Rencontre de l’AFEF avec la mission Consultation bac - 11 décembre 2017 - Ministère de l'Education nationale


« Mais vous voulez bien former une élite ? » Est-il nécessaire de rapporter notre surprise et notre réponse ?

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L’AFEF a été reçue dans le cadre de la consultation sur le baccalauréat, par Pierre Mathiot, chargé de la mission sur le baccalauréat, Souâd Ayada, nouvelle présidente du Conseil supérieur des programmes, une inspectrice générale de l’administration de l’éducation nationale et un inspecteur général de mathématiques. Ce rendez-vous ne faisait pas suite à une invitation de la mission consultation-bac, qui n’avait pas pensé à nous lors de l’invitation faite aux autres associations de « professeurs de lettres », et qui, elles, avaient reçu la lettre de mission de M. Mathiot. Notre insistance à être reçues avait pour but de faire valoir la voix de l’AFEF, et à ce qu’elle ne soit pas oubliée dans les étapes suivantes de la consultation sur l’organisation et les programmes du lycée.

 

Nous présentons l’association que nous représentons, en indiquant le changement de nom récent destiné à prendre en compte l’ensemble des enseignant·e·s selon notre devise, de la maternelle à l’université.

 

Interpelées sur les informations que nous venions chercher, nous commençons par nous étonner que la modification du baccalauréat ne soit pas liée à une modification du lycée : comment dissocier les deux ? Vu le caractère prescripteur de l’examen final, le type d’épreuves aura des répercussions sur les années de lycée.

P. Mathiot nous répond qu’il s’agit d’une première étape, et que modifications du baccalauréat et du lycée sont liées, mais il faut faire des propositions rapidement sur le bac, pour que le ministre puisse faire une annonce dès le mois de mars. Une annonce de plus, et vite.

 

Nos remarques liminaires sur la hiérarchisation inéquitable provoquée par l’architecture actuelle du lycée en filières rencontrent l’assentiment de nos interlocuteurs. Nous faisons remarquer que nous souhaitons un enseignement du français qui soit de langue, de langage et de littérature, et que les filières actuelles ne permettent pas aux élèves vraiment intéressés par la littérature de suivre l’enseignement de leur choix, puisque la pression sociale et professionnelle les en éloigne. Nous avançons l’idée d’une continuation de l’enseignement de la littérature au début du supérieur, pour tous les élèves, en réponse aux demandes des employeurs d’avoir des étudiants mieux formés dans les humanités. Mais cette proposition dépasse le cadre de la réflexion sur le baccalauréat.

 

Nous demandons combien d’épreuves sont prévues en examen terminal, et si le français en ferait partie. Quatre épreuves nous sont annoncées en classe terminale, sans plus de précision, le français restant épreuve anticipée de première. Les épreuves de terminale comprendraient un grand oral que nos interlocuteurs précisent peu à peu. Ce grand oral de terminale serait une version augmentée des TPE, pouvant se dérouler sur un an et demi, depuis le deuxième semestre de 1ère (on s’oriente vers des semestres, au moins en première et terminale). Il s’agirait d’une préparation interdisciplinaire, en fonction des disciplines engagées dans la thématique choisie, et qui pourrait porter sur une œuvre littéraire. On semble s’orienter, en première et terminale, vers une série de disciplines majeures et de mineures, choisies par les élèves, dans lesquelles le français pourrait être présent à tous les niveaux selon les thèmes choisis par les élèves, ils feraient tous du français en première comme tronc commun pour la préparation de l’examen de fin d’année, et pourraient continuer le français en terminale s’ils le prennent en majeure ou en mineure.

 

Quels changements dans les épreuves ? Nous avançons que changer les épreuves aura des répercussions sur l’enseignement. La question des programmes va être traitée ensuite, avec des évolutions et modifications possibles. Mais notre conservation se cantonne pour l’instant aux épreuves. Nous regrettons que les épreuves telles qu’elles sont actuellement ne mesurent pas les apprentissages que nous défendons ; l’oral est davantage une épreuve de répétition et reproduction d’un cadre formaté qu’une épreuve de communication orale et de réflexion littéraire ; et l’écrit, avec ses épreuves nombreuses et très formelles, conduit à des apprentissages techniques chronophages au détriment d’une formation littéraire qui permette aux élèves de saisir que la littérature nous parle du monde, leur parle d’eux.

Pour l’écrit, nos interlocuteurs semblent s’orienter vers une diminution du nombre d’épreuves, pour retrouver le sens des épreuves ; nous discutons de la dissertation, et S. Ayada propose de lui redonner son sens premier d’une écriture de discussion et réflexion ; nous faisons remarquer que si on ne change pas le nom, il y a peu de chances que l’épreuve change dans les faits ; nous demandons que soit introduit un véritable travail d’écriture créative, et pas seulement de la glose ; le commentaire composé ne fait pas vraiment l’objet d’une discussion.

Pour l’oral, nos interlocuteurs saisissent nos propositions d’une véritable préparation pour le grand oral de terminale : l’idée de donner au professeur de français un rôle spécifique de préparation à la communication, notamment par le théâtre et le cinéma, est retenue, et pourrait faire l’objet d’une mention spéciale rappelant ce rôle. Il n’est pas du tout sûr que deux épreuves de français soient retenues en première et nos interlocuteurs semblent surtout favorables à la seule conservation d’une épreuve écrite.

 

Nous avançons l’idée d’un rôle de l’enseignant de français au lycée qui pourrait être, outre l’enseignement littéraire, de confronter les différents usages de la langue et des langages, telle une cheville ouvrière de l’interdisciplinarité. On pourrait ainsi proposer une mission confiée aux enseignants de français volontaires avec des temps dédiés ; l’enseignant de français assurerait la coordination d’un travail sur les langages dans les disciplines. Nos interlocuteurs nous rétorquent que cette question ne concerne pas strictement le lycée, et qu’elle devrait être commencée bien plus tôt. Nous acquiesçons mais répétons que cette idée est importante, et que nous tenons à la dire pour qu’elle ne soit pas oubliée dans l’École.

 

Nous sommes interpelées sur la littérature de jeunesse, la rédaction et la dictée au collège ; nous affirmons le rôle de la littérature de jeunesse au collège, mais aussi au lycée de manière à entrer dans la littérature patrimoniale par une littérature plus proche du quotidien des élèves, et non par la chronologie comme l’a affirmé le ministre.  Concernant la rédaction, nous affirmons la nécessité de faire écrire beaucoup les élèves, dans des écrits variés. Et la dictée provoque, bien sûr, une passe d’armes dont les détails ne sont probablement pas nécessaires.

 

Nous terminons par quelques mots sur les programmes. Nos interlocuteurs veulent notre sentiment sur la seconde, qu’ils ne souhaitent pas modifier pour l’instant. Nous leur disons que le programme de français en seconde pose des bases, et que les collègues se sentent plus libres qu’en première, et qu’ils le seraient encore plus avec une pression moindre de l’EAF. Le problème est peut-être actuellement moins dans les programmes eux-mêmes que dans l’architecture du lycée. Cette même réflexion pourrait valoir pour la classe de première, peut-être que changer l’EAF pourrait changer la manière d’enseigner en première, sans qu’il soit nécessaire de changer fondamentalement le programme. Cette question est à réfléchir, et nous signalons à nos interlocuteurs que nous souhaitons que l’AFEF soit associée à la réflexion sur l’organisation et les programmes de lycée. Espérons que notre insistance à être reçues aura porté ses fruits.

 

Isabelle Henry, secrétaire de l’AFEF
  Viviane Youx, présidente de l’AFEF 

Soumis par   le 12 Décembre 2017