Créée en 1967 sous le nom d’AFPF (Association française des professeurs de français), notre association a été fondée à la même époque que la FIPF, à la fois pour répondre aux besoins de regroupements des professeurs de français des pays francophones, et pour promouvoir une conception renouvelée de l’enseignement de français, ce qu’elle fit en élaborant en septembre 1969 le Manifeste de Charbonnières dont nous nous sentons toujours héritiers aujourd’hui. Ce Manifeste de Charbonnières fut publié en février 1970 comme n° 9 de notre revue Le Français Aujourd'hui. L’association prendra le nom d’AFEF en 1973 pour remplacer le terme de professeurs par celui d’enseignants, afin de s'adresser à l'ensemble des enseignants, de la Maternelle à l'Université, terme qui, du reste, s'avère plus adapté à notre posture et à nos valeurs.
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PROPOSITIONS POUR UNE RENOVATION DE L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS
MANIFESTE DE CHARBONNIERES
10-11-12 septembre 1969
LE FRANÇAIS AUJOURD’HUI…N° 9…FEVRIER 1970
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PRINCIPES ET OBJECTIFS
I - DÉCLARATION PRÉLIMINAIRE
un plan pour la rénovation du français
Les difficultés que rencontrent les maîtres français dans leur travail quotidien,
- la complexité et l'étendue des connaissances désormais nécessaires à l'exercice correct de leur fonction.
- le faible développement, ou la diffusion insuffisante, des recherches pédagogiques sur l'enseignement du français,
- l'inadaptation aux besoins actuels des modes de formation et de recrutement des enseignants,
ont conduit des maîtres de tous les degrés (1) à se réunir autour du Bureau de l'A.F.P.F. en trois journées d'étude au Château de Charbonnières (Eure-et-Loir) les 10, 11 et 12 septembre l969 pour faire l'inventaire des problèmes urgents et pour suggérer les cadres d'un programme de travail, dont les hypothèses, soumises à une expérimentation contrôlée à grande échelle, pourraient déboucher sur un plan pour la rénovation l'enseignement du français, rénovation indispensable, et qui n'a pas été jusqu'ici véritablement envisagée dans son ensemble.
Les objectifs, la matière et les modes de notre enseignement ont le plus souvent été définis fonction d'idées à priori ou par rapport à des résultats et à un état des connaissances aujourd'hui dépassés. Le progrès des sciences de l'éducation, le développement de la linguistique, le renouvellement des méthodes d'approche des textes permettent d'envisager aujourd'hui, sur des fondements plus scientifiques. des définitions de plus en plus pertinentes
• des contenus,
• des méthodes,
• des épreuves de contrôle nécessaires à l'évaluation de l'efficacité de la pédagogie du français.
L'AMPLEUR DES CONSEQUENCES PRATIQUES, LES INCIDENCES INSTITUTIONNELLES ET FINANCIERES NE NOUS ONT PAS ECHAPPE, NON PLUS QUE L'IMPOSSIBILITE POUR UNE ASSOCIATION DE SPECIALISTES DE MENER SEULE L'ENTREPRISE A SON TERME.
On trouvera donc ici, à côté d'un certain nombre de principes et d'hypothèses concernant
• les objectifs de l'enseignement du français,
• l'enseignement de la langue,
• l'initiation aux textes,
• la formation des maîtres,
des suggestions de mesures à court terme répondant à l'urgence des problèmes.
MAIS IL EST EVIDENT QUE LES MESURES A LONG TERME INDISPENSABLES NE POURRONT ETRE ETUDIEES QU'AU PLUS HAUT NIVEAU, AVEC LES REPRESENTANTS DE TOUS LES ORGANISMES INTERESSES.
En ce qui concerne l'ensemble de nos propositions, nous tenons à déclarer avec netteté :
- L'école ne saurait à elle seule changer le monde et la vie. Il est établi que les handicaps, les blocages dont souffrent les élèves sont, pour l'essentiel, d'origine socio-économique et socioculturelle. Notre action pédagogique pour la liberté, l'authenticité, l'épanouissement des hommes ne saurait donc être dissociée du contexte économique, social et politique où elle s'inscrit.
- L'école peut cependant, tout en aidant les élèves dans l'immédiat. contribuer aux prises de conscience nécessaires. L'école ne doit ni s'illusionner sur son pouvoir, ni se replier sur une formation qui préparerait exclusivement à la vie professionnelle.
LES CHANGEMENTS DONT IL VA ETRE QUESTION DANS LES PAGES OUI SUIVENT SUPPOSENT, POUR ETRE REALISES, LA MISE EN OEUVRE DE MOYENS MATERIELS IMPORTANTS. L'INITIATIVE, L'IMAGINATION, LA BONNE VOLONTE NE SUFFISENT PAS. SANS CREDITS ON NE SAURAIT ENVISAGER LA FORMATION INITIALE ET PERMANENTE DES MAITRES, LA REDEFINITION DES HORAIRES, DES SERVICES, LA REDUCTION DES EFFECTIFS DES CLASSES, CONDITIONS NECESSAIRES AU RENOUVELLEMENT DE L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS.
(1) Les écoles maternelles n'ont pu être représentées directement à Charbonnières, mais elles avaient participé aux travaux préparatoires.
II - OBJECTIFS DE L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS
initier les élèves à la culture d’hier et à celle d’aujourd’hui
-
Maîtrise de la langue orale et écrite:
Apprentissage et maniement de structures syntaxiques et lexicales en fonction des " niveaux de langue " impliqués par les situations d'emploi. Ceci pour tous les cycles : l'enseignement de la langue ne peut plus s'arrêter en fin de troisième et n'être dispensé ensuite que par le canal des exercices traditionnels de dissertation et d'explication.
Tout maître de français, de la Maternelle à l'Université, est donc un professeur de langue et devrait recevoir la formation appropriée.
-
Apprentissage de la lecture.
Le maître de français est un maître de lecture; il facilite l'accès aux différentes formes de l'expression, sans les limiter aux formes écrites et sans limiter les formes écrites à la littérature, et met ses élèves en mesure de les apprécier sans céder aux pressions de la mode et du milieu.
Actuellement, il est difficile de prétendre qu'il soit particulièrement qualifié pour aborder avec ses élèves les œuvres ou l'information diffusées par le cinéma, la télévision, le disque, etc. Tant qu'il n'aura pas reçu pour cela une formation orientée dans une perspective différente de celle des études littéraires, son domaine propre reste celui du texte oral et écrit.
Reste qu'il lui appartient d'initier les élèves à la fois à la culture d'hier et à celle d'aujourd'hui en recourant à :
• une lecture littéraire portant sur des œuvres importantes des littératures française. ancienne et étrangère,
• un apprentissage de la lecture critique de documents écrits, parlés, filmés (presse. publicité, etc.).
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Formation de l'homme et préparation à la vie. (Intelligence, sensibilité affective et esthétique, imagination, sens social).
A cet égard, l'enseignement du français ne peut désormais revendiquer le rôle exceptionnel que naguère on lui reconnaissait. Dans l'école, hors de l'école, d'autres disciplines de formation (mathématiques modernes, biologie, etc.), d'autres modes de communication contribuent à former ou à informer les enfants. Le maître de français n'est pas dépositaire d'une " culture " qualitativement supérieure à celle des autres disciplines.
Conscient de ces limites, le maître de français n'en reste pas moins un professeur de méthode. Pour préparer ses élèves à une meilleure compréhension du monde et d'eux-mêmes. il les aide à développer sens de la relativité, esprit de comparaison, sens critique, aptitude à l'analyse et à la synthèse. Il lui faut, simultanément et à tous les niveaux, stimuler l'imagination des élèves, éveiller leur sens esthétique, affiner leur sensibilité affective, entretenir en eux le désir de créer, leur donner l'occasion d'exprimer leur personnalité l'individu et d'être social.
N.B. - 1. L'importance prise par les " média ", les rapports entre la diffusion par l'image et le texte écrit, le type de " réception " par l'enfant de l'un et l'autre " message " font l'objet d'enquêtes et de travaux dont l'urgence est telle qu'il faut donner aux organismes compétents les moyens de les poursuivre et de les étendre.
- Seule une étude interdisciplinaire pourrait déterminer les exigences minimales pour la formation d'hommes capables d'affronter le monde actuel. Des recherches interdisciplinaires à tous les niveaux devraient étudier l'harmonisation des différentes formations reçues concurremment par l'élève, afin qu'elles ne soient plus parallèles mais complémentaires.
CONTENUS ET METHODES
donner un style nouveau à la classe
Il semble essentiel que, pour tout enseignement, soient définies et étudiées les conditions de la communication, à l'école et hors de l'école, tout autant que celles de la création. Ainsi pourra être dessinée une stratégie, à la fois une, rapportée aux objectifs définis plus haut, et diversifiée selon les types d'enseignement envisagés. S'il est hautement souhaitable en effet que soit proclamé le principe d'une- même école pour tous, il n'en reste pas moins inconcevable qu'on impose à tous un seul modèle.
Les progrès accomplis en psychologie. en sociologie, en linguistique permettent d'aborder plus scientifiquement un grand nombre de questions ; mais ils dévoilent aussi l'extrême complexité des problèmes. Il serait vain de croire que les recherches actuelles apportent dans l'immédiat des solutions complètes et définitives aux problèmes d'enseignement. Aucune d'entre elles ne doit être présentée comme un remède miracle. Mais ceci ne signifie pas pour autant qu'il faille ne rien changer et s'en tenir à des habitudes commodes : ainsi l'enseignement grammatical traditionnel est profondément mis en cause dans ses principes, ses contenus et ses méthodes. Il en va de même pour l'approche des textes. Sans qu'un corps de doctrine et une progression complète puissent être aujourd'hui scientifiquement recommandés ou imposés administrativement, l'application de théories plus satisfaisantes doit être systématiquement encouragée et donner lieu à des expérimentations contrôlées comme celle qui est tentée à l'école élémentaire. En conséquence, Il apparaît donc nécessaire que chaque classe, à l'intérieur d'un cadre commun de principes et d'objectifs, définisse elle-même ses démarches et ses buts immédiats. Une telle notion exige non seulement que le maître cherche à donner un style nouveau à la classe, mais qu'il y soit préparé, qu'il soit tenu au courant, année par année, du développement des innovations et des recherches, qu'il participe personnellement, seul ou, bien mieux, dans un groupe, à un immense effort de formation continue.
La création ou le développement d'organismes ayant pour mission d'informer, d'animer, de confronter et de coordonner, pourrait jouer un rôle essentiel dans la mise au point des principes et objectifs, la synthèse des innovations. Ainsi pourraient s'établir des liaisons vécues, entre les divers ordres d'enseignement d'une part, entre innovation et recherche scientifique d'autre part, de manière à préserver la nécessaire liberté du maître dans sa classe tout en tenant compte des exigences d'une efficacité plus grande.
I - APPRENTISSAGE DE LA LANGUE (2)
- Nécessité de descriptions et d'enquêtes linguistiques
Il faut savoir, autant qu'il est possible, d'où l'on part. Il ne s'agit pas de vérifier les " connaissances " de l'élève dans un domaine déterminé (capacité d'analyser telle ou telle forme, correction de la graphie, etc.), mais d'esquisser un tableau du pouvoir d'expression de la - ou des classes - par l'observation directe, l'investigation, l'enquête (bandes enregistrées, etc.) (3). De telles enquêtes devraient sensibiliser l'esprit de tout enseignant et chercheur, à divers problèmes.
Voici ceux qui apparaissent les plus notables :
• dans les systèmes d'expression spontanés des élèves, ne comptent pas que les mots et les phrases, mais aussi toutes sortes de signes, intonation, mimique, geste, attitude, etc. On devrait s'efforcer de repérer et d'articuler entre eux les éléments constituant chacune de ces diverses organisations,
• aux différents types de situation correspondent différents types d'expression, qui constituent des ensembles. Par exemple, l’expression orale répond à toutes sortes de cadres, d'interprétation très différente : les échanges de la cour de récréation, l'exposé fait devant les camarades sur une émission de télévision, la lecture à haute voix d'un texte écrit, etc.,
• ici se pose un problème de progression, dont la complexité (facteurs sociaux, caractériels, linguistiques, etc.) n'échappe à personne et qui requiert la mobilisation de tous. En attendant de dépasser le stade embryonnaire actuel, on pourrait réfléchir sur certaines données : pour quelques enfants, au parler aisé, l'étude de telle ou telle forme relève surtout de l'approfondissement des mécanismes, d'un entraînement: pour d'autres, les plus déshérités, il s'agirait plutôt d'un apprentissage de tours inconnus ; certaines techniques éprouvées par les enseignants du français langue étrangère pourraient alors être essayées.
Conclusion
L'étude des inventaires confrontée à celle des finalités doit donc dicter ou - plus modestement - suggérer une stratégie pédagogique.
(2) La division retenue (" Apprentissage de la langue ", " Textes et lectures ") ne représente, bien entendu, qu'une commodité de travail et ne correspond à aucune réalité dans la pratique de l’enseignement du français dans une classe, où le maître est à la fois, à tous les niveaux du premier et du second degré, maître de langue et maître de lecture.
(3) On pourrait envisager cette pratique à trois niveaux : particulier (la classe). général (plan national pour lequel l'Association souhaite l'extension de. activités de l'I.P.N., mais aussi au niveau de groupes d'enseignants dont la création ou le développement nous paraissent déterminants : ces groupes pourraient mettre un pratique l’interdisciplinarité, agréger les expériences de tous ordres, adapter les efforts aux nécessités de populations scolaires spécifiques : ils s'intégreraient tout naturellement à une structure régional de type I.R.E.F. (Institut de Recherche pour l'Enseignement du Français), lieu d’échanges de toutes les réflexions.
2. Entraînement à la communication et à l'expression orale et écrite
LA LINGUISTIQUE SUBSTITUE A LA NOTION DE FAUTE CELLE DE CONVENANCE. ELLE INVITE DONC LES PEDAGOGUES A REMPLACER DES TECHNIQUES AU FOND REPRESSIVES PAR DES EXERCICES D'ENTRAINEMENT LINGUISTIQUE.
Les élèves seraient amenés à prendre conscience que la pratique de leur langue maternelle peut faire l'objet d'un apprentissage progressif. Celui-ci devrait contribuer à compenser les handicaps verbaux hérités du milieu socio-économique, socio-culturel, permettre ainsi au plus grand nombre d'accéder aux études secondaires longues et d'y réussir, permettre ainsi à chaque enfant de s'épanouir pleinement.
Il convient de créer dans la classe une dynamique éducative de libération et de structuration.
a) A partir de l'exercice motivé de la communication orale, écrite.
b) Dans une démarche " ternaire " :
• de l'appréhension globale, intuitive des structures syntaxiques et lexicales,
• vers " l'analyse " : imprégnation par la langue adulte (imprégnation par les textes d'auteurs, exercices " structuraux ") - formalisations explicites dans des limites à étudier,
• vers la mise en œuvre synthétique des structures renforcées ou acquises, par transfert dans la communication, l'expression orale ou écrite spontanées.
L'entraînement à la communication, à l'expression orale, qui a ses fins propres, peut favoriser
• l'accès à la langue écrite,
• un maniement personnalisé de la langue écrite,
• un changement fondamental des relations maître-élève dans la classe.
De même, l'entraînement à la communication, à l'expression écrite qui a ses fins propres, peut avoriser la communication, l'expression orale (4).
Dans cette analyse d'ensemble, il est impossible d'énumérer les types d'exercices - au demeurant, les revues pédagogiques en proposent beaucoup d'excellents - impossible aussi d'entrer dans le détail et la diversité des applications. On tient cependant à rappeler que l'étude de la langue - ou mieux, des divers systèmes d'expression - doit être poursuivie tout au long des études et, en particulier, jusqu'à la fin du second cycle du second degré. On n'inscrira ici que quelques principes de base.
a) Des exercices systématiques sont nécessaires. Ils n'excluent nullement les techniques lites d'expression libre. Mais tout individu qui s'exprime, à quelque âge ou en quelque milieu que ce soit, le fait à l'intérieur de formes déterminées : on distinguera donc les canaux de transmission (oral/oral, écrit/écrit, oral/écrit, ; écrit/oral), mais aussi les formes de réalisation (au niveau de la phrase ou du discours : lettre, annonce, panneau-réclame, poème, émission télévisée, échange entre groupes d'enfants ou d'adolescents, contes populaires, etc.). Il n'y a aucune raison d'éliminer le texte " littéraire " ; c'est au naître - ou au groupe d'enseignants - à en juger. Ainsi la décomposition - et l'élaboration - de poèmes, rapprochés des formes de la réclame, des slogans, etc., seront très efficaces : de même, la contraction de textes - et de textes très variés - est généralement d'un rendement remarquable.
alors, rien n’est changé sous le soleil ?
si !
Deux remarques importantes
- Les formes non verbales intervenant dans les systèmes d'expression des élèves : gestes, mimiques, souvent pauvres, ou plutôt stéréotypés à l'état brut, pourraient devenir, dans les classes, . objet d'un entraînement permettant d'en approfondir et d'en nuancer la pratique. Le mime, le mimodrame, les exercices d'intonation, l'improvisation sont des techniques favorables à la fois a la communication et à l'expression personnelle.
- On retrouvera parfois des exercices familiers à l'enseignement traditionnel ; on n'en conclura pas que rien n'est changé sous le soleil et que les réformes proposées ne sont que vanité. Passant d'un système théorique à l'autre, tel exercice changera complètement de signification et son exploitation sera autrement infléchie. Ainsi ces exercices de substitution (exercices sur les synonymes, exercices " à trous ", par exemple), portant sur des éléments isolés et n'entraînant aucune modification du système de la chaîne parlée ou écrite répondent dans l'enseignement traditionnel à une certaine conception classique de la rhétorique ; dans la pédagogie moderne. ils correspondent à la formalisation de systèmes d'expression, dans lesquels chaque élément n'intervient qu'en fonction des autres. Dans un cas, ces exercices établissent des séparations, dans l'autre des rapprochements.
b) La conduite d'exercices systématiques suppose évidemment un intense effort de systématisation et donc de normalisation : les enseignements de la linguistique moderne, eux-mêmes insérés dans la conception contemporaine de . effort scientifique. sont arrivés à un point de développement qui en autorise l'exploitation pédagogique ; il sera utile de montrer que l'expression de la langue répond à un système aussi rigoureux que celui de la logique ou des mathématiques. Il serait fâcheux que les sciences seules apparaissent aux yeux des enfants comme exactes. Oppression ? Au contraire, on ne maîtrise bien que ce qu'on connaît, on n'exerce son esprit critique que dans ce qu'on peut décomposer. Ajoutons que les récents développements de la linguistique établissent d'une façon prometteuse une collaboration féconde des grammairiens et des mathématiciens ; les diverses expériences tentées ces dernières années avec des enfants du premier degré annoncent des développements spectaculaires (établissement de graphies, procédures de formalisation, etc.)
Mais cette formalisation se manifestera de façon très différente : implicitement d'abord. pour ceux dont l'expression spontanée est la plus rudimentaire (et c'est demander au maître un effort supplémentaire de lucidité), puis explicitement, pour que la perception des règles en rende plus aisé le maniement ou pour que l'adolescent réfléchisse aux règles qui organisent un système de signes. Les recherches en cours ne permettent pas encore de déterminer avec précision les étapes d'une progression dans ce domaine.
un système aussi rigoureux que celui de la logique ou des mathématiques
Conclusions
Un appareil aussi rigoureux ne se justifie que dans la mesure où il peut donner aux enfants, aux adolescents, les moyens d'une plus grande maîtrise de l'instrument linguistique et par conséquent d'une plus grande liberté de parole, c'est-à-dire d'une utilisation créatrice de la langue.
Reste qu'on risque toujours de tomber dans une scolastique, dans un néo-formalisme. dont le maître devra sans relâche se défier.
(4) Ces questions sont encore largement ouvertes et débattues. Nous reprenons ici les hypothèses de travail qui fondent l'expérimentation en cours à l'école élémentaire ("Projet Rouchette").
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II - TEXTES ET LECTURES
Il convient d'accorder une grande importance aux formes d'expression non écrite (théâtre, cinéma. télévision) : mais on se limite ici volontairement à l'emploi de textes écrits, passés ou présents.
REMARQUES PRELIMINAIRES
1° Sans prétendre définir ce que pourrait être aujourd'hui la culture, nous posons en principe le refus d'une culture-somme, ou organisée selon des normes chronologiques et nationales. Nous considérons la culture comme une capacité, non seulement de goûter les œuvres littéraires, mais de comprendre, à travers ces œuvres, et le monde, et soi-même. Non pas repli sur un " trésor culturel ", mais préparation à affronter la complexité de la réalité moderne.
Dans cette perspective, l'étude des textes apparaît comme un moyen privilégié pour l'acquisition et la confirmation progressive des attitudes et aptitudes intellectuelles et esthétiques définies plus haut.
Le texte écrit assume en effet plusieurs fonctions : fonctions d'évasion et de rêve, d'éveil de la sensibilité, de représentation du monde et de soi-même, de document historique, d'objet esthétique, de document linguistique. lesquelles justifient différents types d'approche, selon l'âge et les capacités des élèves.
2° Pour être efficace, toute réflexion sur le choix des textes et des méthodes nous semble devoir être articulée non sur un programme chronologique (présupposant la culture-somme que nous refusons comme irréaliste) mais sur une progression des objectifs, qui devrait être établie en fonction des intérêts et des aptitudes des enfants de chaque âge, afin que celles-ci ne soient plus ni sous-employées (imagination, créativité), ni forcées (d'où désintérêt et blocages).
Nous proposons donc des suggestions pour l'établissement d'une telle progression, à partir de notre expérience pratique, en souhaitant que les études psycho-génétiques (auxquelles seraient associés des enseignants) établissent dans un proche avenir des bases scientifiques propres à assurer à une telle progression le maximum d'efficacité.
1° Grandes lignes d'une progression des objectifs
Les objectifs correspondant aux possibilités des enfants peuvent, nous semble-t-il, s'organiser selon le schéma qui suit. La division entre le niveau élémentaire et les premières années du second degré correspond plus, en l'état actuel des choses, à une réalité institutionnelle qu'à un changement important dans la définition des objectifs.
Niveau élémentaire
Au premier plan, l'apprentissage de la technique de la lecture, systématiquement poursuivi. La lecture doit toujours avoir, et dès le début, une signification double : information personnelle (lecture silencieuse), communication (lecture à haute voix).
En ce qui concerne le développement de la sensibilité esthétique, le choix des textes doit répondre surtout aux pouvoirs d'imagination, d'appréhension immédiate du monde qu'il faut respecter et développer chez les enfants : il doit aussi permettre un exercice fécond de la mémoire, reposant d'abord sur la qualité formelle des textes.
Premières années du Second degré
Poursuite des entraînements commencés :
- respecter les besoins d'évasion et d'action,
- nourrir le besoin d'exprimer, de créer,
- développer l'aptitude à percevoir, à sentir, à exprimer l'objet esthétique,
- initier l'enfant, implicitement et par la pratique, à un certain sens du relatif, à un esprit de comparaison.
Second cycle
Le choix des textes peut désormais répondre aux nouvelles formes d'une sensibilité qui répugne souvent à s'extérioriser, permettre l'utilisation plus précise des aptitudes critiques et l'initiation à diverses méthodes d'approche du texte littéraire (abordé maintenant dans son contexte historique, culturel, etc.). concourir à développer simultanément sens critique, sens esthétique, sens du relatif.
C'est le progrès dans l'acquisition des méthodes qui déterminera, à ce niveau. le choix des œuvres, et non le déroulement d'un programme chronologique suivi.
On réservera pour le premier cycle de l'Enseignement Supérieur, l'étude systématique de l'histoire littéraire, indispensable pour des étudiants désormais spécialisés, et pour eux seuls.
L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE FRANÇAIS N'EST PAS DESTINE A FORMER DE FUTURS PROFESSEURS DE LETTRES OU DE FUTURS CRITIOUES LITTERAIRES.
REMARQUES
1° Il importe au plus haut point d'assurer la continuité entre les différents niveaux. Cela implique des rencontres systématiques entre les maîtres du Premier et du Second degré, puis du Premier et du Second cycle du Secondaire, comme entre ceux-ci et les maîtres du Premier cycle du Supérieur.
2° Les vues générales ci-dessus ne doivent pas dissimuler le fait que chaque classe a son caractère propre, résultant d'un complexe de conditions matérielles, géographiques, sociales, culturelles, psychologiques où la personnalité du professeur et ses méthodes jouent également un rôle considérable.
C'est une des contradictions de notre métier qu'une réflexion théorique générale y soit indispensable. alors que les conditions " hic et nunc " sont pratiquement déterminantes.
2° Applications aux différents cycles
A. - PREMIER DEGRE
A l'école élémentaire, Il est bon que les enfants lisent, jouent, disent, illustrent, miment, chantent. créent des textes poétiques.
Si le sens du rythme, le goût du mot, le plaisir des sons n'ont pas été éduqués dès cette époque, ils risquent de n'être jamais éveillés, non plus que le sens et les capacités de création plastique. L'esprit globaliste qui inspire les maternelles devrait pénétrer et animer l'école élémentaire, et le premier cycle du Second degré.
La représentation du monde, prise entre l'image inactuelle et faussement séduisante des " livres de lecture ", et la vision traumatisante, dans les œuvres contemporaines, d'une réalité brutale, peut être proposée aux enfants par la médiation du conte et du récit mythique comme par des collections documentaires à leur portée. Dans cette perspective, chaque classe devrait avoir sa bibliothèque où les enfants auraient la liberté de puiser parmi des ouvrages très divers.
Il va de soi que l'accès aux textes n'a de sens que si l'apprentissage matériel de la lecture est suffisamment assuré. Actuellement, un nombre important d'élèves du second degré et d'adultes n'ont pas le goût des livres pour la seule raison qu'ils ne savent pas lire couramment.
On ne saurait trop insister sur la nécessité de créer chez l'enfant le désir de lire, d'autant moins spontané aujourd'hui que d'autres moyens de communication à l'accès plus facile captent son intérêt et satisfont ses besoins. Il faut imaginer des exercices qui rendent évidente la nécessité de la lecture. Il convient en particulier de motiver avec soin tout exercice de lecture à voix haute : résumé d'un livre, d'un document, appuyé d'extraits significatifs, rapport d'enquête sur documents, présentation d'un poème, etc.
créer chez l’enfant le désir de lire
Le désir de lire devient alors aussi désir de bien lire. Pour la correction de la lecture à haute voix, l'usage du laboratoire de langue, au minimum du magnétophone, est d'un grand secours. Ce matériel trouve aussi son emploi pour aider à la mémorisation du texte qui répond à la fois à un goût et à une aptitude des enfants de cet âge.
L'exercice écrit à caractère artificiellement littéraire est à proscrire. Les exercices d'entraînement à la pratique de la langue prennent ici une très grande place. Les activités de la classe (journaux de classe, correspondance, compte rendu d'observation, jeux romanesques, poétiques ou dramatiques, etc.), les créations individuelles entraîneront les élèves à la rédaction plus motivée de textes plus naturels.
B. - SECOND DEGRE (PREMIER CYCLE)
Une répartition
- 6e, 5e, 4e, (imprégnation et spontanéité).
Une répartition
- 3e, 2e, (approches plus méthodiques).
Une répartition
- 1re, T (enseignement différencié suivant les sections)
serait plus conforme à l'évolution des enfants actuels que la division traditionnelle, accusée récemment par la séparation des C.E.S. et des lycées. Mais il est raisonnable de réfléchir aussi dans le cadre des institutions existantes, d'où la division maintenue dans l'analyse qui suit.
a) Dans le cycle d'observation (6e et 5e).
Continuité indispensable avec le premier degré. Les textes littéraires gardent en priorité leur fonction d'évasion et de rêve : le plaisir à la poésie, aux beaux textes. plutôt lus, dits, joués, montés sous diverses formes, qu'expliqués systématiquement, demeure au premier plan ; liaison avec les professeurs de disciplines artistiques, très favorables à la créativité. La mémorisation, motivée par des exercices actifs, est facile. Magnétophone et laboratoire de langue aident à la recherche de la qualité. La lecture à haute voix donne l'occasion d'introduire, de façon vivante, des textes du passé qu'une explication systématique rendrait ennuyeux (théâtre comique), les éclaircissements nécessaires prenant place lorsqu'on en a besoin.
priorité à l’évasion et au rêve
Certaines œuvres (ou de larges extraits suivis) peuvent introduire à une représentation relativement historique du monde. Ainsi le récit épique qui satisfait le goût du concret et le goût du mythe. Par la lecture de plusieurs récits, d'époques différentes ou bien interprétant différemment un même thème, l'habitude de comparer s'ébauche, sans qu'on en fasse mention explicite, comme on pourra le faire en quatrième et troisième.
Le travail oral gardant la première place, des comptes rendus écrits de lecture forment à l'exactitude et à la brièveté ; d'autres exercices prolongent les activités de l'école élémentaire.
b) Dans le cycle d'orientation (4e et 3e).
Cet âge semble favorable à un début de réflexion plus systématique. On fait prendre conscience aux enfants qu'à travers les textes, on peut :
1. appréhender le réel quotidien : étude de documents contemporains, étude de journaux, satisfaisant le goût du concret, encore vif, et de l'actuel.
2. comprendre le passé : documentation historique - textes - recherches en bibliothèque - synthèse de références.
3. se comprendre soi-même : lecture et étude de textes où les élèves retrouveront l'écho de leurs préoccupations, de leursensibilité.
4. goûter le plaisir esthétique : lecture et explication de beaux textes, présents et passés, en prose et en vers.
• Il est très important de préciser explicitement dans ces classes la notion du relatif, en systématisant, par exemple, la comparaison, ébauchée au niveau précédent, d'œuvres sur un même thème. ou d'œuvres de même genre à des époques différentes.
• On établira fortement la distinction :
• compréhension du texte,
• jugement sur le texte,
étape fondamentale dans la formation du sens critique.
la notion du relatif
Ainsi donc, si, à ce niveau, il ne saurait y avoir de programme imposé, on peut prévoir que se précise l'initiation à la diversité des formes de l'expression écrite : genres non littéraires : article le journal, reportage, rapport, etc., genres aux structures relativement simples, pratiqués déjà dans les classes précédentes : contes, épopées, théâtre comique, formes peu élaborées du roman policier ?).
En ce qui concerne la présentation des textes, si, en sixième et cinquième, le recueil de morceaux choisis semble acceptable (textes courts, faciles, œuvres présentées par de bons extraits reliés par un résumé) et garde peut-être à ce niveau son intérêt (éveil de la curiosité, incitation à la lecture, surtout pour des enfants de familles où l'on ne lit pas) il convient d'encourager le désir qu'ont les élèves de lire des œuvres dans leur ensemble. Seul d'ailleurs le texte intégral permet la pratique d'exercices tels que l'établissement le fiches de lecture et les premières recherches de structures simples.
l’explication détaillée d’un passage n’est jamais une fin en soi
L'explication détaillée de certains passages vient étayer une étude plus générale de l'œuvre ; elle n'est jamais fin en soi, mais liée au contexte l'un problème, d'une époque, d'un auteur. Ainsi se renforcent, par la pratique, le sens de la relation d'une œuvre littéraire avec ses différents environnements et la perception du caractère organique d'une grande œuvre, prélude à toute approche esthétique sérieuse.
Exercices écrits en liaison avec les lectures
• formes techniques précises : comptes rendus ; fiches de lectures, rapports, contractions, résumés.
En quatrième, on peut faire prendre conscience les lois spécifiques de chacun de ces " genres ". De même pour les travaux de création collectifs (romans, scénarios, jeux dramatiques) ou individuels (essais, poèmes, lettres ...).
Le délicat problème de la " correction " et de la périodicité des travaux écrits devra faire l'objet l'études ultérieures approfondies, en particulier pour cet âge où les blocages sont les plus graves, et la relation maître-élève la plus difficile.
C. - SECOND DEGRE (DEUXIEME CYCLE).
Nous tenons à rappeler que c'est en l'état actuel des choses une erreur que de consacrer tout l'horaire de français à l'étude des œuvres littéraires. S'il est vrai que cette étude peut, par une certaine imprégnation, favoriser l'épanouissement linguistique - à condition que les élèves soient en état de profiter de cette leçon implicite, et ce n'est pas le cas du plus grand nombre, il ne faut pas pour autant renoncer aux exercices systématiques d'entraînement à la pratique de la langue. La majorité des élèves va, après la terminale, soit quitter le monde scolaire, soit entamer des études spécialisées dans lesquelles la langue n'aura plus aucune place, mais où l'on exigera d'eux la maîtrise de l'expression écrite ou orale. Il importe donc d'étudier aussi la progression à ce niveau et d'élaborer des exercices appropriés.
L'essentiel dans le second cycle réside dans les ASPECTS NOUVEAUX DE L'ETUDE DES TEXTES.
Les œuvres plus riches. plus significatives. plus complexes qu'on peut désormais aborder progressivement répondent à la fois à toutes les fonctions énumérées plus haut. Mais le rêve, l'évasion, l'émotion esthétique semblent vécus plutôt hors de la classe ; par contre, la représentation du monde passe au premier plan des intérêts manifestés.
Nous insisterons seulement sur les acquisitions d'ordre méthodologique qui nous paraissent faire l'originalité de cette étape, tant comme base de futures études de Lettres que comme une préparation à l'entrée dans la vie active.
Il s'agit maintenant pour l'élève d'apprendre à lire pleinement, c'est-à-dire à prendre possession d'une œuvre dans ses différents aspects, en allant aussi loin que ses aptitudes et le soutien de méthodes précises le lui permettent.
différents points de vue associés et dosés dans un mouvement dynamique
Les grandes œuvres sont désormais considérées :
- Dans leurs différents contextes
• au plan synchronique
- relativement à l'auteur
- au milieu
- à l'époque, historique et littéraire, artistique ;
• au plan diachronique
- comme situées dans l'évolution d'un genre, d'un thème, d'un mouvement d'idées (littéraires, politiques, artistiques, etc.), et comme liées à d'autres œuvres, précédentes ou postérieures.
Ici, une véritable méthode d'analyse historique peut se constituer sur les bases précédemment ébauchées : sens du relatif, attitude critique, esprit de rapprochement et de synthèse, compréhension du présent à la lumière du passé, et inversement. Mais ce serait fausser la nature même de l'œuvre que de ne pas l'étudier simultanément.
- En soi, comme objet esthétique, dans ses différentes architectures :
- structures thématiques
- structures fonctionnelles
- structures stylistiques (jeu des figures, nature du vocabulaire, symbolique, etc.).
Tous ces différents points de vue, dont chacun implique une méthode d'approche, loin de s'exclure, puisque les réalités qu'ils envisagent sont solidaires, doivent être associés et dosés dans un mouvement dynamique que seule l'œuvre elle-même peut imposer, selon sa nature. Dans tous les cas, l'organisation du travail part du texte, et par une série d'études concentriques, essaie d'en approfondir les multiples valeurs, toujours liées à des phénomènes objectifs. L'explication de texte s'insère naturellement dans cette démarche, comme une focalisation, jamais comme une fin, et associée à des études d'ensemble (individuelles ou collectives).
L’analyse littéraire n’est pas un bavardage impressionniste
La forte mobilisation des intérêts entraîne beaucoup de lectures périphériques :
• documents d'ordre historiques (contexte, auteur),
• autres œuvres en rapport avec la première, mouvements littéraires et historiques,
• ouvrages critiques,
toutes dûment motivées par les exigences de l'étude centrale.
Ces approches répondent à l'esprit de recherche des élèves de cet âge : ils sont capables de se passionner pour les techniques de fabrication d'une œuvre, et découvrent, par ce biais, le caractère rigoureux d'une analyse littéraire qu'ils croyaient condamnée à un bavardage impressionniste.
Elles supposent
• une bonne bibliothèque, accessible aux élèves,
• le temps pour le professeur d'y travailler avec eux, les initiant à des techniques nouvelles - fiche de documentation - prise de notes - toujours motivées par la recherche en cours.
Elles excluent, par la nature du travail en profondeur, toute perspective encyclopédique.
Il appartient aux professeurs et aux élèves de faire un choix suffisamment judicieux pour que différents genres, différentes époques, différents mouvements d'idées ou tendances littéraires soient rencontrés ou étudiés à partir d'œuvres classiques ou contemporaines, françaises ou étrangères. A titre de suggestion, on pourrait envisager un type d'organisation qui pour l'ensemble d'un établissement prévoirait pour chaque année :
• l'étude d'un genre, sous une forme adaptée à chaque classe,
• l'étude d'une période littéraire dans son environnement historique, artistique, etc.,
• l'étude approfondie d'une très grande œuvre (analyse critique, sources, affinités avec d'autres œuvres, etc.),
• l'étude d'un thème à travers plusieurs œuvres de la même époque ou de périodes et de pays différents.
Dans les sections destinées à former les futurs étudiants de Lettres, une initiation progressive aux méthodes de la critique classique et contemporaine devrait accompagner l'étude des œuvres.
N.B. - Dans toutes les sections, l'analyse critique de films importants nous paraît devoir figurer, en relation avec les lectures en cours, au programme des classes de français.
En résumé, Il y a lieu d'opérer un renversement de perspective : au lieu d'organiser la classe de français comme une revue de l'histoire littéraire nationale par la lecture d'œuvres chronologiquement abordées et de morceaux choisis, il nous semble que la fonction principale du professeur de français dans ces classes est de donner une capacité d'accès méthodologique aux grandes œuvres littéraires. L'étude approfondie de quelques grands textes permet de larges aperçus sur des mouvements d'idées, des périodes historiques et littéraires, en même temps que la prise de conscience du caractère spécifique de l'écriture et de la production littéraire.
une capacité d’accès méthodologique aux grandes œuvres littéraires
Certes, tous les élèves n'arrivent pas au second cycle en état d'aborder Racine ou Balzac, par quelque méthode que ce soit. Le maître, dans bien des classes, doit encore consacrer beaucoup de temps au seul entraînement à la langue. Il convient. en ce cas, de faire, dans un premier temps, un appel particulièrement large à la littérature contemporaine, même dans des formes peu élaborées, ou qualitativement inférieures (romans sentimentaux ou " série noire ", magazines) sur lesquelles les élèves peuvent aisément S'exercer à trouver structures et " lois du genre ". à démonter les procédés de fabrication, à démythifier les succès dus à la mode ou à la publicité. Si la formation du sens esthétique se fait alors surtout a contrario, l'entraînement méthodologique est parfaitement valable et l'ouverture critique sur le monde moderne assurée. D'autre part, l'accès relativement facile aux grands textes contemporains (langue connue, idées " dans l'air ") permet d'attacher des élèves très sollicités par ailleurs (cf. horaires Terminales C, D, E et classes de techniciens supérieurs), et des références aux œuvres du passé, soulignées au cours des recherches, peuvent les amener à des lectures qui ne seraient pas acceptées (ou mal faites) si on les proposait directement.
Si, dans ces dernières remarques, on a surtout insisté sur l'importance de la littérature actuelle pour des élèves moins disposés ou moins bien préparés au travail sur des textes classiques, il va de soi que, dans toutes les classes, les textes contemporains peuvent autant ou mieux que d'autres faire l'objet des études approfondies dont la méthode a été définie plus haut.
Conséquences pratiques
1. - pas de manuels de morceaux choisis trop dirigistes (questions, textes de présentation) et déversant une information prédigérée,
- des œuvres nues, du type " poche "
- peut-être des dossiers à constituer, auxquels l'élève se reporterait (grands mouvements des idées, des arts, des techniques),
- d'excellentes bibliothèques partout, où se ferait, avec l'aide du professeur, une grande partie du travail.
2. - une collaboration étroite des disciplines (arts, philosophie, histoire, langues) selon la nature de l'œuvre étudi&eacu
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