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Pinkpunk Cirkus[i]©Heyoka Jeunesse-Actes sud Papiers, 2011 ; illustrations d’Emmanuelle Valleran
Cette pièce s’inscrit dans un univers très différent des précédentes, l’univers du cirque. Joël Jouanneau prend une fois de plus une expression au pied de la lettre, il s’agit cette fois de « faire son cirque ».
La langue utilisée peut sembler plus quotidienne pourtant c’est elle qui est au centre de la représentation : « Pink : Et ni une ni deux, j’ai dû apprendre à faire des flip-flap arrière avec la grammaire. / Punk : J’ai répété debout sur un piquet sans filet une ribambelle de plus qu’imparfaits du subjonctif faisant du saut à l’élastique. […] » (p. 30). Par là même c’est elle qui offre les ressources pour continuer le grand cirque de la vie. Par ailleurs le comique clownesque, est aussi un comique de mots : « le Gros Madaire », la confusion entre cheminot et chemineau (p. 37-38), répétition « Mais c’est pas tout, mais c’est pas tout. » (p. 34 par exemple). Ce comique clownesque se déploie en particulier autour du personnage de Ficelle : quiproquo autour de son arrivée : a-t-il volé la vespa maternelle sur laquelle il arrive (p. 40-42), définition du rôle du directeur de troupe qu’il accepte (p. 43-45). Ficelle est aussi Grosse Voix, « […] Orrrnicarrr, rrreprrrésentant de la Haute-Loi du cadastrrre à clôturrres et trrriples barrrbelés […] » (p. 50) le gendarme en quête perpétuelle d’infractions, qui les condamnera à une fuite erratique dans la Pampa.
Il est encore question de relations fraternelles fortes : « Punk : Et après j’ai enfin pu faire mon cirque. / Manouche : Raconte. / Punk : J’ai commencé par dire à Pink : Pink, tu seras mon sœur Jumo. / Pink : Et toi Punk, ma frère Jumel ! / Punk : Un Apache et sa belle. » (p. 29)
La grande absence qui laisse les enfants désemparés, ce n’est plus celle d’un père trop lointain et pourtant omnipotent, mais celle de leur mère, « la vieille Agapé[ii] au cœur grippé par son trop-plein d’années » (p. 14) qui vient de les quitter (encore une expression prise au pied de la lettre).
Enfin on retrouve l’Ardoisie comme un hâvre où l’on revient après l’errance pour pouvoir y poursuivre, en toute liberté créatrice, son cirque familial et amical : « […] alors le Gros Madaire nous a dit "Je connais un petit coin perdu où Ornicar nous perdra de vue", et en zigzag il nous a fait faire deux trois fois le semi-tour de la Pampa, mais moins d’une heure après il nous a montré le tout tout début du début du commencement d’un chemin et on a compris qu’on était revenus au point exact de notre départ, on était en Ardoisie, et là vous nous attendiez avec vos billets, même la Retenue était là, c’était mieux qu’un rêve et avec deux bouts de ficelle et un accent circonflexe on a monté notre châpiteau et on vous a montré tous nos numéros. » (p. 52-53)
Ce récit d’un deuil est en effet circulaire. Il débute en Ardoisie, dans le noir et s’achève au même endroit dans la fête, la danse, le chant : paradoxalement, c’est sans doute la plus joyeuse des pièces de Joël Jouanneau. Entretemps les orphelins auront découvert qu’ils étaient ensemble, ils auront appris à poursuivre le cirque à leur façon, se seront fait de nouveaux partenaires avec lesquels ils auront affronté la Pampa à clôtures et triples barbelés…
Sur la toile
http://www.la-coursive.com/spectacles/pinkpunk-cirkus-joel-jouanneau Joël Jouanneau révèle les 7 raisons qui l’ont conduit à écrire Pinkpunk Cirkus
http://www.theatredunois.org/site/sites/default/files/allmedias/pageslibres/Dossier%20accompagnement%20pink%20punk.pdf Le dossier d’accompagnement de la pièce avec les références littéraires qui l’ont nourrie.
2 vidéos :
http://www.youtube.com/watch?v=lFEbyObxg-A
Et des images :
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http://www.espacemalraux-chambery.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=1395&Itemid=58
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[i] Dans les « Abécédilles », annexe de Post-scriptum, voici ce qu’écrit Joël Jouanneau à la lettre K : « la lettre mystère pour moi, celle unique et sacrée de notre alphabet, l’énigme de la littérature mondiale, et elle nous est ainsi posée : Mademoiselle, je me présente de nouveau, pour le cas fort possible où vous n’auriez pas même gardé le plus petit souvenir de moi : je m’appelle Franz Kafka. »
On remarquera, dans le paratexte des œuvres de Jouanneau, l’abondance des références littéraires. Ainsi dans les remerciements qui clôturent Pinkpunk Cirkus, sont nommés Arthur Rimbaud, Jacques Roubaud, les Demoiselles de Rochefort –C. Deneuve et F. Dorléac- avec Jacques Demy et Michel Legrand et Bourvil. On appréciera l’éclectisme. Ces références sont reprises dans le dossier d’accompagnement.
[ii] Agapē(ἀγάπη) nom féminin grec pour l'amour « divin » et « inconditionnel », complétant la liste des mots grecs pour dire amour : Éros (l'amour physique), Agape (l'amour spirituel), Storgê (l'amour familial) et Philia (amitié, lien social). (Wikipédia)
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