Compte-rendu de la journée organisée le 18 novembre 2015 au Musée national de l'histoire de l'immigration par la Direction générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), la Direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France en collaboration avec le Musée national de l'histoire de l'immigration.
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Les langues de l'immigration : entre savoirs et représentations
Abraham Bengio, directeur adjoint honoraire de la région Rhône-Alpes, a ouvert la première table ronde en présentant une enquête sur les langues de l'immigration dans sa région, façon de poser le problème du statut des langues de l’immigration en France. Il a d'abord rappelé que les langues de France sont mieux documentées et ont donné lieu à plus d'actions que les langues de l'immigration.
Présentant quelques acquis de l'étude, Abraham Bengio a précisé la distinction entre "immigré" – on le reste à vie – et « étranger » – on peut être étranger et né en France. Cette distinction est au fondement de la distinction entre « langues de l’immigration » et « langues de France »[1]. L'immigration européenne reste majoritaire (pas en termes de flux) avec 43%, talonnée par l'immigration africaine, du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne, (39%) et turque (10%). On peut noter l'importance du plurilinguisme : beaucoup parlent en plus d'autres langues d'immigration, en particulier pour les Africains. La langue majoritaire est les arabes (marocain, algérien...) de très loin, puis l'espagnol, l'italien, le portugais, le berbère, l'arménien occidental, le turc.
La vitalité de ces langues-cultures se manifeste dans le fait que les acteurs sont investis dans des associations souvent anciennes mais animées par des jeunes.
Contrairement à ce qui se passe pour les langues régionales, la transmission est essentiellement familiale avec une variété étonnante quant au choix de la langue que la famille transmet (par exemple choix d'une langue minoritaire dans le pays d'origine ou au contraire de la langue majoritaire qui n'était pas la langue maternelle des parents).
L'enquête révèle que 24% des personnes ont un usage professionnel des langues de l'immigration, ce qui souligne combien c'est un potentiel négligé. Il a relevé au passage l'importance du rôle des nouvelles technologies (91% l'utilisent au téléphone, 62% sur Internet) ce qui pose le problème du clavier, celui de la transposition en alphabet latin et de son influence sur l'évolution de la langue. Les allophones déplorent le manque de représentation de leur langue dans l'espace public, manque ressenti différemment selon la langue. Il se pose particulièrement pour les arabes, dont on compte seulement 8000 apprenants dans l'Éducation nationale pour plus de 3 millions de locuteurs, tandis que l'espagnol, l'italien et le portugais ont des ressources importantes en tant que langues vivantes constitutives d'une identité européenne.
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Interrogeant les processus susceptibles de favoriser le maintien de ces langues, Christine Deprez, linguiste à l'université Paris Descartes, a posé trois cadres de réflexion.
À l'échelle d'un pays, elle souligne l'alchimie des facteurs sociologiques qui comptent bien plus que la structure de la langue (le nombre d'enfants, les types de mariage, la question du genre...) en invitant à ne pas se focaliser sur un seul de ces facteurs.
À l'échelle d'une famille, pour transmettre sa langue, les stratégies sont de quatre types. 12% des familles sont monolingues en français, 8 à 10% dans l'autre langue. Ce sont des stratégies difficiles : comment nommer autrement les réalités qui relèvent d'une seule des sociétés ? Par exemple comment nommer sans passer par le français une carte orange, un carnet de correspondance... ? La deuxième stratégie, elle aussi difficile à tenir, est que chaque parent représente une langue, la troisième que les parents parlent leur langue, les enfants répondent en français, la quatrième le recours à un mélange (qui n'est pas confusion). La transmission familiale bénéficie de quelques adjuvants : pratiques associatives, voyages au pays, Skype...
La troisième approche s'intéresse à l'individu, une langue première est la langue de notre enfance.
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Claire Extramiana, chargée de mission à la DGLFLF, a brossé un rapide panorama des politiques publiques en matière linguistique.
À partir de 2003 a été mis en place un contrat d'accueil et d'intégration pour les immigrés hors UE, démarche suivie dans toute l'Europe de l'ouest. Le discours officiel oscille entre volonté de faciliter l'intégration et un discours de la maitrise des flux migratoires. Les seuils requis sont variables : au Royaume Uni le niveau B1 est requis pour le regroupement familial, pour l'accès au séjour et à la nationalité. La France représente une situation intermédiaire : le niveau A1.1 est requis pour l'accès au séjour, La France propose beaucoup d'heures pour un niveau réduit, les formations sont gratuites. Ailleurs le niveau est plus élevé et les formations payantes. En Europe de l'ouest on s'intéresse d'abord au séjour, secondairement à la nationalité.
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Michel Alessio, a présenté les missions de l'Observatoire des pratiques linguistiques et des situations de langues[2] qui rassemble des données sur une quarantaine de langues qu'on dit langues de France : langues régionales et 6 langues d'immigration présentes depuis suffisamment longtemps pour être considérées comme faisant partie du patrimoine. Celui-ci s'intéresse aussi à toutes les langues parlées en France dont les langues de la mondialisation et fait connaitre ces recherches à travers des publications (Langues et cité). En ce qui concerne l'arabe, il souligne l'importance de la notion de continuum entre l'arabe classique, écrit, qui n'est la langue de personne et les arabes parlés (pas/peu écrits) en invitant à ne pas oublier que c'est une grande langue de culture.
Le débat avec le public a porté sur :
- Le constat qu'il y a de moins en moins d'enseignement des langues d'origine, qui du coup se fait dans les quartiers dans des associations qui ne sont pas toujours de bon aloi. La réflexion sur ce constat est liée à celle sur les représentations de ces langues dans la société française.
- Les UPE2A dont certains estiment que les horaires sont très insuffisants et conduisent à l'échec scolaire faute de pouvoir comprendre les consignes.
- L'arabe/les arabes.
- Le fait que peu d'études portent sur la question de la lecture et de l'écriture.
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L'atelier A était intitulé "École et plurilinguisme : des ressources pour les enseignants".
Anne Zribi-Hertz, spécialiste de la grammaire des langues naturelles (langues de notre environnement), et Dominique Levet (coordonnateur du CASNAV de Saint-Denis), vont publier en 2017 une Grande Grammaire du français. Ils ont présenté le Projet langues et grammaires en Ile-de-France (LGIDF), qu'on peut trouver sur le site lgidf.cnrs.fr. Un de ses principaux intérêts est d'offrir un outil pour comprendre les problèmes d’interlangue. Il permet par exemple, quand on s'aperçoit qu'un élève a un problème avec le système verbal, de rechercher si des caractéristiques dans sa langue d’origine peuvent interférer. Il propose des jeux, des fiches pédagogiques, des interactions de base. Pour l'heure il est encore incomplet.
Questions de la salle :
- Un tel site pose le problème de la variation (en français et dans l'autre langue), celui des connaissances des enseignants pour percevoir et diagnostiquer les difficultés des élèves liées à leur langue.
- Cette approche grammaticale n'est pas celle prônée par les didacticiens des langues étrangères depuis longtemps... Réponse : ce n'est qu'un outil de référence et non pas une pratique pédagogique.
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Maryse Adam-Maillet (IPR de Besançon) a d'abord rappelé que le dispositif d'UPE2A est né lors du passage de la logique d'insertion à une politique d'inclusion. Il concerne donc tous les élèves, pas seulement les allochtones ; l'inclusion est un processus, le dispositif apporte du soutien linguistique pour les allophones, leur intégration dans une classe lambda, effective dès le début, doit être de plus en plus importante, le plus rapidement possible, sans désétayage brutal. De ce point de vue, la réforme du collège, avec la place de l'accompagnement personnalisé et de l'interdisciplinarité, peut être une chance historique.
Elle a souligné l'intérêt du travail sur l'écart (français oral/écrit ; langues sources/langue cible ; communication courante/communication de scolarisation ; capital scolaire source/cible.
La question est alors celle des médiations, de l'interface expert/non expert : quels outils de formation et de médiation ? La rationalité ne suffit pas, il faut vivre ce type de situation linguistique, que les professeurs vivent la situation de leurs élèves. Mickaël Rigolot (CASNAV de Franche-Comté) a alors présenté magistere.education sur le site de Canopé (outil à disposition des enseignants de l'éducation nationale) et rappelé l'intérêt du n° 176 de la revue Diversité : « Langue des élèves, langue de l'école ».
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Dans son intervention de clôture, Henriette Walter a rappelé avec enthousiasme l'influence des langues étrangères sur le français et vice-versa. De nombreux exemples avec l'anglais et l'arabe ont été présentés.
[1] On entend par langues de France les langues régionales ou minoritaires parlées par des citoyens français sur le territoire de la République depuis assez longtemps pour faire partie du patrimoine culturel national, et ne sont langue officielle d’aucun État. (http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Langue-francaise-et-langues-de-France/ )
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