.

Le protocole PARLERde Zorman, expérimenté depuis quelques années, qui donne à réfléchir.

 

Viviane Youx



[1] inspectrice générale de l’école maternelle. Corédactrice du rapport sur l’école maternelle en 2011.

 

 

Soumis par   le 28 Octobre 2012