Pour une politique de développement du spectacle vivant : l’éducation artistique et culturelle tout au long de la vie


Avis du Conseil économique, social et environnemental

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Introduction 

Le 25 septembre 2012, le bureau a confié à la section de l’éducation, de la culture et de la communication la préparation d’un avis et d’un rapport intitulés : Pour une politique de développement du spectacle vivant : l’éducation artistique et culturelle tout au long de la vie. La section de l’éducation, de la culture et de la communication, présidée par M. Philippe Da Costa, a désigné Mme Claire Gibault comme rapporteure. 

L’éducation artistique et culturelle (EAC) est un enjeu majeur des politiques éducatives et culturelles françaises. Le CESE a souhaité apporter sa contribution à une réflexion autour d’une politique sur le long terme, sans perdre de vue les ambitions et les exigences des engagements ministériels à plus court terme. 

Une volonté politique s’est affirmée récemment avec la loi d’orientation et de programmation pour refonder l’école de la République de 2013. L’avis du CESE souhaite également envisager l’éducation artistique et culturelle comme une formation continue et un « droit à l’élévation tout au long de la vie » (B. Stiegler). L’ensemble de la société a vocation à participer à cette reconsidération de la place de l’art et de la culture dans notre société. 

Le CESE a choisi de se limiter au spectacle vivant – en particulier la musique, le théâtre et la danse – pour resserrer son champ de réflexion, ce choix permettant de mettre l’accent sur un mode de connaissance par la pratique collective, particulièrement importante dans le spectacle vivant. Si la pratique individuelle est souvent un préalable, les pratiques collectives sont essentielles pour favoriser la mixité sociale, le vivre-ensemble, la lutte contre l’exclusion et pour porter un ambitieux projet de développement artistique et culturel pour le pays. Si l’art et la culture ne doivent pas être justifiés par l’obsession du lien social, ils sont à la fois les produits et les conditions de l’existence de ce lien. 

Notre société propose aux enfants une éducation qui s’adresse davantage à leur intellect, au détriment des richesses qu’apporte un développement plus complet de toutes les facultés sensibles et corporelles. La découverte de la correspondance entre un geste et une intention, de la beauté d’un mouvement, du sens d’un regard, de l’expressivité d’une voix sont des moments essentiels pour le développement cognitif. 

Pratiquer une discipline artistique doit aussi permettre d’acquérir progressivement une meilleure interprétation de la société, et d’affiner sa perception du monde artistique et de ses enjeux. 

Assister à des spectacles de théâtre, de danse, de cirque ou de rue, écouter de la musique, permettent de découvrir et de partager le plaisir et l’émotion du spectateur, de donner l’opportunité d’éveiller le désir d’art et de culture. 

 

Le CESE pose le défi de la démocratisation de l’éducation artistique, à travers lequel se pose la question fondamentale de l’émancipation du citoyen par la culture. Il déplore les inégalités d’accès à l’éducation artistique. L’avis du CESE préconise la mise en place d’une politique nationale pour l’accès de tous à l’EAC. Pour sa mise en oeuvre, le territoire apparaît comme le cadre de référence, dans le respect de la complexité d’une société donnée et de la diversité des populations qui font la France d’aujourd’hui. Une autre conception de la territorialisation doit permettre de construire des projets territoriaux inventifs, reliés à des orientations nationales, à même de lutter contre les inégalités. 

 

 

Synthèse de l’avis

L’éducation artistique et culturelle tout au long de la vie est essentielle pour le développement du citoyen et de la personne. Elle doit reposer sur la pratique artistique collective, le contact avec les oeuvres et les artistes. 

Les pratiques culturelles restent encore trop marquées par le capital culturel de chaque individu, notamment l’héritage familial et le diplôme. Entre 1973 à 2008, la fréquentation des équipements culturels par les ouvriers a connu une baisse tandis que celle des catégories socioprofessionnelles les plus favorisées a augmenté. Ces inégalités culturelles sont aggravées par les déséquilibres territoriaux, les inégalités sociales et de conditions de vie. Les initiatives dans les territoires dépendent de la volonté politique des élus et de la capacité financière des collectivités. De plus, le prix de l’enseignement artistique spécialisé dans les conservatoires constitue un frein à la pratique des jeunes et des amateurs, particulièrement pour les personnes à revenus moyens et modestes. Enfin, des stéréotypes sexués et le manque de valorisation de la diversité pèsent sur les pratiques artistiques et aboutissent parfois à de véritables discriminations. 

L’éducation artistique et culturelle doit donc passer par une généralisation de la pratique artistique dès le plus jeune âge et doit être poursuivie tout au long de la vie. Cependant, l’école peine à remplir cette fonction. Cette situation peut être expliquée par le recul des activités artistiques à l’école maternelle, le manque de structuration des enseignements artistiques à l’école élémentaire et le manque de pratique artistique collective qui marque le collège et encore plus le lycée où elle ne devient qu’optionnelle. Dans l’enseignement supérieur, la réalité est également préoccupante puisque seules les associations d’étudiants proposent des activités culturelles qui varient selon leurs moyens et le soutien des établissements. 

Les dispositifs spécifiques d’éducation artistique et culturelle (classes à projet artistique et culturel, classes aménagées, ateliers artistiques...) manquent de cohérence et ne touchent que 10 à 20% des jeunes. Les autre lieux de vie (entreprise, hôpitaux, prisons, maisons pour seniors...) sont marqués par des initiatives intéressantes mais disparates et inégalement réparties sur les territoires. 

Cette difficulté à toucher tous les publics tout au long de la vie est aggravée par une complémentarité insuffisante entre les différents acteurs de l’éducation artistique et culturelle, malgré leurs investissements. Si les associations jouent un rôle essentiel en proposant des activités intergénérationnelles et d’animation des territoires ainsi que de développement du monde des amateurs, elles souffrent de financements aléatoires sur des temps trop courts pour mener leurs actions. De leur côté, les artistes sont contraints par des règles qui ne permettent pas la reconnaissance de leurs interventions auprès de publics scolaires. Les institutions culturelles peinent à mettre en oeuvre une véritable mixité sociale de leurs publics. 

Enfin, le manque de formation initiale et continue de l’ensemble des intervenants (enseignants, artistes ou intervenants) constitue un obstacle à la généralisation de l’éducation artistique et culturelle sur le plan didactique. 

 

 

 

 

Soumis par   le 30 Octobre 2013