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FA 231 - NOTES DE LECTURE
OUVRAGES
Josiane BOUTET, Marcel Cohen linguiste engagé dans son siècle (1884-1974), Lambert-Lucas, 2025 (256 p., 30 euros)
Avec ce titre, Josiane Boutet nous restitue l’histoire d’un linguiste, Marcel Cohen, qui a multiplié, durant la majeure partie du XXe siècle, des engagements scientifiques et politiques, dans une carrière singulière d’enseignant et de chercheur qui l’a mené, entre autres, des Langues orientales à l’École pratique des hautes études.
Dans cet ouvrage, l’autrice nous invite à partager le parcours humaniste et scientifique de ce linguiste en s’appuyant sur ses écrits publics, mais aussi sur des documents inédits et des archives familiales jusqu’alors non exploités. Nous apprenons ainsi comment M. Cohen parvint à associer une vie politique d’homme engagé et une vie de chercheur, conduisant des études de terrain dans différentes régions du monde afin d’en décrire les propriétés linguistiques qu’elles soient communes ou singulières.
Dans le sommaire, nous pouvons distinguer deux grandes parties, même si elles ne sont pas nommées ainsi : la première restitue l’histoire de ce linguiste précurseur ; la seconde décrit le parcours militant de l’homme engagé. Les chapitres du premier ensemble montrent comment M. Cohen conduisit de précieuses enquêtes dans des zones urbaines où le fonctionnement des langues et les pratiques langagières se trouvent associés en « Faits linguistiques et faits ethnographiques » (chapitre 3), ce qui l’amena à se distinguer des études classiques. Ainsi, à partir des enquêtes menées de 1908 à 1911, d’abord dans la ville d’Alger puis en Abyssinie (chapitre 2), il parvint à décrire l’unicité des langues chamito-sémitiques et à confirmer les liens entre l’égyptien, le berbère et le couchitique (chapitre 4). Ces recherches fondamentales, restituées en détail dans les premiers chapitres de l’ouvrage, montrent combien M. Cohen fut un précurseur et comment il anticipa une sociolinguistique qui ne sera vraiment développée, en France, qu’à partir des années 1970.
Dans la seconde série de chapitres. J. Boutet rappelle combien M. Cohen fut un homme politique et un syndicaliste actif. Ainsi, fortement engagé dans la lutte contre le nazisme, notamment aux côtés des Francs-tireurs et partisans (FTP), nous apprenons qu’il participa directement aux combats contre l’occupant allemand et le régime instauré par Pétain. Militant communiste convaincu, il rédigea également de nombreux articles dans le quotidien L’Humanité, et dans plusieurs revues et associations marxistes (chapitres 5 et 8). De fait, au-delà de ses recherches et des publications savantes, c’est aussi dans ses articles de vulgarisation qu’il ouvrit la linguistique à des principes méthodologiques originaux et résolument modernes, ainsi qu’à des analyses théoriques ancrées dans des réalités politiques et sociales (chapitre 6), notamment dans l’un de ses ouvrages principaux, au titre éminemment précurseur, Pour une sociologie du langage, qui anticipe des principes et des acquis essentiels, et aujourd’hui quelque peu oubliés.
Dans les pages médianes du livre, les lecteurs apprécieront la série de photos que J. Boutet a insérée afin d’illustrer chronologiquement plusieurs moments de la vie de M. Cohen, notamment avec ses amis et collègues, mais aussi dans sa vie familiale à Viroflay (pp. 100-112). De même, nous trouverons dans les deux ensembles bibliographiques : i) les ouvrages et articles de M. Cohen qui ont été cités ; ii) ceux que J. Boutet à utiliser pour étayer ce double parcours exemplaire, à la fois scientifique et politique.
Plus qu’une biographie, le livre combine habilement les apports d’une histoire scientifique originale, ouverte aux réalités sociales du langage, et d’une histoire personnelle d’un homme engagée politiquement dans son siècle.
Jacques DAVID
Soumya EL HARMASSI, Transmettre, apprendre, éduquer, former. Formation et recherche en éducation au Maroc, éditions Approches, Maroc, 2024
L’essai de Soumya El Harmassi se présente comme un plaidoyer pour une éducation inclusive et décolonisée. En effet, le Maroc est classé deuxième pays d’Afrique pour la qualité de son éducation selon la plateforme The African Exponent. Pourtant, un cri d’alerte est lancé, mais c’est aussi un cri porteur d’espoir. Dans un essai rigoureux et courageux, parfois iconoclaste, S. El Harmassi interroge en profondeur la question de l’éducation au Maroc. Le champ de réflexion qu’elle ouvre dépasse largement les frontières de son ancrage universitaire et didactique. Elle y esquisse les contours d’une éducation véritablement inclusive, nourrie par la formation et la recherche, au service d’un universel non ethnocentré. Un universel fondé sur une commune intelligence des cultures scolaires à l’échelle mondiale, dont le principe nodal serait le soin apporté à chaque enfant, à chaque adolescent, indépendamment de ses origines, en garantissant un accès égal aux savoirs, sans présupposés idéologiques ni prédécoupages culturalistes ou raciaux.
S. El Harmassi dénonce l’assujettissement de l’école à un modèle productiviste au service d’une économie néolibérale qui gouverne les sphères politique, sociale et culturelle. Dès les premières pages, elle critique la politique éducative francophone portée par l’Ambassade de France et ses antennes de coopération, qualifiée de « populisme néolibéral transnational », dont les effets sur les systèmes éducatifs des pays anciennement colonisés sont délétères. L’enseignement du français y est réduit à une langue de service, enfermée dans un cadre strictement utilitariste incarné par le sigle FLE (Français langue étrangère). Cette réduction à une fonction purement communicative, appauvrit la langue et engendre un évitement symbolique, voire culturel, qui affecte également les autres enseignements disciplinaires.
Assujettie à la logique capitaliste, l’école devient un espace de production de « capital humain » destiné à la compétition sociale généralisée. L’échec du système éducatif marocain, selon S. El Harmassi, est le symptôme d’un modèle scolaire qui, sous couvert d’émancipation et d’universalité, renforce en réalité les inégalités Nord/Sud :
La répartition inégalitaire du Savoir fait partie des nouvelles pratiques impériales en ce qu’elle confisque à tout un pan de l’humanité le droit d’allier être et penser, le droit de chacun à défendre sa propre vision du monde, et par là même, son droit d’intégrer une norme éthique et démocratique commune. (p. 21)
L’autrice pointe d’abord les dérives d’un relativisme culturel qui essentialise les aires culturelles sur la base de comportements arbitrairement définis. Cette logique enferme les jeunesses dans des catégories sociales et comportementales figées. Elle est le produit d’une globalisation inégalitaire. À cette logique, S. El Harmassi oppose l’idéal de « grandir en humanité », fondé sur la conscience d’un droit inaliénable à l’accomplissement de soi.
Elle distingue également deux conceptions de la langue : une conception instrumentale, véhiculaire, axée sur le service (dominante dans l’approche FLE), et une conception culturelle, porteuse de valeurs. La priorité accordée à l’oral ou à l’écrit n’est pas neutre : l’une favorise la répétition mécanique, l’autre autorise la réflexion, la compréhension et la création. Cette seconde approche, liée au lire-écrire, permet une acculturation écrite de qualité, rejoignant ainsi les analyses de Jack Goody sur le pouvoir heuristique de l’écrit.
S. El Harmassi constate que la même langue donne lieu à deux didactiques distinctes : celle d’une langue première, et celle d’une langue seconde ou étrangère, sans que cette dualité ne soit réellement problématisée. Elle mobilise la définition de Gérard Sensevy de la didactique comme science des pratiques éducatives pour souligner que la didactique du FLE domine plus par sa force politique que par sa validité scientifique. L’enseignant y est réduit à transmettre des méthodes standardisées à des « apprenants », simples candidats aux évaluations. La culture, quant à elle, est évacuée ou réduite à des fonctions comportementales.
Or une finalité culturelle, réhabilitant l’érudition et le symbolique, permettrait de « gagner en humanité », selon l’expression de Cynthia Fleury. C’est bien dans cette perspective païdéique - apprendre à penser, juger avec discernement, « faire grandir en humanité » - que l’autrice inscrit son plaidoyer. Elle invite également à dépasser le cadre des Lumières et leur conception univoque de l’universel, pour envisager un universalisme polycentrique, nourri de la pluralité culturelle et réflexive. Ce positionnement l’amène à préférer les termes de pluriversalisme ou d’universalité polycentrique, plus à même de rendre compte d’une diversité assumée :
La liberté individuelle se construit sur l’assomption, sereine, par chaque individu, de la pluralité singulière des différentes facettes qui le constituent. (p. 105)
À cette critique des logiques utilitaristes, s’ajoute celle des pratiques pédagogiques marocaines, enracinées dans des habitudes héritées : la lecture y est souvent réduite à des démarches normatives, au service d’une moralisation ou d’un simple étiquetage. Le texte n’est plus espace de sens, mais prétexte didactique, déjà dénoncé par Tzvetan Todorov dans La Littérature en péril (2007).
L’autrice dénonce également le ralliement du système éducatif marocain à des modèles occidentaux dictés par des accords politico-économiques entre décideurs universitaires et industriels. Dans un contexte plurilingue, les textes littéraires - oraux comme écrits - pourraient devenir des vecteurs de valorisation des langues maternelles (arabe dialectal, amazighe), mais aussi de réhabilitation de la pensée critique et de l’expression personnelle, souvent jugées subversives dans le contexte national marocain.
Paradoxalement, S. El Harmassi relève que la didactique de l’arabe s’avère plus novatrice que celle du français, engluée dans des méthodologies figées. Or il ne s’agit pas seulement d’enseigner une langue, mais de former des producteurs de cultures vives.
La classification idéologique des littératures entre « françaises » et « francophones » est, elle aussi, interrogée. L’autrice milite pour une approche décloisonnée dans une perspective glissantienne du Tout-Monde et de la mondialité, rejoignant la « diversalité » d’Amin Maalouf. Elle critique l’« interculturalisme », qu’elle juge essentialisant et hiérarchisant, lui préférant le pluriculturalisme, seul capable de garantir un rapport équitable et réciproque entre les cultures. Nous pourrions ajouter la notion d’interculturation, comme co-construction identitaire, car le droit à la culture, dans une acception universaliste et humaniste, passe par une redéfinition des corpus enseignés. Pourquoi ne pas proposer des textes issus de littératures dans des langues différentes ? Le désir de lire - clé de l’appropriation symbolique - doit être porté par des enseignants-passeurs, selon la belle formule de René Char : « le lire-vivre où mènent les mots. »
Mais cette ambition suppose une véritable formation des enseignants. Il s’agit de dépasser une formation « sur le tas » ou artisanale, fondée sur la simple imitation de pratiques. L’exemple d’un partenariat entre le ministère de l’Éducation marocain et CANOPÉ, proposant des vidéos-modèles à reproduire sans discussion, illustre cette dérive descendante. L’autrice plaide en revanche pour une formation universitaire exigeante, conjuguant écriture académique et professionnalisation.
Elle alerte également sur les dérives du tout-numérique. L’université s’inféode aux logiques managériales, valorisant des compétences « soft » dans une perspective strictement utilitaire. L’intelligence artificielle transformera inévitablement le rôle de l’enseignant, désormais appelé à devenir un guide, un penseur, un concepteur créatif. C’est une posture de praticien réflexif cultivé - et engagé, pourrions-nous ajouter - qu’il convient de promouvoir. Pour cela, la recherche fondamentale, l’ingénierie pédagogique et la didactique professionnelle doivent être pensées en synergie, dans une visée de production scientifique ancrée territorialement.
L’essai de S. El Harmassi est un ouvrage roboratif, dense et stimulant, qui interpelle quiconque s’intéresse aux questions d’éducation, de formation et de didactique des langues dans une perspective nationale marocaine, mais aussi internationale. Qu’il soit, de surcroit, bien écrit et nourri de références philosophiques et culturelles pertinentes constitue, à n’en pas douter, la cerise sur le gâteau.
Marlène LEBRUN
Stéphanie GENRE, Enseigner le vocabulaire en littérature. Discuter le sens des mots au cycle 3, UGA Éditions, 2025 (308 p., 25 euros)
Dans son « Introduction générale », Stéphanie Genre explicite le parcours qui l’a menée à concevoir cet ouvrage. Il s’agissait, tout d’abord, de confirmer son implication dans une « problématique professionnelle » (p. 11), en l’occurrence la formation des enseignants et notamment celle des professeurs des écoles. Il lui fallait, ensuite, satisfaire son intérêt de linguiste pour le lexique, ses composantes et les problèmes qu’il pose dans l’étude des textes littéraires. Cette double perspective ne doit pas être comprise en deux problématiques disjointes, mais au contraire dans une dialectique et donc des interactions linguistiquement et didactiquement fondées, associant le vocabulaire choisi par les auteurs des textes étudiés au processus d’apprentissage des unités lexicales - ou « vocables » - utilisées par les élèves. De fait, l’ouvrage s’inscrit bien dans la double perspective énoncée ; il parvient à décrire et analyser le vocabulaire des textes, celui choisi par l’auteur d’une œuvre, et le vocabulaire employé par les élèves pour en saisir les propriétés intrinsèques, voire les construire dans un ensemble de connaissances organisées. Cette dialectique originale se trouve également au cœur des propositions didactiques que l’autrice décline en quatre grandes parties.
S. Genre nous engage, tout d’abord, dans un « tour de la question » afin de cerner la complexité des phénomènes liés au vocabulaire de la littérature, notamment dans le cadre des genres discursifs, pour ensuite énoncer des activités langagières savamment expérimentées, comme « la saynète métalexicale » visant la « construction individuelle et collective du sens » (pp. 43-50), pour effectivement analyser les difficultés que rencontrent les élèves en confrontant leurs connaissances personnelles aux contenus culturels des textes. Il s’agit dès lors d’aider ces élèves - et leurs enseignants - à distinguer ce qui relève de l’étude du lexique ou du vocabulaire, puis à surmonter le recours systématique à la définition référentielle, et ensuite à dépasser la pratique du « champ sémantique » afin de construire une interprétation plus assurée du texte (pp. 51-68). Le chapitre ultime de cette partie (pp. 69-76) annonce la suite, pas seulement pour anticiper les parties suivantes, mais surtout parce qu’il énonce un « modèle quadripartite » qui permet de comprendre la démonstration d’ensemble : du sens en langue, du sens en emploi, du sens en association et du sens pour soi.
La deuxième partie entre ainsi parfaitement dans la dynamique d’exposition choisie par l’autrice : définir les composantes lexico-linguistiques mobilisées et suggérer des apprentissages en relation. S. Genre explicite ainsi les distinctions entre sens et signification, mais aussi entre sèmes inhérents vs afférents ; des distinctions elles-mêmes comprises dans des « entours » et des « modalités » spécifiques (pp. 79-86). Il s’agit, pour l’autrice, d’appréhender plus surement les phénomènes de coénonciation, d’ajustement discursif, de variation diaphonique, de connotation vs dénotation (pp. 89-96)… l’objectif étant de les saisir dans le mouvement de compréhension ou d’interprétation des textes (pp. 97-105), notamment pour dépasser la perception naïve de l’élève-lecteur en n’oubliant pas la réalité du texte. Car il s’agit bien d’aller au-delà de la simple subjectivité de l’élève afin de l’aider à construire une réception cohérente du texte qu’il pourra alors partager (pp. 105-109). C’est dès lors une deuxième mise au point qui est effectuée par l’autrice afin de clarifier le travail métalexical et métalinguistique opéré par les élèves, un travail qui, en classe, peut prendre forme dans des discussions fondamentalement métadiscursives à partir des « vocables » qu’ils utilisent (pp. 111-118). D’autres propositions didactiques sont également avancées autour de la « glose », une glose qui s’émancipe de la simple reformulation comme de la paraphrase (p. 121), et donc une glose qui s’inscrit également dans des activités métadiscursives ajustées aux propriétés lexicales des textes, ainsi qu’aux besoins des élèves et de leurs enseignants (pp. 119-127).
La troisième partie repend ces composantes lexicales analysées dans leur fonctionnement en langue et en discours, pour les exemplifier dans des séances qui permettent de les saisir dans leur complexité didactique. Ces séances, expérimentées par des enseignants de cycle 3, montrent comment on peut travailler collectivement les gloses des élèves, dans des échanges qui les amènent à percevoir le sens en langue et dans leurs emplois littéraires spécifiques (pp. 133-140). S. Genre s’intéresse ainsi aux gloses de l’enseignant comme à celles des élèves afin de confronter la construction collective du sens des vocables issus et à propos des textes (pp. 140-169). Elle les analyse ainsi à partir de la « charge culturelle » de termes comme forêt ou de « désignation du genre », qui sont souvent interprétés par des stéréotypes culturels dont les vocables utilisés sont porteurs (pp. 171-184). Elle explore également les problèmes que posent les gloses sur « le sens pour soi », en ce qu’elles révèlent des représentations fantasmagoriques ou axiologiques parfois décalées sur les personnages, ou qui peuvent biaiser l’interprétation des textes par des projections personnelles, des expériences individuelles… ou encore par des sonorités singulières (pp. 185-201).
La quatrième et dernière partie porte essentiellement sur les actions de formation, qu’il s’agisse d’aider les enseignants à conduire et réguler les discussions menées avec les élèves, ou de préciser les formes de pilotage des séances, puis de tissage des échanges sur les vocables utilisés par les élèves, ou encore d’étayage des explications proposées (pp. 207-240). Pour ce faire, l’autrice n’hésite pas à partager ses réflexions didactiques et à donner des indication précises, par exemple sur le travail à l’œuvre lors de la préparation des séances, durant la séance elle-même et à l’issue de celle-ci, notamment en termes de traces à conserver (tableau, carnet, affiches…). Elle poursuit en décrivant ces formes et actions à partir de séquences conduites autour de deux ouvrages de littérature de jeunesse : une nouvelle, Lucien, extraite du recueil Les Petits Outrages de Claude Bourgeyx (1984) et un album, Le Loup de la 135e, de Rebacca Dautremet (illustré par Arthur Leboeuf, en 2008), dont les modalités d’étude du lexique sont reprises ensuite dans un ensemble de morceaux choisis en théâtre, en littérature notamment lorsqu’elle est liée à la peinture, et aux créations numériques (pp. 241-273). Cette partie - et donc l’ouvrage - s’achève en un dernier chapitre qui propose un dispositif de formation et un « canevas » de propositions didactiques destiné aux professeurs des écoles (pp. 275-283).
La conclusion résume parfaitement l’ensemble de livre, dans ses intentions, ses objectifs et ses réalisations. La bibliographie finale est à la fois très étendue et ajustée ; elle réfère à des publications couvrant les différents paradigmes de recherche convoqués dans l’ouvrage : de la linguistique - et plus particulièrement de la lexicologie - à la littérature… mais également des recherches didactiques inévitablement complexes parce que mobilisant des connaissances, elles-mêmescomplexes… et multiples.
Pour conclure, nous aussi, nous ne saurions trop recommander la lecture de cet ouvrage, original, accessible, présentant des contenus théoriques parfaitement maitrisés et adroitement exemplifiés. Il suggère des apprentissages étayés et argumentés, ainsi que des actions de formation en cohérence avec les besoins des élèves et ceux des enseignants, des enseignants souvent mal préparés à traiter les réalités lexicales de leur langue et le vocabulaire des textes, notamment dans le champ de la littérature. Ce livre est aussi une réponse savante à l’une des composantes de la discipline « français » les plus mal conçues, que ce soit dans les textes institutionnels et les nomenclatures officielles, ou dans les supports et manuels d’enseignement.
Jacques DAVID
Jacques LÈBRE, Sonnets de la tristesse, éditions Le Temps qu’il fait, 2025 (80 p., 15 euros)
Je ne sais pas s’il y a une part de vérité dans ce que j’écris,
Mais si j’écris, sans doute est-ce pour répondre à un choc,
Faire ressentir, peut-être, ce qui ressemble à une violence (p. 40)
Cette violence est celle de la confrontation à la maladie et à la mort : violence subie par les personnes qui souffrent de maladie et violence subie par ceux qui les accompagnent dans le reflet du miroir que tendent les êtres plus âgés à ceux qui essaient de maintenir des liens. Ce petit volume se compose de trois parties. La première est intitulée « Onze propositions pour un vertige », elle contient quelques poèmes très courts composés entre 2010 et 2013 et évoquent la perte de mémoire progressive d’un ami. Nous en retiendrons le dernier texte :
Malgré toutes nos tentatives,
la conversation n’est plus possible.
Que faire d’une amitié démeublée ?
Sur l’esplanade ventée de la gare,
reste le sentiment d’un au revoir raté
dans une froide lumière d’avril. (p. 21)
En quelques notations d’une grande pudeur, le poète dit le désarroi face aux liens qui se distendent face à l’ami que l’on voit lentement partir.
La troisième partie contient cinq pièces très courtes qui interpellent une petite fille. De nouveau, le réel est saisi sur le vif de manière à construire, sans emphase, un hymne à l’enfance et à la vie :
Où retrouverions-nous un peu de cette innocence
sinon dans l’amour ? L’amour est comme le sol
qui écorchait, lorsqu’on le rencontrait, en tombant. (p. 73)
« Les Sonnets de la tristesse », à proprement parler, constituent la deuxième partie. Ils sont consacrés aux dernières années de la vie de la mère du poète en maison de retraite. Ils tendent à restituer la violence de ces lieux déshumanisés. Sans prétention à une vérité, ces petits textes de 14 lignes, disposées en deux quatrains et deux tercets, non versifiées et non rimées, saisissent avec justesse l’atmosphère des lieux et la résignation silencieuse des hôtes de maison de retraite, suspendus au fil du temps.
Le poète traduit d’abord la perte d’humanité, que les visiteurs ressentent fortement dans ces lieux. Les comparaisons sont construites sans condescendance : les têtes s’avèrent être « telles de vaches dans un pré », « on dirait bien des poissons dans un étang » pour ces vieux positionnés en « rang d’oignons », parfois perçus « en troupeaux ». Le « parc à vieillards » se rapproche du zoo, non pas par mépris mais par sentiment réaliste de ce qui attend chacun d’entre nous.
Le poème rend compte d’une expérience propre et les différents sens sont convoqués. L’odorat est en priorité agressé : « c’est cette odeur qui collait et poissait, telle une brume. » ; le toucher est suspendu par la peur de briser quelqu’un ou quelque chose, « c’est comme / du bois mort, un vieux corps » ; « des succions, des lapements, des déglutitions » brisent le silence, les mêmes dialogues car « le disque de la vie est rayé » sont relancés, les couches et les fauteuils roulants sont convoqués jusqu’au dégout que le poète hésite à nommer. Quelques sonnets esquissent des portraits d’inconnus mais aussi de la mère, rarement du personnel perçu comme distant.
La force du recueil est de donner à entendre les silences, à faire résonner les moindres bruits. Il creuse le rapport à l’attente, au temps qui passe trop lentement : « la conscience du temps » est pointée comme la pire des tristesses, car elle s’inscrit dans une dialectique du temps qui passe lentement « éternité de leur journée » et « ce qu’il reste à vivre ». Le temps occupe aussi les sujets de discussion : le temps qui passe, ponctué par les repas, le temps qu’il fait, et l’expression « de mon temps » reste un pilier. On fouille dans les souvenirs, on cherche les noms des villages, des gens, des liens familiaux : « Les journées sont longues, une fin de vie, tiens. » Le retour des déictiques : « quel jour on est ? », « aujourd’hui », « demain » sont interrogés, perdus dans un discours qui fonctionne mal.
Discrètement, le poète interroge aussi les relations familiales, les non-dits : « jamais nous n’avons eu de vraie conversation », « Famille ratée, tout de même, il faut le dire » et le renversement des valeurs :
Maintenant elle est cette vieille personne
Plus que votre mère – et comment renverser
Les choses et faire d’elle l’équivalent d’un enfant ? (p. 46)
Ainsi ce recueil renoue avec la tradition du sonnet tombeau. Le tombeau poétique nait de manière concomitante avec le tombeau architectural et lui emprunte différentes caractéristiques : d’abord un rapport à l’espace. Il nait aussi à peu près en même temps que le sonnet, au XVIe siècle. Il vise à célébrer un homme célèbre, d’abord un gouvernant puis un poète comme en témoignaient les tombeaux de Ronsard ou de Du Bellay, puis les tombeaux de Mallarmé, revisités au XIXe siècle. Le tombeau poétique comme le tombeau architectural travaille la mémoire et cherche à restituer une vision de gloire. Ce n’est pas tout à fait le cas ici : le tombeau de J. Lèbre, au contraire, restitue une vision de simplicité de la vieille dame, et d’humilité des enfants, contraints d’« abandonner » leurs parents, mais soucieux d’accompagner autant qu’ils le peuvent, et ainsi de se confronter à ce qui risque d’arriver. Il se dégage du recueil une sobre tendresse dans ce parcours qui se termine au décès de la personne âgée :
Au dernier passage, s’arrêter un instant devant l’accueil,
Dire « La chambre est vide » et soudain sentir
Une première bouffée de larmes, vite réprimée – réaliser. (p. 65)
Dans ce recueil, se reconnaitront ceux qui ont dû traverser ces épreuves : il est pudique et juste. Il aide les vivants, et c’est ce qu’on attend de la littérature.
Sandrine BÉDOURET-LARRABURU
Marie-Hélène MARCOUX & Martin LÉPINE, Mettre en valeur tous les lecteurs. L’évaluation au service de l’enseignement et de l’apprentissage de la lecture au primaire, Chenelière Éducation, 2025 (152 p., 43 euros)
Voici un ouvrage qui renouvèle l’enseignement et l’évaluation de la lecture pour les 6-12 ans. Les auteurs, l’une formatrice qui a présidé l’Association québécoise des professeurs de français (AQPF), et l’autre didacticien du français, tous deux à l’origine du projet culturel « Passeurs de lecture » et possédant une solide expérience d’enseignement au primaire et au secondaire québécois, s’attaquent à une gageure scolaire qui semble insoluble : comment enseigner et évaluer la lecture sans en « dégouter » les élèves ?
La posture militante des auteurs, pour faire des élèves des « amateurs éclairés de littérature », est le fil rouge de cet opus qui se compose de deux parties (« Enseigner la lecture et former des lecteurs » et « mettre en valeur tous les lecteurs et évaluer la lecture »), comprenant chacune trois chapitres qui répondent à des questions précises (« qu’est-ce que lire ? » ; « qu’est-ce qu’évaluer la lecture ? », etc.). Les chapitres se terminent par des activités « prêtes à vivre avec les élèves » et « prêtes à vivre pour l’enseignant »). L’intérêt de ce manuel de didactique de la littérature est précisément de réussir à mêler une analyse de l’acte de lire et de son évaluation issue de la recherche récente, avec une volonté plus que louable d’en faire un moment motivant d’expression de soi, de partage et de construction de la personne, qui fonde le plaisir de lire.
Afin de soutenir la motivation des élèves, l’ouvrage met en exergue l’importance de choisir des livres qui leur plaisent pour l’enseignement et l’évaluation, grâce à l’observation des genres qu’ils privilégient et de leur posture de lecteurs (« les lecteurs qui font semblant », « les lecteurs conformes », « les lecteurs dévoreurs », etc.). Cherchant à promouvoir une évaluation douce, les auteurs proposent aux enseignants de repérer (observations, conversations et productions orales et écrites) simultanément les « traces pour l’apprentissage » et les « preuves d’apprentissage » (p. 86), jusqu’à ce que l’élève se représente (fictionnalise) correctement ce qu’il lit dans différentes situations. L’évaluation se déroule ainsi sur un temps long et résulte d’une « triangulation » (p. 89) entre différentes activités mettant en jeu quatre opérations de lecture.
Prenant appui sur les préconisations officielles du ministère québécois, les auteurs distinguent en effet quatre opérations qu’il s’agit de pratiquer en classe et d’évaluer. Ils caractérisent ces compétences « en fonction de trois aspects constitutifs de chaque lecteur » (p. 51) que nous plaçons entre parenthèses : comprendre (corps), interpréter (tête), réagir (cœur) et juger (corps, tête et cœur). Ces quatre notions constituent aussi les critères d’évaluation des élèves en lecture : compréhension, interprétation, réaction et jugement critique. S’il est admis que le lecteur réagit par rapport à ses émotions et qu’il juge en analysant de façon critique l’œuvre, les associations « comprendre avec le corps » et « interpréter avec la tête » interrogent. Dans la mesure où la compréhension passe par un repérage des indices du texte, à la manière d’une enquête policière, la référence à la tête semble plus appropriée. De même, l’interprétation, consistant à faire des conjectures sur ce que ne dit pas le texte, peut certes faire appel à la tête, à la réflexion des lecteurs, à leurs lectures, à leur expérience du monde, mais elle nécessite également une attention esthétique qui fait des liens interprétatifs non conventionnels pour accéder à une multitude de sens. Cela passe davantage, nous semble-t-il, par le corps et le cœur, les émotions, la façon de percevoir ce que cherche à susciter l’auteur sans pouvoir tout dire. Ainsi, la créativité des élèves pour accéder au sens des livres et se les approprier sous forme d’écriture créative et artistique, théâtralisation, arts plastiques, éducation musicale, danse, etc.), peu envisagée dans l’ouvrage, malgré un grand nombre de propositions d’activités didactiques, mériterait d’être développée pour mettre en valeur davantage d’élèves.
On peut également regretter que l’ouvrage ne mentionne pas les résultats de la recherche en sociologie de la lecture. Si le plaisir de lire est primordial pour devenir un amateur de lecture et un lecteur expert, d’autres chercheurs ont montré que certaines pratiques de lectures réduisaient davantage l’effet des inégalités sociales à l’entrée à l’école. La lecture d’albums complexes dès le plus jeune âge est, par exemple, un facteur de résorption de ces inégalités.
Tout en offrant une bibliographie inspirante d’albums récents pour la jeunesse, l’ouvrage (complété par des ressources pédagogiques en ligne) fournira aux enseignants soucieux de consolider leurs pratiques dans le domaine de la lecture des outils pour le travail en classe facilement personnalisables.
Stéphane BONNET
Caroline SCHEEPERS (éd.), Former à l’écrit, former par l’écrit dans l’enseignement supérieur, De Boeck Supérieur, coll. « Pédagogies en développement », 2021 (336 p., 34,90 euros)
Premier ouvrage d’un triptyque autour de la formation des enseignants – l’oral (2023) et la lecture (2024) feront aussi l’objet d’investigations collectives –, le livre, à travers la préface de Christiane Donahue, invite à « repenser ce qu’est un champ de recherches et de pratiques autour de l’écrit, sa nature, sa production et sa réception, dans le supérieur » (p. 13).
Choisis en exergue de l’ouvrage, les mots des Armoires vides d’Annie Ernaux rappellent que l’accès à l’écrit, dans les études supérieures, peut aussi être associé à l’histoire d’une déchirure sociale, du passage d’un monde à un autre. L’écriture, rappelle Caroline Scheepers en avant-propos de l’ouvrage, contraint le scripteur et la scriptrice à une activité « intellectualisante », plus abstraite que celle de l’oral, et convoque des opérations très complexes de construction volontaire de tissu sémantique (cf. Vygotski cité par Scheepers, p. 20). L’écrit agit donc comme un puissant transformateur cognitif, identitaire et épistémique. Dix-neuf contributions d’auteurs et d’autrices provenant d’institutions belges ou françaises, affiliés au « paradigme des littératies académiques » (p. 22) composent l’ouvrage ; elles sont organisées en sept parties que nous détaillons ici.
La première partie de l’ouvrage explicite les compétences et difficultés avant l’entrée au supérieur et le rôle de l’écrit dans cette transition. La réflexion autour de la définition du terme de transition académique amène C. Scheepers et Stéphanie Delneste à s’interroger sur celui de réussite. En se référant à Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Minuit, 1964), elles rappellent que toute virtuosité verbale et rhétorique se doit « d’être acquise par l’exercice » et requiert de la part du professeur de fournir à tous les moyens pour l’acquérir (p. 49). Dans le premier chapitre, Gersende Charpentier montre que l’efficacité de la transition dépend de facteurs tels que les prérequis, le niveau socioéconomique et les échecs scolaires antérieurs. Si les travaux écrits de recherche réalisés au cycle secondaire favorisent le développement de compétences méthodologiques, en écriture et en lecture, la formation des enseignants du secondaire devrait investir les activités de métacognition de manière à mieux outiller les professionnels à accompagner les élèves. G. Charpentier plaide donc pour plus d’articulation entre enseignement secondaire et supérieur.
Les écrits et les représentations sur l’écrit au supérieur, deuxième partie de l’ouvrage, s’amorce par une réflexion de Marie-Christine Pollet autour de la pertinence d’adopter une approche intégrée de l’enseignement de l’écrit au supérieur. Cette approche articule « l’analyse pragmatique des spécificités des discours dans un environnement particulier d’énonciation et la prise en compte des normes linguistiques relatives à ces discours » (p. 69). Sa mise en place requiert de « (faire) cerner les enjeux en contexte et dans une perspective réflexive » (p. 69). C. Scheepers investigue également les représentations des acteurs sur l’écrit pour mieux connaitre les pratiques prescrites, la façon dont les étudiantes et étudiants s’en emparent. Elle met au jour les leviers et résistances de ses pratiques, et les modalités didactiques les plus susceptibles d’enrôler le public estudiantin dans la culture de l’écrit.
La troisième partie aborde la place de l’écrit dans les disciplines académiques. Isabelle Delcambre explicite notamment les différences d’organisation textuelle et énonciatives des discours scientifiques selon les disciplines, ainsi que leurs dimensions transversales que sont les phraséologies et les opérations cognitives langagières. Pierre Job et Jean-Yves Gantois, à partir d’une expérimentation concrète réalisée en haute école, montrent les difficultés liées à l’apprentissage de l’écriture symbolique et proposent des pistes pour favoriser l’acculturation des étudiants en didactique des mathématiques à l’écriture et à la pensée symbolique. Catherine Bert et Christine Gadisseux, pour leur part, s’arrêtent aux problématiques de la construction de l’identité professionnelle des étudiants et celle de l’analyse réflexive. Elles présentent un dispositif pédagogique destiné aux étudiants en kinésithérapie qui favorise la qualité des soins et la construction des soignants et soignantes en devenir. François Coppens s’intéresse aussi aux métiers de la relation de soin. Il étudie trois activités d’écriture, un atelier et différents travaux d’écriture imposés dans le suivi des stages et la production d’un travail de fin d’études ; ces activités imposent une pratique d’écriture significative, car elles requièrent beaucoup d’attention, de temps et d’efforts dans le parcours de formation.
La quatrième partie porte sur l’écrit au fil du temps. Gervaise Picron dresse un état des lieux des problèmes de langue rencontrés par le public estudiantin universitaire. Elle formule l’hypothèse suivante : « les erreurs de langue produites par les étudiants ne demandent pas à être saisies uniquement pour ce qu’elles sont à un niveau local du texte », mais doivent être appréhendées en tant que traces qui témoignent de phénomènes plus larges dans la compétence rédactionnelle (p. 159) : effacement énonciatif inachevé, gestion difficile de la polyphonie énonciative, lexique disciplinaire et transdisciplinaire, surcharge cognitive, etc. Étudiant le contexte du FLS ou FLE, Deborah Meunier explicite les spécificités et besoins de cette population étudiante particulière. Elle souligne notamment que le plurilinguisme individuel devrait nous mener à réfléchir sur la norme linguistique, pour éviter qu’elle reste déterminée par une vision monolingue des compétences littéraciques dans l’enseignement supérieur.
La lecture et relecture sont au cœur de la cinquième partie. Marlène Lebrun expose les apports d’un dispositif basé sur le carnet réflexif partagé. Outil d’écriture heuristique, le carnet permet à l’étudiant de mettre à distance sa production écrite et de la faire évoluer par la confrontation et le partage avec les pairs. Carole Glorieux explore deux pistes didactiques intéressantes et inédites : la fiction scientifique et le « créacollage ». Deux pratiques qui mettent à mal deux tabous dans l’écriture scientifique : la narration et le copier-coller. La fiction scientifique comporte une narration et incarne un point de vue scientifique sur une question. Le « créacollage », à l’ère de « l’info-obésité » (p. 211), recourt à plusieurs types de matériel (texte, vidéo, images et sons) ; « les étudiants reformulent, réarrangent, substituent, combinent, suppriment, copient et altèrent des mots et des phrases d’un auteur dans l’intention de produire un nouveau travail » (p. 213).
La subjectivation des savoirs par l’écriture occupe la sixième partie de l’ouvrage. La contribution de Catherine Dolagnier compare la reformulation du discours théorique d’autrui dans un écrit d’un chercheur confirmé, Jacques Crinon, et dans celui d’un scripteur débutant en sciences de l’éducation. Le parallèle permet de caractériser l’écriture scientifique et ses difficultés sur le plan du référencement du discours théorique et de la cohérence textuelle. Pour C. Dolagnier, le travail de la reformulation doit être orienté vers « la mise en cohérence des énoncés hétérogènes plutôt que vers l’exigence de se distancer de la littérarité de la source » (p. 233). Seule contribution non-européenne, la contribution d’Anass El Gousairi s’intéresse au mémoire de master en formation d’enseignants du français au Maroc. Le mémoire rend possible la traçabilité du processus d’écriture lui-même et constitue un analyseur de la circulation des savoirs entre la formation et la pratique. Pour A. El Gousairi, en contexte marocain, le genre du mémoire, à l’instar de la formation des enseignants, reste à inventer
La septième partie est consacrée à l’écriture à l’ère du numérique. Nathalie Lemaire et Vincent Louis analysent un dispositif de formation en traduction-interprétation. Les chercheurs explicitent un dispositif formé d’un ensemble de travaux dirigés et d’analyses de textes mis en place pour remédier aux difficultés rédactionnelles et examinent ensuite ses effets. Un inventaire d’erreurs fréquentes des étudiants est proposé ; cette connaissance plus fine de profils d’erreurs permet des interventions plus adaptées. Le dernier article de l’ouvrage est consacré aux littéracies numériques et à la désinformation. Fabiana Kornesu, Bertrand Daunay et Cédric Fluckiger y problématisent le travail de l’enseignant dans le cadre des pratiques littéraciques et de « l’infodémie » ou désinformation. En effet, le « contexte marqué par un accès démesuré à l’information » (p. 272) altère les activités de lecture et d’écriture. L’abondance et la variété des informations sont un obstacle que l’étudiant doit surmonter, grâce à l’aide de l’enseignant dont le rôle social et le travail sont primordiaux tant dans la formation en lecture académique que dans la prévention en matière de consommation de l’information.
En conclusion de l’ouvrage, Élisabeth Bautier identifie quatre domaines nécessaires à mettre en relation dans l’optique d’accompagner les étudiants à comprendre les enjeux cognitifs et langagiers des textes universitaires : le lexique disciplinaire et scientifique, le rapport au savoir des étudiants, le rapport au langage et le tissage entre les différentes voix qui permet d’écrire les textes attendus. Ce tissage consiste à tenir ensemble les dimensions simultanément sociale, subjective, linguistique, langagière et cognitive de l’écrit.
Les apports de cet ouvrage réalisé dans le « contexte très anxiogène » du confinement (Scheepers, p. 26) sont indéniables. L’ouvrage explicite les défis de l’apprentissage de l’écriture scientifique, précise un ensemble de difficultés et de leviers liés à ces écrits, en plus de proposer un ensemble de dispositifs didactiques novateurs. La formatrice que nous sommes est mieux en mesure de comprendre les difficultés des étudiants. Nous regrettons un peu la faible part accordée aux manières de le ‘enrôler dans ces activités. Souvent, l’utilité de telles activités pour la pratique professionnelle ne leur est pas perceptible. Pourquoi donc y accorder tant de temps ?
En outre, l’ouragan généré par l’arrivée des outils d’intelligence artificielle (IA) dans les pratiques estudiantines vient considérablement changer la donne. Peut-on soutenir encore, par exemple, que nous vivons dans un monde où les exigences littéraciées vont en augmentant (Scheepers et Delneste, p. 38) ? Dans un monde idéal et pour reprendre les thèses de Huff, les outils de l’IA facilitent l’exécution de tâches routinières associées aux écrits académiques (formater les références selon les normes APA, par exemple) et devraient permettre aux étudiantes et étudiants de se focaliser sur les éléments plus complexes et exigeants des études supérieures. Or, à l’heure actuelle, les étudiantes et étudiants recourent massivement à l’IA dans le cadre de la réécriture, de la correction orthographique, mais aussi malheureusement pour des opérations de lecture et de documentation, de sélection d’informations en vue de la constitution du cadre théorique, avec tous les problèmes posés par les biais et la désinformation qu’occasionnent de « mauvais usages » de ces outils. Les questions éthiques liées à l’intégrité intellectuelle et au processus de validité scientifique se posent avec urgence et les normes institutionnelles, trop larges, ambigües, voire carrément absentes, favorisent l’apprentissage de la machine, au détriment de celui de l’étudiant. Le temps gagné grâce à l’IA peut alors être alloué à d’autres loisirs en ligne fort éloignés de tout ce qui pourrait être associé à une pratique littéraciée.
Roxane GAGNON
Pierre SÈVE, Véronique ANSART & Stéphane DÉGEORGES (2024). La Fabrique de grammaire du CE1 au CM2, Hatier, coll. « Enseigner à l’école primaire » (224 p., 26 euros)
Cet ouvrage est le résultat d’un travail d’envergure : un enseignant-chercheur, une inspectrice de l’Éducation nationale et un conseiller pédagogique ont mis à profit leur longue expérience de l’enseignement et de la formation, et se sont adjoints la collaboration d’enseignants qui ont testé les démarches proposées dans leurs classes. Cette Fabrique de grammaire se présente comme un outil destiné aux enseignants et contribue à un renouveau de l’enseignement grammatical. Il porte plusieurs préoccupations majeures et les fait tenir ensemble de part en part : questionner les notions enseignées, les préciser, les articuler les unes aux autres ; s’intéresser aux raisonnements des élèves et aux obstacles à la compréhension des notions ; proposer des démarches concrètes pour réfléchir sur le fonctionnement de la langue et tisser des liens avec les activités de lecture et d’écriture. L’ouvrage parait conjointement à la mise en ligne progressive de diverses ressources pour l’enseignement de la grammaire, notamment des « situations d’apprentissage » présentées de manière détaillée (consignes, corpus, écrits de travail et traces écrites de ce qu’on a appris) (https://la-petite-fabrique-de-grammaire.fr). L’ensemble constitue un matériau riche, à la fois accessible et solidement étayé.
Les auteurs partent du principe qu’étudier la langue consiste à marquer un temps d’arrêt et à faire un « saut » (p. 9), qui demande de « prendre les élèves là où ils en sont » (p. 156) et de leur donner une « boussole » – la fabrique du savoir grammatical est comparée à la navigation : les activités proposées sont à rattacher à une visée qui fait leur intérêt ; cette visée relève de la compétence métalinguistique et se définit comme une « posture par rapport à la langue », permettant un « contrôle délibéré dans le maniement de la parole et de l’écrit en lecture et en production » (p. 151). La démarche proposée combine l’exigence d’enseigner plus explicitement et celle d’apprendre par la découverte, la curiosité, l’investigation. Les auteurs soulignent que les situations proposées relèvent d’une démarche inductive, mais que l’explicitation y est centrale et concerne les finalités et les moyens que se donne le grammairien.
La première partie de l’ouvrage porte sur un ensemble de « difficultés cruciales ». Les notions à enseigner sont abordées à partir de ce qui pose problème aux élèves, de la complexité de la langue et de la démarche d’analyse, des limites ou de l’opacité de certains choix terminologiques et procédures enseignés. Cette partie s’ouvre par « les difficultés de l’orthographe », se poursuit par des notions fondamentales, toujours envisagées au prisme des compétences en jeu (le nom et le verbe, le verbe et son sujet, le groupe verbal et sa structure etc.), et intègre la question de l’énonciation et celle de la segmentation à l’écrit. Chaque chapitre commence par « Pourquoi est-il difficile de… », « Pourquoi est-il important de… », ce qui est révélateur de l’attention portée au sens à donner à l’enseignement grammatical, pour les élèves comme pour leurs enseignants. La rubrique « Ce qu’il faut savoir pour enseigner » amène à s’interroger sur ce que l’on enseigne pour mieux cibler l’intervention. Des propositions de progression du CE1 au CM2 sont systématiquement fournies sous forme de tableaux synthétiques, qui font ressortir la logique curriculaire (première approche, mise à l’étude, approfondissement) et une situation d’apprentissage précise est décrite étape par étape, de manière claire et concise. Un atout majeur de ce premier chapitre est d’amener les élèves à réfléchir en termes de groupes de mots. À cela s’ajoutent l’analyse des spécificités de la langue écrite et la mise en relation entre l’étude du fonctionnement de la langue et les problématiques relevant de la production et de la compréhension. Par exemple, l’analyse des paragraphes de l’écrit combine une approche visuelle des textes, l’examen des compléments circonstanciels qui servent de cadratifs et celui des déterminants jouant sur la cohérence textuelle.
La seconde partie de l’ouvrage s’attache à expliciter la démarche proposée pour faire de la grammaire en classe. L’objectif est de mettre les élèves « en situation d’investiguer » (p. 175). La première étape amène à une posture de questionneur, la seconde une posture de chercheur et laborantin, consistant à mener des observations à partir d’hypothèses pour identifier des régularités ou établir les notions, la troisième vise la remobilisation des connaissances dans des situations d’entrainement et la quatrième le réinvestissement dans le dire, lire et écrire. Cette partie met l’accent sur les écrits de travail individuels ou collectifs produits au cours de la séquence. Elle apporte des précisions sur la constitution de corpus et les activités de classement, et se caractérise par le souci constant d’éclairer ce que signifie faire de la langue un objet d’étude.
L’ensemble réussit à tirer profit des recherches linguistiques et didactiques et à s’inscrire en cohérence avec le cadre institutionnel de l’enseignement du français. L’ouvrage adopte une lecture critique de certaines notions – ainsi que des « gestes du grammairien » (p. 155) – mais ne se contente pas de relever des insuffisances. Le souci de suggérer des solutions est constant, et avec lui le pari de propositions intelligibles et opératoires, pensées en lien avec les compétences langagières et linguistiques des élèves, et les opérations qu’elles impliquent. Les éléments de discussion entourant la notion de complément circonstanciel, ses critères de reconnaissance (notamment le déplacement) et la question de la distinction entre compléments de verbe et de phrase en sont un très bon exemple. Il en va de même pour la discussion sur les limites de la notion de verbe d’état et la proposition d’utiliser un critère de coréférence pour définir l’attribut. Le propos n’est pas seulement de donner aux enseignants des outils pour la classe, mais d’outiller leur vision de la grammaire et de son enseignement. L’ouvrage évite par ailleurs le piège d’un discours convenu : que l’approche par le sens puisse faire obstacle à l’enseignement grammatical ne doit pas conduire hâtivement à l’évacuer. Au contraire, les auteurs montrent comment prendre appui sur les conceptions des élèves, passer des « enjeux des propos » à leur « mode de construction » (p. 9), prendre soin de toujours identifier et caractériser ce qui relève du sens (« qu’est-ce que ça dit ? »), de la morphologie (« à quoi ça ressemble ? »), de la syntaxe (« comment est-ce que ça s’insère dans l’organisation d’une phrase, d’un texte ? ») (p. 159). Combinant situations prêtes à l’emploi et hauteur de vue sur l’enseignement grammatical et les compétences à développer chez les élèves, cet ouvrage sera utile aux enseignants au primaire comme au secondaire, ainsi qu’à leurs formateurs.
Fanny RINCK
REVUE DES REVUES
A.N.A.E. Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant, n° 196, 2025, dossier « Santé mentale des enfants et des adolescents : mieux comprendre pour mieux intervenir » coordonné par Annie Stipanicic & Francine Lussier, https://www.anae-revue.com/
Comment s’en tirent les jeunes les plus vulnérables, ceux qui présentent déjà des fragilités émotionnelles, des difficultés d’apprentissage, des défis d’adaptation ainsi que des troubles neurodéveloppementaux ? Existe-t-il des profils cognitifs qui sous-tendent cette vulnérabilité ? Quelle est la contribution du facteur cognitif sur ces trajectoires inéluctables qu’impose l’actualité ? Les différents types de passage à l’acte, de plus en plus nombreux chez les plus jeunes et les adolescents, en seraient-ils la conséquence ? Les jeunes d’aujourd’hui, en particulier ceux avec des troubles d’apprentissage ou neurodéveloppementaux (TDAH, TSA), font face à des défis accrus : isolement, anxiété, surexposition numérique, discrimination, bouleversements sociaux… Pour tenter de répondre, ce nouveau numéro interdisciplinaire d’ANAE réunit des experts de la psychologie, neuropsychologie, pédiatrie, sexologie et éducation spécialisée pour penser ensemble la santé mentale à l’intersection du développement, de l’environnement et des inégalités sociales pour approfondir notre compréhension des vulnérabilités actuelles et répondre aux questions qui se posent.
Au sommaire : « Avant-propos – Qu’en est-il de la santé mentale chez les jeunes neurotypiques et les jeunes avec des défis neurodéveloppementaux » par A. Stipanicic & F. Lussier ; « La santé mentale des jeunes face aux défis contemporains » par C. Hlavacek ; « L’adolescence, une période de vulnérabilité développementale pour la santé mentale » par J. Helson ; « Sexualité à l’adolescence : perspective multidimensionnelle et considérations neurodéveloppementales » par J. Kotiuga & A. Leclerc ; « Les réseaux sociaux : une nouvelle mesure dans la prise des signes vitaux des adolescents ? » par W. Donnot & O. Jamoulle ; « Regard sur l’éco-anxiété : comment travailler avec l’éco-anxiété pour favoriser l’engagement et le bien-être ? » par M. Boivin ; « Changements climatiques et éco-anxiété : se tourner vers l’avenir » par C. Popescu ; « Les jeunes issus de la diversité culturelle : facteurs de vulnérabilité et de résilience » par G. Hassan ; « Diagnostic et gestion des comorbidités TDAH et troubles anxieux chez le jeune : approches développementales » par S. Henrard ; « Harcèlement scolaire et trouble du neurodéveloppement (TND) » par M. Rebattel ; « Comment améliorer les relations amicales et amoureuses chez les personnes autistes » par I. Hénault ; « Santé mentale des jeunes autistes : comparaison des données empiriques avec celles retrouvées dans la littérature scientifique et pistes de solution » par V. Langlois, M.-P. Lessard, S. Caillé & V. Courchesne ; « L’adolescence comme période de vulnérabilité pour les troubles psychiatriques » par G. Chiniara ; « Mise à jour sur l’image corporelle et les troubles des comportements alimentaires chez les jeunes » par M.-P. Gagnon-Girouard. Et en « Varia » : « Conceptions de l’intelligence, motivation et réussite scolaire : une revue de littérature » par R. Dorgnier, M. Mazerolle, F. Maquestiaux & L. Picard.
DIDACTIQUE DU FLES. Recherches et pratiques, n° 3(2), 2024, dossier « Enseigner l’orthographe en FLES : entre tradition et innovation », coordonné par Martha Makassikis, https://www.ouvroir.fr/dfles/index.php?id=1106
En raison de son rôle crucial dans la communication écrite, l’orthographe devrait occuper une place de choix dans l’apprentissage du français langue étrangère et seconde (FLES). En FLE, où les apprenants proviennent d’horizons linguistiques variés, l’apprentissage et la maitrise de la norme orthographique française représente un repère commun favorisant la compréhension mutuelle, transcendant l’idée de simple correction d’erreurs. En renforçant leur compétence écrite et leur compétence linguistique globale, l’orthographe contribue à forger une communication efficace et à consolider l’aptitude langagière des apprenants. Pour ce faire, le présent volume rassemble des contributions qui se centrent sur des problématiques spécifiques aux apprenants en FLES et mobilisant divers cadres théoriques (psycholinguistique, linguistique, sociolinguistique, historique…). En effet, comme tout objet d’enseignement-apprentissage, l’orthographe française subit des pressions de son environnement et est notamment sujette à des représentations de la part des apprenants, des enseignants et des institutions qui en sont les garantes.
Au sommaire : « Enseigner l’orthographe en FLES : entre tradition et innovation » par Martha Makassikis ; « Apprentissage des homophones verbaux en FLE : le cas des apprenants chinois » par Yilun Li & Xinyu Wang ; « Apprentissage de l’orthographe : quelles différences entre élèves allophones et natifs ? » par Julie Prévost & Christophe Benzitoun ; « Enseigner les accents graphiques en FLE » par Martha Makassikis & Jean-Christophe Pellat ; « L’orthographe en FLES : une approche plurisystémique pour l’apprentissage et la maitrise des quatre zones graphiques » par Charlène Chaupré-Berki. Et en « Varia », signalons les trois articles qui ont retenu notre attention : « Fautes récurrentes en FLE et pratiques enseignantes au niveau A2 » par Maria Roussi & Sophie Baroutsaki-Tsirigoti ; « L’argot en théorie et en pratique : sa place dans l’enseignement du FLE » par Daiva Mickūnaitytė ; « Le français des cinq sens : enseigner le FLE autrement » par Baya Mihoubi.
FABULA. Littérature, histoire, théorie, n° 33, avril 2025, dossier « Musique et réflexivité de la littérature » dirigé par Alain Corbellari & Augustin Voegele, https://www.fabula.org/lht/33/
En concevant ce dossier, ce que les coordinateurs ont voulu faire c’est avant tout une mise au point. Que les gens de lettres pensent (dès avant la cristallisation de la notion même de littérature avec la révolution romantique allemande, et plus encore après bien sûr) la littérature par comparaison avec la musique, c’est une évidence : mieux, c’est un fait, tout simplement. En revanche, les modalités de ce face-à-face sont trop diverses, et ont trop varié dans l’histoire (celle de la littérature, celle de la musique, celle de l’intermédialité aussi, surtout peut-être), pour que cette évidence ne devienne pas trompeuse faute d’une analyse détaillée de la multiplicité des pratiques qu’elle subsume et, d’une certaine façon, obnubile. Au-delà des « Réflexions introductives », le dossier s’organise en deux ensembles : « Entre musique et littérature, des comparaisons “où l’Indécis au Précis se joint” ? » ; « Un espace commun – mais plus littéraire que musical ? ».
Au sommaire : « La musique, un miroir que l’on promène le long de la littérature ? » par Augustin Voegele & Alain Corbellari ; « La comparaison avec la musique, ou la littérature au stade du miroir ? Entretien avec Éric Wessler » par Augustin Voegele & Éric Wessler ; « Imaginaires musicaux du long XIXe siècle : une lecture à distance » par Lucia Pasini ; « Gide, Claudel, Romains : des comparaisons sciemment imprécises entre littérature et musique ? » par Augustin Voegele ; « Le Concert sans orchestre, de Robert Schumann à Jean-Paul Zimmermann : entre rhématique et thématique, réflexions sur un titre littéraire emprunté à la musique » par Alain Corbellari ; « Il faut toujours penser l’Écriture en termes de musique » par Claude Coste ; « Écrire et lire autrement la musique : la leçon des pantomimes de Diderot » par Damien Dauge ; « J’ai lu un concert… Les scènes de concert chez Proust, Butor et Gailly » par Claire Massy-Paoli ; « Les “musiques noires” comme miroir dans les littératures de l’Atlantique noir : lecture éc(h)opoétique » par Marion Coste ; « D’une notation à l’autre : partition et (in)suffisance du texte » par Juliette Drigny. Et en « Varia » : « Roland Barthes, avocat sans conviction et critique intraitable du surréalisme » par Iulian Toma ; « Se réapproprier les mythes : l’Epistre Othea, Les Guérillères et le Brouillon pour un dictionnaire des amantes » par Prunelle Deleville.
LANGAGES, n° 238, juin 2025, dossier « Annotation de l’oral », dirigé par Lotfi Abouda, Florence Lefeuvre & Flora Badin, Armand Colin, https://www.revues.armand-colin.com/lettres-langues/langages/langages-ndeg-238-22025
Cette livraison de Langages contribue à une « véritable linguistique outillée de l’oral spontané », dans une perspective pluridisciplinaire reposant sur la réflexion de linguistes et de informaticiens, et fondée sur des approches théoriques et méthodologiques provenant d’horizons variés. Le volume rend ainsi hommage à la tâche d’annotation aussi chronophage que déconsidérée, et souvent déléguée, dans les projets de grande envergure, à des « petites mains » souvent munies, pour seul bagage et outil de travail, d’un guide d’annotation dont les fondements leur échappent. Comme le montre ce dossier thématique, l’annotation est désormais au cœur, sinon au départ, des analyses linguistiques. En tant que telle, elle repose sur des choix stratégiques (le bon outil, adapté au corpus et à l’objet de la recherche) qui sollicitent à chaque instant la réflexion de spécialistes du langage. Dans le cas de l’annotation de l’oral, qui est filtrée par toute la démarche de la transcription, la complication vient de paramètres supplémentaires (prosodie, disfluences, détermination des unités syntaxiques, etc.) qui ajoutent des niveaux ou des couches d’annotation. Les contributions qui suivent posent ainsi un certain nombre de questions cruciales : quels outils (manuels et/ou automatiques) retenir et pour quels types d’analyse ? Comment garantir la reproductibilité d’une démarche ? Quelles sont les bonnes pratiques en la matière ?
Après l’éditorial de Catherine Schnedecker & Céline Vaguer-Fekete, le sommaire du numéro comprend sept articles : « Annotation de l’oral » par Lotfi Abouda, Florence Lefeuvre & Flora Badin ; « Annoter ou ne pas annoter : vers une définition des contextes de liaison » par Marie-Hélène Côté ; « Variation des structures syntaxiques en français parlé » par Anne Catherine Simon & Liesbeth Degand ; « La question est-elle improvisée ? Annotation et analyse de questions spontanées vs préparées » par Iris Eshkol-Taravella & Angèle Barbedette ; « Et les interrogatives en français contemporain, ça marche comment ? » par Christophe Benzitoun ; « Annotation topologique à l’oral spontané des marqueurs discursifs interactionnels tu sais et tu vois » par Florence Lefeuvre ; « De disons à on va dire : modaliser le dire en micro-diachronie » Lotfi Abouda, Marie Skrovec & Flora Badin.
LANGUE FRANÇAISE, n° 226, juin 2025, dossier « L’analyse du discours », dirigé par Dominique Maingueneau, éditions Armand Colin, https://www.revues.armand-colin.com/lettres-langues/langue-francaise/langue-francaise-no-226-22025
Le dossier de ce volume de Langue française offre un panorama représentatif de l’analyse du discours francophone dans ses développements actuels, même s’il ne prétend pas présenter un ensemble fidèle des multiples recherches dans le domaine. On lira ainsi avec profit l’introduction de Dominique Maingueneau qui décrit avec précision l’histoire de cette discipline, aux contours épistémologiques progressivement élargis, inscrits dans des champs disciplinaires diversifiés. Et même si les recherches exposées ici se limitent au domaine francophone, nous voyons combien celles-ci s’appuient toujours sur une conception de l’analyse du discours que le même auteur a explicité, il y a une trentaine d’années, en la caractérisant comme « une discipline qui rapporte la structuration des énoncés aux lieux sociaux qui les rendent possibles et qu’ils rendent possibles » (p. 3).
À la suite de cette « Introduction » de Dominique Maingueneau, le sommaire comprend sept article : « Le sujet parlant au cœur du discours : les conditions d’une sémiolinguistique du discours » par Patrick Charaudeau ; « AD et IA : de la lexicométrie aux réseaux de neurones, l’inquiétude méthodologique de l’analyse du discours » par Damon Mayaffre & Laurent Vanni ; « L’intégration de l’argumentation dans l’analyse du discours : perspectives historiques et enjeux théoriques » par Ruth Amossy ; « Analyser les discours en “info-com” : une histoire de “boite à outils” ? » par Alice Krieg-Planque ; « Perspectives épistémologiques de l’analyse du discours numérique : l’exemple de TikTok » par Damien Deias : « Le discours religieux comme discours constituant » par Dominique Maingueneau ; « Analyse du discours et critiques politiques : du genre à l’écriture inclusive » par Laurence Rosier.
LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS, n° 341, mai 2025, dossier « Émile Bravo », Centre national de la littérature de jeunesse de la BnF, https://cnlj.bnf.fr/fr/file/rlpe-341jpg
La revue propose de suivre le travail d’Émile Bravo en ouvrant les portes de son atelier. Il a permis un accès à ses œuvres, de même qu’à ses inspirations et à sa manière d’écrire. On apprend ainsi de lui que ses ouvrages dessinées font appel à sa conscience individuelle et collective, mais aussi à son sens de l’histoire contemporaine, à sa critique des figures d’autorité, à des niveaux de lecture qui organisent ses contes détournés ou ses bandes dessinées, et qui projettent ses créations bien au-delà. Les articles qui suivent offrent une rencontre originale avec un auteur d’une grande générosité, et qui concourent au partage d’une lecture toujours patiente et exigeante.
Au sommaire : « Le dessin a été ma première écriture » entretien d’Émile Bravo avec Olivier Piffault & Véronique Heurtematte ; « Parcours bibliographique en images » par Pascale Joncour ; « Dans les coulisses du processus créatif » par Émile Bravo ; « L’atelier Nawak et l’atelier des Vosges. Souvenirs des années bohème » par Loïc Boyer ; « Le seul but d’Émile, c’est de raconter des histoires » entretien avec Jean Régnaud composé par Pascale Joncour ; « Une plongée dans la guerre au fil d’un roman graphique puissant » par Didier Pasamonik ; « Jules, Janet, Spirou, les 7 ours nains : portraits de familles » par Romain Gaillard ; « Dans la bibliothèque idéale d’Émile Bravo » par Véronique Heurtematte. Suivent les rubriques habituelles avec les nouveautés, la revue de presse jeunesse, les livres de références, l’actualité des évènements, les rencontres et réflexions, la vie de l’édition et des libraires, la revue des revues.
LIDIL, n° 71, 2025, dossier « L’adjectif, les adjectifs : regards linguistiques et didactiques » dirigé par Jacques David & Fanny Rinck, UGA éditions, https://journals.openedition.org/lidil/13542
Ce dossier thématique de la revue Lidil aborde l’adjectif en croisant des problématiques linguistiques et didactiques. Son objectif est de s’interroger sur les difficultés posées par la notion d’adjectif et sa pluralité fonctionnelle, dans les dimensions morphographique, syntaxique, sémantique et pragmatique de ses usages, et sur la manière dont il est enseigné, compris et traité. Le dossier traite des problèmes posés par la définition de l’adjectif (ou plutôt des adjectifs) en tant que classe grammaticale en français. Il s’intéresse également à ses usages chez les apprenants, et notamment à la morphographie de l’adjectif, à la position de l’adjectif épithète pour les locuteurs allophones, à sa place et à ses valeurs dans les textes d’élèves. Les contributions recourent à des analyses de corpus, des approches expérimentales en linguistique, des tests auprès d’élèves de différents niveaux, des recueils de verbalisations métagraphiques pour montrer la complexité de l’adjectif dans les grammaires et son traitement en classe, afin d’ouvrir des pistes pour sa didactisation, notamment dans la formation des enseignants.
Au sommaire : « Présentation - L’adjectif, les adjectifs : regards linguistiques et didactiques » par Jacques David & Fanny Rinck ; « Les possessifs ou la complexité d’une catégorie. Perspectives linguistiques et didactiques » par Tatiana Taous ; « Adjectif déterminatif, article, déterminant : le déterminant en question(s) » par Jan Goes ; « L’acquisition du placement de l’adjectif épithète en français L2 par les apprenants sinophones , la surgénéralisation du principe “court-avant-long” » par Zhanglin Xie & Barbara Hemforth ; « L’accord de l’adjectif au pluriel : casse‑tête ou jeu d’enfant ? Une analyse des conceptions des jeunes scripteurs en suisse romande » par Mireille Rodi & Thierry Geoffre ; « L’adjectif appréhendé par les étudiant.e.s. Étude des “méthodes” déclarées pour résoudre les accords adjectivaux » par Aurore Schoenecker, Ana Dias-Chiaruttini & Dalila Moussi ; « Quelle conceptualisation du participe passé à valeur adjectivale chez les élèves de cycle 3 ? » par Eleni Valma & Céline Corteel ; « L’adjectif dans des productions écrites françaises et italiennes de CE2 : influences scolaires et usage limité » par Sara Mazziotti ; « Concevoir une séquence d’enseignement-apprentissage de l’adjectif : pièges et difficultés en formation initiale » par Annette Schmehl-Postaï. Et en « Varia », Représentations linguistiques du mooré des non‑Moose adultes de la ville de Ouagadougou » par Wendnonga Gilbert Kafando.
L’INFORMATION GRAMMATICALE, n° 185, mars 2025, dossier « Histoire de la langue et enseignement du français » dirigé par Pierre-Yves Testenoire, Peeters Online Journals, https://poj.peeters-leuven.be/content.php?url=issue&journal_code=IG&issue=0&vol=185
Au-delà des injonctions institutionnelles, l’objectif de ce numéro est de réfléchir à la place de l’histoire de la langue dans l’enseignement du français : place réelle, dans la pratique des classes hier et aujourd’hui, et place possible, voire souhaitable. Les auteurs sollicités réfléchissent ainsi aux conditions de mise en œuvre de perspectives d’histoire de la langue dans l’enseignement du français en milieu scolaire : selon quelles modalités, à quels niveaux et pour quels objectifs. Le volume s’efforce ainsi de couvrir les trois grands domaines de l’étude de la langue - grammaire, orthographe et lexique - enseignés aujourd’hui dé l’école au lycée.
Au sommaire : « Présentation - Histoire de la langue et enseignement du français » par Pierre-Yves Testenoire ; « L’histoire de la langue dans l’enseignement du français. Contenu(s) et enjeu(x) » par Bérengère Bouard & Bernard Combettes ; « Enseigner la grammaire française “par le détour du latin”. Rémanence d’une vieille idée » par Pierre-Yves Testenoire ; « L’étymologie dans l’enseignement du français (XIXe-XXIe s.). Quels enjeux ? » par Muriel Jorge ; « Quels savoirs grammaticaux construire à partir des textes du Moyen Âge ? » par Blandine Longhi ; « Initier les futurs professeurs des écoles à l’histoire de l’orthographie ? » par Thomas Bertin & Hélène Le Levier.
LINGUISTIQUE DE L’ÉCRIT, n° 5, dossier « Approches linguistiques de l’orthographe du français », dirigé par Jacques David & Claire Doquet, https://linguistique-ecrit.org/pub-266746
Le présent volume revient sur la question de l’orthographe française afin de dresser un état des connaissances, aujourd’hui accessibles en sciences du langage par l’exploration de vastes corpus parfois issus de pratiques profondément modifiées par l’usage des nouvelles technologies. Il s’agit d’offrir aux lecteurs – et plus largement aux usagers de l’écrit – des nouvelles données sur des recherches qui objectivent les acquis linguistiques dans le domaine. L’ambition affichée est de présenter un ensemble de travaux permettant de décrire et d’analyser le fonctionnement de notre orthographe et d’en dépasser les visions dogmatiques.
Au sommaire : « Présentation - Approches linguistiques de l’orthographe d’hier à aujourd’hui » par Jacques David & Claire Doquet ; « L’orthographe, entre phonographie et sémiographie » par Jean-Pierre Jaffré & Jean-Christophe Pellat ; « Normes et agences orthographiques. Esquisse d’une pragmatique des graphèmes » par Jean-Marie Klinkenberg & Stéphane Polis ; « Regard historique sur quelques jalons de l’historiographie de l’orthographe française » par Muriel Jorge ; « Soudures et sur-segmentations chez les scripteurs peu lettrés de la Grande Guerre : des indices de routines graphiques ? » par Beatrice Dal Bo ; « Orthographe française. Quelles perspectives ? » par Christophe Benzitoun ; « Vers une réforme des consonnes doubles. Analyse d’un corpus et propositions ? » par Anne Dister & Marie-Louise Moreau ; « Orthographe rectifiée et écriture inclusive, pour une didactique de la contradiction ? » par Florence Epars & Roxane Gagnon ; « L’orthographe normée, le caillou dans la chaussure épistémologique des linguistes » par Christian Surcouf.
PARTAGES, n° 2, 2025, dossier « Écrire ensemble ? » dirigé par Aurore Promonet-Thérèse & Véronique Lemoine-Bresson, UGA éditions & Prairial, https://publications-prairial.fr/partages/index.php?id=214
L’écriture outille le développement des connaissances et conduit à la formalisation et à la prise de distance critique par rapport à l’action. Elle favorise l’appropriation de savoirs, l’expression personnelle voire l’émancipation. Que sait-on de la coécriture et de ses effets, encore peu explorés ? Le numéro aborde cette question, à propos de situations d’apprentissage, d’étayage enseignant et de collaboration en recherche. Par la coécriture, est questionnée sous un jour nouveau la question de la posture des auteurs d’écrits réflexifs, en raison de l’hétérogénéité des contributeurs. Écrire ensemble exige en outre un dialogue à double visée : faire progresser le texte et en discuter la production. Dans cette activité, les personnes corédactrices peuvent formaliser leur activité, valoriser des travaux communs, diffuser leurs résultats de recherche. Mais chacune a alors à trouver sa place dans le processus. Ce dossier de la revue Partages aborde donc des pratiques spécifiques de coécriture dans l’éducation et la formation. Il réunit des articles coproduits entre divers acteurs. Les contributions explorent le processus corédactionnel et les rôles des contributeurs, ainsi que les effets de l’activité rédactionnelle plurielle. Les articles sont répartis en trois axes ; i) écrire ensemble en recherche collaborative ; ii) écrire ensemble pour travailler le processus rédactionnel ; iii) écrire ensemble pour faire vivre les langues.
Au sommaire : « Pratiques participatives d’écriture du récit d’un changement, “Déménagements et émancipation” » par Jean-François Marcel ; « Écrire en recherche collaborative : processus de coécriture autour de la relation école-famille » par Caroline Hache, Estelle Kerbrat, Valérie Webb, Florence Fouques, Magali Ruiz, Sylvie Philipp & Clotilde Granado ; « Écrire ensemble pour analyser ses pratiques et se développer professionnellement » par Christophe Müller & Julian Manneville ; « Des classes “écrivantes” : travailler ensemble le processus de l’écriture en cycle 3 » par Stéphane Dégeorges & Fanny Rinck ; « Dimensions culturelles, biographiques et réflexives de la coécriture : le cas d’étudiants allophones en préparation aux études de master » par Yannick Djiecheu ; « Coécrire la femme aujourd’hui : un projet théâtral d’écriture collaborative plurilingue à partir du fil Twitter #MeToo » par Elsa Caron ; « L’atelier slam comme cocon pour coconstruire un écridire » par Camille Vorger.
PRATIQUES, Linguistique, littérature, didactique, n° 205-206, juillet 2025, dossier « L’enseignement de la fiction de l’école à l’université » dirigé par François Le Goff, Marion Sauvaire & Jean Deilhes, IFÉ & ENS de Lyon, https://journals.openedition.org/pratiques/16529
Ce numéro de Pratiques explore la fiction et ses lectures dans le cadre des enseignements scolaires. Pour des raisons qui appartiennent certainement à l’histoire de la discipline scolaire du français, mais aussi à la nature complexe de la fiction comme création de l’imagination en littérature, la fiction proprement dite et en tant qu’objet d’enseignement n’a pas été interrogée. C’est toute l’ambition de ce numéro organisé en quatre volets.
Le premier d’entre eux, aborde la fiction sous l’angle des savoirs didactiques : « Pour une théorie didactique de la fiction » par Brigitte Louichon ; « Du faire de la fiction à la “métaphore vive” en didactique de la littérature » par Nathalie Brillant Rannou ; « La fiction comme objet d’enseignement » par Bruno Védrines ; « Découvrir des Bovary et des bovarysmes contemporains. De quelques expéditions en terres fictionnelles et de leurs enjeux » par Gersende Plissonneau ; « De la lecture fictionnelle à la lecture professionnelle des enseignants » par Anissa Belhadjin & Marie-France Bishop ; « Lire les œuvres de fiction » table ronde avec Raphaël Baroni, Jean-Louis Dufays, Bertrand Gervais, Vincent Jouve, Alexandre Gefen, Hélène Merlin-Kajman & François Le Goff.
Le deuxième volet présente une diversité des usages et des réceptions des textes de fiction, dans ses dimensions cognitives, émotionnelles, esthétiques : « Comment les élèves lisent (ou pas) les fictions scolaires » par Maïté Eugène ; « Création et réception de fictions théâtrales, une “conversation” à quatre temps (ou plus) » par Sandrine Bazile ; « Enseignement de la fiction au cycle 3 et malentendus » par Aldo Gennaï & Patricia Richard-Principalli ; « Vivre une expérience esthétique par la fiction et mieux se comprendre » par Stéphanie St-Onge ; « Le corps à l’œuvre dans une expérience de “spectature-lecture” des Mystères de Paris » par Bénédicte Shawky-Milcent & Véronique Puybaret.
Le troisième cadre d’investigation de la fiction est celui des parcours éthiques dans la lecture de fiction : « Pouvoirs éthiques de la fiction : la face cachée de la lecture scolaire ? » par Yoann Daumet ; « Les procès de personnages fictifs : quels processus de fictionnalisation pour quelle(s) expérience(s) de lecture(s) ? » par Marion Mas ; « L’intertexte juridique comme mode d’exploration de la fiction littéraire : étudier “Aux champs” en classe de 3ème à l’aune du droit de l’adoption » par Nicolas Rouvière.
Le dernier volet s’intéresse à la diversité des formes textuelles ou éditoriales de la fiction auxquelles les lecteurs sont exposés à l’école : « Frontières de la fiction : quelles représentations dans les supports d’enseignement, de la maternelle au lycée ? » par Sonia Castagnet-Caignec, Pierre-Louis Fort & Virginie Tellier ; « L’effet des formats de textes sur la réception du récit de fiction en Français langue étrangère et seconde. Œuvre intégrale, texte adapté et extraits d’une œuvre » par Donatienne Woerly ; « Le rapport à la fiction des adolescent·es lecteur·rices d’albums : quelles difficultés d’interprétation du côté des élèves, quel regard sur ces difficultés du côté des enseignant·es ? » par Séverine De Croix & Dominique Ledur ; « Extrait et défictionnalisation romanesque : le cas des Lettres persanes et de La Nouvelle Héloïse (1800-2021) » par Laetitia Perret.
Le dossier est enrichi d’une discussion (fictive) à plusieurs voix entre des théoriciens de la lecture et de la fiction. Dans une diversité d’approches poétique, narratologique, épistémologique, anthropologique, didactique, la fiction est débattue dans ses relations avec les genres littéraires, les valeurs, les savoirs, les émotions, le personnage.
SCOLIA, n° 39, 2025, dossier « Paroles d’experts », coordonné par Anne Theissen, Yirméyan Rémi Belem, Jinwoo Cha & Anastasia Kananovich, éditions de l’École rhénane des Sciences du langage, https://journals.openedition.org/scolia/
Ce volume Scolia sort de l’ordinaire, à la fois par sa conception, sa coordination et les articles qu’il comporte. Il présente, en effet des « contributions-leçons » tenues, durant l’année universitaire 2023-2024, dans le cadre d’une formation en ligne en format webinaire appelée « Paroles d’experts : École rhénane des Sciences du langage (ErSciLang) », école qui fut mise sur pied avec deux objectifs principaux : contribuer d’une manière nouvelle à la formation universitaire en Sciences du langage et ouvrir cette formation à l’international. Les six « leçons » présentées, données par des chercheurs, reconnus nationalement et internationalement pour être des experts dans leur domaine, visent ainsi à faire le point sur des questions aussi bien générales que particulières du domaine abordé.
Au sommaire : la présentation du dossier par Anne Theissen, suivie de six articles : « Qu’est-ce que la linguistique ? » par Jean-Claude Anscombre ; « Approche aspectuo-temporelle des temps verbaux de l’indicatif en français : pour avancer » par Jacques Bres ; « La relation verbe-objet en français : aspects diachroniques » par Bernard Combettes ; « La sémantique de l’(inter)action verbale. Élaboration d’un pont conceptuel entre la lexicalisation des actes de langage et leurs marqueurs discursifs » par Olga Galatanu ; « La formule : vers une définition unitaire » par Emilia Hilgert ; « Les types de déterminants du nom en français : classer les indéfinis » par Claude Muller.
TRIAGES. Revue littéraire et artistique, n° 37, juin 2025, Tarabuste éditions, https://www.laboutiquedetarabuste.com/triages-revue.m/s534024p/2025-Revue-TRIAGES-n-37
Véritable laboratoire des inquiétudes, Triages est d’abord une revue d’éditeur... et le moyen le plus direct de converser avec des lecteurs impliqués. C’est aussi une tribune offerte à une génération de jeunes créateurs en prise avec les questions héritées de leurs ainés.
Le sommaire de ce 37ème volume comprend six parties plus ou moins étendues. La première intitulée « Des écritures qui font signe », comprend « Nuit » de Henri Bihan ; « Cinq oiseaux » de Jean-Yves Cadoret ; « Les Vermicelles » de Muriel Chemouny ; « Coitus disruptus ≠ façons d’aimer » de Carole Cohen-Wolf ; « Ce qui en moi résiste » de Danièle Corre ; « Dompierre-les-Ormes » d’Elsa Dauphin ; « Granits et le vent » de Sylvie Durbec ; « Quarante-neuf îles » de Didier Lesaffre / « Lieux communs » de Miguel Lopez. La deuxième intitulée « Quelqu’un passe et nous emmène », repose sur une seule contribution « Du feu autour de l’œil sur des œuvres de Irina Prentice » de Hyam Yared. La troisième sur « Des mots qui donnent la main » est un ensemble de « Poésie – Cri – Silence » proposé et présenté par Alexis Pelletier, avec « Poème du pré-cri et du pré-silence » de Philippe Beck ; « Trois mots » de Didier Cahen ; « Un cri dont on ne revient pas » de Françoise Clédat ; « Crucifié sur un cri (Johnny, le mâle aimé du blues) » de Yves Charnet ; « Que faire et comment dire ? » de Françoise Delorme ; « Silence Cri Poésie » de Ariane Dreyfus ; « Cri et Silence » de Jacques Lèbre ; Poésie, cri et silence » d’Hortense Raynal ; « Poème : seulement des mots qui s’imaginent parfois être criés, et pas de vrai silence » de James Sacré ; « De certains cris et de quelques silences » d’Alexis Pelletier. La quatrième partie est sur « Ce qu’on voit nous parle aussi », avec « J’avance dans le blanc » de Monique Tello dans un entretien avec Jean-Luc Terradillos & Dominique Truco. La cinquième partie « Les langues du métier ; matériaux pour dire » propose ce large texte « Un galop d’essai » de Pascal Commère. La sixième partie plus spécifique, comprend des hommages sous la forme d’« Échos & regards », avec « Une visite à la fondation Bemberg » suivi par « Le droit d’avoir des droits (pour Ibrahim) », suivi de « Il y a trente ans, disparaissait Louis Calaferte » de Djamel Meskache ; puis « Vent d’est » de Patrice Gauthier ; « Des voix pour continuer l’œuvre-vie de Serge Martin-Ritman » de Bastien Féry ; « Dans le silence de la nuit » d’Alexis Pelletier.
On l’aura compris, cette revue est très présente dans notre esprit, comme elle l’était dans celui de notre ami Serge Marin, alias Serge Ritman. Le numéro 36 de juin 2024, qui précède celui que nous présentons ici, comprend l’un des derniers articles de Serge, article qui, pour comble d’une ironie qu’il aurait appréciée, est un hommage à cette autre grande figure de la poésie contemporaine, Jean-Luc Parant.
VERBUM, n° 47(1), 2025, dossier « Phraséologie, diasystème, variation linguistique » coordonné par Gaétane Dostie, laboratoire ATILF, https://www.atilf.fr/publications/revues-atilf/verbum/
Ce numéro pose des jalons pour aborder l’histoire de la phraséologie dans son interaction avec la problématique de la dia-variation en français. Il s’intéresse ainsi au traitement des phrasèmes dans les dictionnaires destinés au grand public et se concentre ensuite sur les études spécialisées portant sur la variation diatopique des phrasèmes du français. L’attention se dirige, en particulier, vers les études consacrées aux expressions verbales de la francophonie du Nord et notamment des travaux initiés par Maurice Gross dans les années 1970-1980.
Au sommaire : « Présentation - Phraséologie, diasystème, variation linguistique » par G. Dosti ; « Locutions verbales usuelles examinées par des natifs de France et du Canada : uniformité et variation » par Alexandra Tsedryk ; « Étude comparative des collocations à partir d’un corpus spécialisé en environnement et d’un corpus général » par Zhiwei Han ; « Sa race : étude d’un phraséologisme émergent » par Irina Ghidali ; « La présentation du patrimoine phraséologique français dans Le Petit Robert, entre tradition et innovation : le cas des phrasèmes signifiant “avoir faim” et “manger” » par Michela Murano ; « Les motifs phraséologiques autour de <dire/écrire + mot> dans les lettres familières du XVIIe au XXe siècle » par Iris Fabry ; « Phraséologismes pragmatiques injonctifs dans la langue de spécialité : une étude contrastive français-espagnol » par Araceli Gómez Fernández.
PUBLICATIONS EN LIGNE
CORPUS LES VOCAUX, version 0.0.2, librement téléchargeable sur Ortolang, https://www.ortolang.fr/market/corpora/lesvocaux
La nouvelle version 0.0.2 de ce site, que nous avons déjà présenté, contient la totalité du corpus, soit 1196 fichiers audio provenant des deux collectes (dont la totalité de la campagne 2021, y compris les extraits). Ces fichiers totalisent une durée de 19 heures 32 minutes 49 secondes, correspondant à plus de 240 000 tokens transcrits. Chaque fichier correspond à un vocal authentique (sauf les extraits de la campagne 2021, identifiés comme tels dans le nom de fichier même et dans les métadonnées). Ces 1196 vocaux constituent la version complète finale du corpus (campagne 2021 et 2022). Les métadonnées ont été également enrichies par rapport à la précédente version (voir la section 8). Cette livraison inclut désormais : les fichiers audio anonymisés au format .wav ; le fichier des métadonnées associées aux fichiers au format tableur (.ods, .xlsx et .csv) (voir section 8 - Métadonnées) ; les transcriptions orthographiques au format .txt encodées en UTF8 (voir section 7 - Conventions de transcription) ; le glossaire des mots ou graphies spécifiques au format tableur ; une version TXM des transcriptions orthographiques associées aux métadonnées et annotées automatiquement en POS via la version Treetager intégrée à l’outil d’importation TXM (attention : ces annotations ne sont pas vérifiées et seront amenées à évoluer dans les distributions suivantes du corpus) ; une version compilant toutes les transcriptions précédées des métadonnées du fichier dans un seul fichier .txt (compatible Libre Office, Word, NotePad…). Les métadonnées ont été encodées de manière à être exploitable dans le logiciel Lexico (format < … >). Les fichiers .wav et .txt portent exactement le même nom, dans lequel le premier nombre correspond à l’identifiant locuteur, le deuxième nombre permet d’identifier de manière unique le vocal par un numéro (IDloc_NumVocal). Le corpus étant toujours en cours d’édition, la version distribuée doit être considérée comme une version « alpha » provisoire. Certains choix éditoriaux sont susceptibles d’être modifiés (outre les corrections d’erreurs manifestes). Il convient ainsi de veiller à citer explicitement la version du corpus utilisée pour toute recherche.
DICTIONNAIRE DU MOYEN FRANÇAIS (DMF), http://www.atilf.fr/dmf
Comme chaque année, ce site présente le texte médiéval au programme de l’agrégation de lettres 2026, ainsi que le texte du XVIe depuis l'édition 2025. Ces textes électroniques ont été enrichis par lemmatisation et étiquetage morphosyntaxique, en vue de servir d’aide à la préparation du concours de l’agrégation de lettres 2026 (le texte de Rabelais est toujours en cours de correction). Le lien direct Cliges est accessible à <http://zeus.atilf.fr/dmf/Cliges/>, le lien direct Rabelais (en cours de vérification) à <http://zeus.atilf.fr/dmf/RabelaisPantagruel/>.
Les textes des années précédentes, et d’une manière générale les éditions électroniques du DMF, constituées de textes édités ou de transcriptions inédites, lemmatisées et étiquetés en morphosyntaxe pour les plus récents, valorisées avec la plateforme de lemmatisation LgeRM, sont également disponibles et peuvent être utiles pour toute recherche, en complément du corpus DMF. Voir le site : http://www.atilf.fr/dmf, sur la page d’accueil : « Les corpus textuels du DMF ».
ENCYCLOPÉDIE GRAMMATICALE DU FRANÇAIS (EGF), http://www.encyclogram.fr/
Trois nouvelles notices ont été mises en ligne sur le site : 1) « Les Corpus et leur exploitation » par Christophe Benzitoun & Paul Cappeau (48 p.) ; 2) « Valence, actance et description du lexique verbal » par Jacques François (48 p.) ; 3) « Accentuation et phrasé » par Mathieu Avanzi & Sandra Schwab (20 p.).
Pour mémoire, l’Encyclopédie grammaticale du français (EGF) vise à dresser un bilan des acquis en linguistique du français moderne. Les auteurs de notices sont invités à rendre compte, sans exclusive ni apriori, des travaux significatifs produits dans leur champ d’étude, à évaluer l’adéquation descriptive des modèles en compétition, à en signaler les points de convergence et de divergence, à relever les lacunes et zones d’ombre de la recherche, réclamant de nouvelles investigations. Aujourd’hui, l’EGF contient 51 notices (au format PDF). Une trentaine d’autres sont en révision, en préparation ou commandées. Des outils de requête sont applicables aux notices prises individuellement ou à l’ensemble de la base. Sur le site, figurent également des indications détaillées sur la genèse et les objectifs de l’EGF, une table des matières évolutive ainsi qu’un index terminologique (462 entrées en l’état actuel).
NOUS AVONS ÉGALEMENT REÇU
ALPE, Yves, RATHES, Angela & BONNET, Stéphane (2025). Crise des savoirs scolaires et réponse aux défis globaux. L’Harmattan (188 p., 21 euros).
BOUCHEKOURTE, Mohammed, DENIZOT, Nathalie & PETRUCCI, Solenn (éds) (2025). Les Outils didactiques en questions(s). AIRDF & Université de Namur, coll. « Recherches en didactique du français » (266 p., 25 euros).
BOUDET, Martine (2025). Essai de méthodologie de lecture-écriture - Tome I « Partie théorique » - Tome II « Partie pratique ». Presses universitaires des Antilles (35 euros).
CERQUIGLINI, Bernard (2025). À qui la faute ? L’impossible (mais nécessaire) réforme de l’orthographe. Folio essais (160 p., 7 euros).
COUTEAUX, Cécile (2025). Humanités et enseignement. Histoire et enjeux actuels pour la didactique du français. Honoré Champion (404 p., 65 euros).
CONNAN-PINTADO, Christiane, PLISSONNEAU, Gersende & LALAGÜE-DULAC, Sylvie (éds) (2024). « Écrire l’esclavage dans la littérature pour la jeunesse (2) », MODERNITÉS, n° 50. Presses universitaires de Bordeaux (220 p., 16 euros).
DIAS-CHIARUTTINI, Ana (2025). Voir, lire et dire. La réception des œuvres picturales en classe et au musée. Presses universitaires du Septentrion (254 p., 21 euros).
JORGE, Muriel & TESTENOIRE, Pierre-Yves (éds) (2025). Les Notes de cours des enseignants : des objets écrits à identifier. Presses universitaires de Bordeaux, coll. « Études sur l’éducation ». (178 p., 19 euros).
MAURER, Bruno (2025). Grammaire française de l’intersubjectivité. Théorie du langage - Description grammaticale - Pratiques didactiques. Honoré Champion (464 p., 68 euros).
TEMMAR, Malika (2025). Philosophie et médias. Approche sémiodiscursive de la presse française contemporaine. Classiques Garnier, coll. « Sémiotique - 2 » (230 p., 32 euros).
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