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“Vous avez dit pédagogie ? “ L’école dans les médias et les réseaux sociaux
CRAP 30/10/2012 à l’occasion de la sortie du N° 500
Philippe Watrelot introduit en mettant l’accent sur ce qui se joue dans le système éducatif : « Ce qui nous fait agir c'est la transformation de l'école. » C’est la raison de la création du collectif d’association. CAPE (collectif des associations partenaires de l’école), et de la présence du CRAP dans la Concertation pour la Refondation. Reprenant une expression du ministre, il rappelle que le CRAP s’est toujours employé à "Fatiguer le doute" en s’appuyant sur la force de l'expérience et en privilégiant les apprentissages des élèves surtout les plus fragiles.
Le Ministre Vincent PEILLON dit ne pas vouloir faire un discours convenu mais noter des préoccupations communes. La Pédagogie, à la grande et belle histoire, est un des chalenges de l’action du gouvernement qui a pour but de favoriser l'expérimentation dans notre pays, et veut aller contre la tendance des superstructures à étouffer les initiatives sur le terrain. Quand les équipes sont motivées, l’école est plus efficace. Mais l’école est aussi plus juste. La priorité : sortir de l'opposition entre pédagogie et république, qui constitue un débat faux intellectuellement, historiquement et pédagogiquement. C’est une illusion rétrospective qui a voulu nous présenter une république austère réduite aux fondamentaux lire-écrire-compter. Il s’agit en fait d’instituer la république en donnant aux élèves les moyens d'instruction et dans chacun des sujets sera choisie une entrée pédagogique car l’intérêt de l'élève doit commander. La réforme prioritaire est la mise en place des ESPÉ, dans lesquelles seront reliés les métiers du professorat et de l'éducation, la Recherche et les échanges de pratiques. Le Socle commun doit contribuer à l'élévation. La Loi en préparation comportera des réformes très profondes : niveaux, cycles, ESPÉ, évaluation du système. Certes, la réforme du temps scolaire rencontre de fortes résistances, mais elle est guidée par une conviction profonde. On ne peut séparer pédagogie et république, c'est à l'école de changer la société.
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1ère table ronde : Les médias, l'opinion, la pédagogie, l'école...: malentendus et ouvertures.
Marie-Caroline MISSIR, Yann FORESTIER, Gaëtane CHAPELLE, François JACQUET-FRANCILLON
Les questions de l'éducation sont-elles présentes et bien traitées dans les médias ?
Selon Marie-Caroline MISSIR (présidente AJÉ, Association des Journalistes de l’Éducation, L’express.fr), les médias ne s'intéressent pas à l'éducation si ce n’est par les marronniers, les histoires de cartables, ou les préoccupations de petite enfance... Mais cette question s'est politisée avec les années Darcos, où les journalistes étaient convoqués pour une communication préétablie. L’AJÉ s’est créée à cette période pour signifier que le journalisme de l'éducation est un métier spécialisé, ce n’est ni une affaire de mamans ni de spécialistes de petite enfance.
Yann FORESTIER (enseignant et en préparation d’une thèse sur le traitement de l'éducation dans la presse depuis 1959) constate qu’il y a 700 journalistes accrédités au MEN. Mais que l’éducation est accompagnée dans la presse d’ « Effets de réverbère » : les sujets existent parce que la presse en parle, ou par la manière dont la presse traite un thème, plus que comme de véritables problèmes, par exemple la violence : il n’y a pas forcément plus de violence, mais plus de traitement dans la presse. L’agenda institutionnel de ces dernières années pose le problème des sources : les journalistes convoqués ont tous les mêmes sources officielles. Dans la presse, la place de l'école reste modeste au fil des différentes décennies qu’il a étudiées, mais c’est un sujet sensible, et le rapport viscéral des journalistes à la question éducative ressort dans la presse d’opinion, importante en France. Pour cette raison, l’école est particulièrement présente dans les éditoriaux et tribunes.
Gaëtane CHAPELLE (chercheure et directrice de collection, conseillère de la Ministre de l’Éducation en Belgique francophone) surprend la salle en disant que les médias parlent en fait beaucoup d'éducation, mais sans le savoir, avec des émissions du type Starac, Masterchef : on trouve de plus de plus en plus d'émissions avec des novices en train d'apprendre, on y voit comment les savoirs en pédagogie sont vulgarisés. On y parle beaucoup de pédagogie et de savoir : apprendre est devenu très individuel, avec un report permanent de l'échec sur l'individu (élève et parents). Remettre l'échec scolaire au centre du système c’est remettre la pédagogie au centre. L’opinion est très individualiste à l’école, à l'image de la société. Dans les médias, le traitement de PISA a mis l'accent sur les résultats individuels, l'efficacité économique...
François JACQUET-FRANCILLON (Historien de l’éducation, Revue Française de Pédagogie) précise que la RFP est une revue de spécialistes, il convient d’examiner comment le débat y est porté : la revue ne parle pas de pédagogie mais de connaissance. Sa temporalité n'est pas celle de l'information, elle n’a pas de relation directe avec l'actualité. Il est nécessaire de faire cette distinction entre information et connaissance sur les sujets de pédagogie : il constate que l’on dénombre de très bons journalistes d'information, avec une bonne maitrise des questions. Mais, pour approfondir les sujets, «pour se tenir sur la crête de la connaissance», d'autres moyens sont nécessaires.
Comment diffuser la recherche en éducation : l’objectif est de diffuser pour les professionnels. Les scientifiques découpent le réel, les professionnels sont orientés vers l'action, ils n'ont pas besoin de tranches de réel. Une revue de pédagogie peut faire appel à des chercheurs, non pas pour vulgariser, mais pour mettre en rapport les savoirs parcellaires ; une revue retourne la grille de lecture de la science qui découpe le réel, l'explique, alors que l'artisan a le réel en face de lui, cela demande de prendre la réalité autrement.
En réponse à des questions, ils ont dit :
M.C. MISSIR : L’Éducation est aussi une question idéologique, des clivages idéologiques forts traversent l'actualité. Les chercheurs que le journaliste veut interroger butent contre les écueils de la temporalité et de la vulgarisation, les journalistes veulent une réponse rapide et succincte. La pédagogie intéresse peu. Les chercheurs sont dissociés des prises de décision politiques depuis quelques années. Les questions qui se jouent entre compétences et savoirs ne sont pas tranchées dans la refondation, qui doit ou peut les trancher ?
Y. FORESTIER : Dans le traitement des interviewés dans les journaux : le négatif l'emporte au sujet de MEIRIEU (3ème dans la liste des personnalités faisant l’objet d’un jugement négatif après ALLEGRE ET SAVARY).
F. JACQUET-FRANCILLON : On retrouve le débat ancien des classiques contre les modernes, de l'instit contre les intellectuels. Il ne disparaitra pas facilement si on ne prend pas en compte les difficultés.
G. CHAPELLE. En Belgique, il n’y a pas de république, et la liberté pédagogique est inscrite dans la constitution, le débat est donc différent, mais celui sur connaissances/compétences est le même. Une piste à interroger : celle des pratiques professionnelles.
C. Lelièvre : Le débat est ancien entre les instituteurs (du côté de la pédagogie) et les intellectuels. Mais ce qui est nouveau c'est le débat république contre pédagogie, depuis MILNER. Ce débat a été théâtralisé dans la presse par des « Républicains intégristes ».
D. Manesse : PISA ne fait pas un traitement individuel mais dit ce que les sociétés font aux individus (en fait il s'agit de la manière dont les médias en parlent ; les parents sont focalisés sur leur seul enfant).
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Théâtre-forum avec la compagnie « Entrées de Jeu » (Bernard GROSJEAN) +++++
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2ème Table ronde : Rôles des réseaux sociaux, forums, listes de diffusion
dans la diffusion des innovations et la réflexion pédagogique
Patrice BRIDE, Luc CEDELLE, Stéphanie de VANSAY, Serge POUTS-LAJUS
Patrice BRIDE : On assiste à un développement de communautés mais quels réels changements dans la classe ? On ne constate pas d'opposition entre l’utilisation ou non du numérique dans les manières d’apprendre.
Stéphanie de VANSAY : L'utilisation des réseaux permet aussi de leur enseigner à en éviter les dangers. Une vigilance s’impose aussi sur les objectifs marchands des réseaux socio-numériques.
Serge POUTS-LAJUS cite des avantages du numérique : les élèves travaillent ; l'écrit est en bonne place ; la réalité entre dans la classe ; une communauté se développe ; la mutualisation et l’échange de pratiques se développent. Mais quand on parle du numérique on demande toujours aux spécialistes, les enseignants partisans du numérique sont extrémistes, ils tiennent un discours dominant ultra-extrémiste qui empêche le discours contradictoire. Donc ça ne diffuse pas, on reste entre soi.
Luc CEDELLE : Le vrai basculement des RSN est Twitter, qui provoque un émerveillement permanent, mais aussi un risque de saturation (on a parlé d’« infobésité »). Il convient donc de garder un « doute dubitatif » pour échapper à l'emprise et garder le temps de la réflexion solitaire, de l'écriture. Il convient de ménager des moments de connexion et de déconnexion.
Serge POUTS-LAJUS : L'informatique, le numérique atteint son but quand ce sont les élèves qui mettent la main dessus. Mais en fait les innovateurs restent souvent enfermés sur l’outil, le réseau et entre eux. Cela fonctionnera si des dynamiques d'établissements se mettent en place, si le collectif l’emporte sur l’individuel.
Luc CEDELLE : La fracture numérique n’est pas celle que l’on attendait, l’évolution a été très rapide avec le téléphone terminal numérique, la fracture numérique s’accentue très vite et est d’une autre nature.
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