En français, place à l'innovation !


Retour de Dax, 3ème Forum des enseignants innovants.

 

Les enseignants de français aussi sont innovants ; ils innovent même beaucoup, avec ou sans nouvelles technologies, si nous pouvons en juger par le foisonnement de projets qui a été présenté au 3ème Forum des enseignants innovants à Dax les 4 et 5 juin. Dans une ambiance chaleureuse propice aux échanges croisés, nous avons pu être temporairement rassurés sur les capacités de résistance des collègues aux attaques régressives qui se multiplient. Certains ont été primés, d’autres non, mais comme se plait à le répéter François Jarraud à chaque ouverture et fermeture du Forum des enseignants innovants, le plus important dans cette manifestation n’est pas de monter sur le podium à la fin, mais d’être là, de pouvoir sortir de la solitude dans laquelle sont confinés un certain nombre d’innovateurs dans leur établissement, de pouvoir écouter, questionner, observer, glaner des idées. Et de rentrer avec le sourire dans les yeux, la tête dans les nuages et de nouveaux projets dans les poches, ou presque.

 

Pourquoi sont-ils là ? Pourquoi ont-ils si vite répondu présents, même s’ils ont dû s’inscrire et se rendre disponibles en un temps record ? Le souci des élèves revient constamment dans leurs propos : comment ne laisser personne sur la route ? Comment faire avancer même ceux pour qui lire et écrire est une nécessité qu’ils préfèrent regarder de loin, comme une obligation scolaire ?


Et quelle satisfaction pourtant quand, à Angers, ces élèves de CAP issues de SEGPA, en participant au prix Chronos qui les met en relation avec des personnes âgées, sont fières d’avoir lu pour la première fois un roman, et de l’avoir aimé !

Autre prix littéraire, celui créé par six classes de CAP de la région lyonnaise ; quatre ouvrages sont retenus, deux romans, deux bandes dessinées. Après avoir le plus souvent les deux romans (les bandes dessinées leur ayant été paradoxalement plus difficiles d’accès) les élèves des six classes se retrouvent autour des auteurs ; presque tous, là encore, ont lu au moins un livre.

« Transmettre le souvenir », enjeu de taille pour ces classes de 3ème du collège Matisse d'Ostricourt, dans le Nord.  Autour d’un projet interdisciplinaire dont l’idée est née d’une représentation théâtrale « Transmission », les élèves ont su s’ouvrir au passé, créer du lien avec leur famille, leur histoire ; ils prennent l’habitude de travailler ensemble, tout en reliant le personnel à l’historique ; à partir de leur généalogie c’est bien le fil de l’Histoire qu’ils déroulent. Livrets autobiographiques, vidéos, productions diverses créent du lien entre ces élèves de 3ème et les personnes âgées de la maison de retraite voisine dans une perspective transgénérationnelle qui traverse toutes les disciplines.



A Beausoleil, près de Menton, ce sont toutes les classes de primaire de la ville qui, dans le cadre d’un rallye lecture, lisent au moins huit livres avant de remplir les livrets numérisés mis à leur disposition sur le site académique.   


Autre défi lecture, à partir d’une correspondance entre une classe de 6ème de Limoges et un CM2 de Pont du Château ; mais là, les objectifs différent un peu, s’ils visent bien sûr des progrès en lecture, l’écriture va être aussi moyen d’entrer en relation, échanger, connaitre l’autre, ce dont témoigne le blog qui rend compte de leurs activités. Si la conteuse qui accompagne le projet aide à établir le calme et la concentration, la démarche d’écriture de contes permet réflexivité et amélioration de l’écrit, notamment par un apprentissage en situation de la phrase complexe et de la ponctuation.

Des contes toujours, dans une 6ème SEGPA à Vallauris les élèves travaillent avec  un conteur qui les initie aux bienfaits de la concentration, de la mémoire et de l’écoute, et, en les extrayant de leur quotidien, les fait accéder à la dimension interculturelle du conte. En passant par des jeux, il les amène à percevoir la cohérence sémantique et structurelle du conte. Un dessinateur de bande dessinée prend le relais ; après avoir écrit un scénario, chaque élève dessine et écrit sa page de l’album « Contes en bande » dont ils sont si fiers de présenter la version finale reliée et de très bonne qualité. Après la bande dessinée, ils passeront à l’écriture d’un conte, nouveau va-et-vient entre l’oral et l’écrit.



Projet audacieux qui donne toute sa place à la poésie : « Printemps bleu ». Saisissant l’opportunité du concours de poésie organisé par l’Académie de Strasbourg sur le thème du bleu, une classe de 1ère S crée son blog. Après le travail en classe sur des genres poétiques, les élèves peuvent poster un poème, écrit sur leur temps libre. Peu à peu, ils sont de plus en plus nombreux ; beaucoup aussi en présentent un enregistrement sonore grâce à Audacity ; les cinq élèves qui se sont proposés comme webmestres, les plus effacés ou en difficulté en début d’année, ont revu à la hausse leur orientation, en fin d’année. Leur blog, de plus en plus consulté, relayé par la médiathèque de Guebwiller, a été validé comme projet académique dans le cadre des travaux académiques mutualisés.



Est-ce spécifiquement du français quand, à Colmar, cet enseignant de maternelle en RASED crée « Le petit dictionnaire des pareils » ? Remarquable travail sur l’apprentissage de l’abstraction, il allie bouts de ficelle et tableau numérique, sac à objets et Didapages. D’après son évaluation l’acquisition d’expertise de pensée et de langage est supérieure à celle du travail traditionnel sur albums, autant par la rigueur de la démarche que par l’attitude de questionnement qu’elle met en place.

Et enfin, par une synthèse remarquable des activités et des outils, Alexis Lucas, au lycée professionnel Jean Moulin de Roubaix entraine ses élèves dans une découverte de l’Algérie, entre celle de Yasmina KHADRA dont la

lecture est conduite en classe, et celle d’un « Voyage en Orient »  du XIXème siècle, écriture longue menée en accompagnement personnalisé. A partir d’un montage sur Didapages présentant une iconographie variée (gravures, photos, cartes), les élèves sont invités à écrire progressivement leur propre voyage en suivant un itinéraire qu’ils décident et dessinent. S'appuyant sur la possibilité de mettre des commentaires au sein du site webmoulin, et sur la diffusion en ligne du livre didapages, l'écriture a pu être mutualisée entre les élèves qui de séance en séance ont pu, individuellement, rédiger et construire, à la fin, un livre personnalisé. Ce travail a été mené dans le cadre de l'accompagnement des nouveaux programmes de baccalauréat professionnel, en collaboration avec Mme Calonne, IEN. Beaucoup de stéréotypes sur l’Algérie passée et actuelle sont interrogés grâce à ce travail exigeant de lecture et d’écriture et nombre d’élèves sont amenés ainsi à revisiter une  Histoire, qui pour certains, bien que personnelle, reste très mal connue.

Ce petit aperçu n’est qu’un léger reflet des projets présentés à Dax. Il aurait fallu, bien sûr, parler de beaucoup d’autres, qui pour être moins originaux ou moins liés au « français »,  n’en ont pas moins le mérite de produire des effets très positifs chez les élèves.


Que faut-il pour innover ? De l’imagination, de l’enthousiasme, des outils, de la persévérance, de l’énergie. Aucun des enseignants innovants présents à Dax n’en manque, même si certains sont bien plus seuls que d’autres ! 

 

                                               Viviane Youx, AFEF

 


 

  
  

 

 

 

 

 

 

Soumis par   le 08 Juin 2010