Les enjeux de la création d’une option FLE au Capes de Lettres, par Isabelle Gruca


Option FLE/FLS du CAPES de Lettres Modernes

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Les enjeux de la création d’une option FLE au Capes de Lettres :

La création d’une option FLE dans les nouvelles modalités du concours externe du Capes de Lettres modernes (arrêté du 19 avril 2013, publié au JO du 27 avril 2013) peut être considérée comme un événement majeur :

-       Pour les étudiants formés : dans le contexte croissant de la mobilité professionnelle, cette option permet de doter le futur enseignant de clés qui lui permettront de faire face à la diversité du public scolaire et, éventuellement, de s’engager dans une carrière à l’étranger. Cette option s’insère dans le vaste plan de la mastérisation des métiers de l’enseignement qui, outre les savoirs et savoir-faire, initie un savoir-apprendre : l’initiation à la recherche, aussi sommaire soit-elle, consolide la posture réflexive que tout enseignement vise à assurer auprès des futurs professeurs, afin de l’engager dans le processus d’un apprentissage tout au long de la vie.

-       Pour la discipline « Didactique du FLE » : elle constitue l’aboutissement de nombreuses tentatives entreprises depuis la décennie 1980, qui a instauré la maîtrise FLE dans les offres de formation universitaires. L’orientation professionnalisante, qui régit les axes principaux de cette nouvelle réforme, la diversification des publics et des métiers de l’enseignement expliquent probablement, en partie, cette ouverture.

-       Pour les disciplines FLE/Lettres : cette création, et les implications qui la sous-tendent, initie un rapprochement logique et attendu. La didactique du FLE porte sur l’enseignement d’une langue-culture et, de ce fait, elle entretient des liens privilégiés avec les sciences du langage et les sciences de l’éducation, mais aussi avec  la sociologie, l’anthropologie, et les … lettres. Il est vrai que la dimension linguistique prédomine, mais elle ne définit pas à elle seule le FLE : les enseignements de culture et de littérature sont depuis toujours au centre de nombreux programmes dans les institutions en France comme à l’étranger. Le rattachement d’une option FLE au Capes de Lettres permettra un rééquilibrage des interactions avec les disciplines, notamment au niveau de la recherche. Il devrait également susciter l’intérêt des enseignants-chercheurs de lettres afin d’établir une collaboration plus étroite avec le FLE.

-       Pour la recherche en didactique : la recherche en didactique des langues comme des disciplines reste trop souvent, malgré des rapprochements certains, cloisonnée dans le champ d’une spécialité. Sans nuire aux spécificités propres à chaque discipline et à leurs méthodes de recherche, mais afin de dépasser les clivages épistémologiques, cette création peut favoriser un champ de recherche en interdidactique.

-       Pour le paysage institutionnel des formations : articulées à la création des ESPE, qui se substituent aux IUFM, les formations liées aux métiers du professorat du premier et du second degré et de l’éducation, que ce soit pour la préparation des concours ou pour les masters, sont placées sous la coordination des ESPE et des universités. La collaboration des enseignants-chercheurs et des praticiens se doit d’être étroite dans ce partenariat qui s’est, cependant, établi dans des délais trop brefs et qui s’effectue dans un contexte de crise défavorable.

 

L’épreuve FLE au concours :

Cette option, qui relève des épreuves orales d’admission, repose sur l’analyse d’une situation professionnelle et elle figure parmi un choix de 4 thématiques : Latin pour Lettres modernes, Littérature et langue françaises, Théâtre ou cinéma, et, enfin, Français langue étrangère.

Temps de préparation : trois heures ; durée de l’épreuve : une heure (exposé de 30 mn, suivi d’un entretien de 30 mn). Comme son complément aux contenus disciplinaires plus marqués, l’ « épreuve de mise en situation professionnelle » (explication de texte et question de grammaire), l’option prend place dans l’ « épreuve d’analyse d’une situation professionnelle » et porte le coefficient 2.

 

L’épreuve prend appui sur un corpus de documents (articles, textes, pages de manuels ou de méthodes d’enseignement du FLE) et le candidat est invité à analyser ce corpus en fonction d’une question précise de manière à en proposer une exploitation sous la forme d’un projet de séquence pédagogique.

Les objectifs d’évaluation tournent autour de l’analyse et de la conception de matériel didactique :

-       savoir analyser, de manière pré-pédagogique, des supports authentiques susceptibles d’être exploités en classe,

-       savoir construire une démarche d’apprentissage qui s’insère dans un programme défini,

-       savoir sélectionner des techniques d’apprentissage appropriées aux supports et au niveau afin que l’élève puisse développer activement l’ensemble de ses connaissances (en langue, culture et littérature) et de ses compétences (CE, EE, EO pour l’essentiel),

-       mais aussi, savoir mobiliser ses connaissances disciplinaire et didactique de manière à élaborer la simulation d’un cours et à l’inscrire dans une séquence d’enseignement.

L’entretien devrait notamment permettre de préciser la capacité du candidat à prendre en compte les acquis et les besoins des élèves et à se représenter la variété du contexte éducatif dans ses différentes composantes.

L’exemple proposé par le ministère (www.education.gouv.fr)  présente un corpus de deux documents didactiques (définition de la notion « authentique » et descriptif du niveau B1 du CECR) ainsi que deux documents authentiques à destination de la classe (un ensemble de témoignages de jeunes lycéens étrangers venus passer une année scolaire en France et un extrait littéraire qui évoque une scène d’enfance d’un écrivain originaire de Guadeloupe).

La thématique retenue porte sur les stéréotypes véhiculés à l’étranger sur la France et les Français et leur déconstruction en fonction du vécu des élèves. Elle ancre ainsi, par delà les aspects linguistiques qui caractérisent les supports (opposition passé/présent, expression de l’opinion, la caractérisation, etc.), la séquence dans l’éducation interculturelle, objectif premier de tout apprentissage d’une langue étrangère et fonction fondamentale de l’école qui participe à la construction de la citoyenneté de l’élève.

 

FLE ? FLS ?

On s’interroge évidemment sur le terme avancé par la réforme : FLE. Pourquoi pas FLS (français langue seconde) ou FLSCO (français langue de scolarisation), notions qui semblent, a priori, plus pertinentes pour l’enseignement du premier et second degré ? Est-ce dans une perspective englobalisante, le FLS relevant, comme les autres spécialisations FLI (français langue d’intégration), FOU (français sur objectif universitaire), FOS (français sur objectif spécifique), etc., du FLE? A noter cependant que, dans la présentation de l’exemple de sujet, figurent les deux notions FLE et FLS et que les supports proposés peuvent être aussi bien didactisés en FLE qu’en FLS.

Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur les réformes des masters et des concours, ou encore sur la refondation des ESPE, la création d’une option FLE au Capes de Lettres marque bien une ouverture à l’interdisciplinarité, aussi bien au niveau de l’enseignement que de la recherche, et met en exergue la liaison des didactiques professionnelles.

A nous enseignants, enseignants-chercheurs et spécialistes de l’éducation de mettre en œuvre un continuum entre recherche et pratique et entre lettres, langue et FLE.

 

Isabelle Gruca

Université de Nice-Sophia Antipolis

Soumis par   le 25 Novembre 2013