Coordonné par Fatima Chnane-Davin, Fabienne Lallement et Valérie Spaëth
Recherches et applications, n°64, juillet 2018 - Le français dans le monde, CLE International
Coordonné par Fatima Chnane-Davin, Fabienne Lallement et Valérie Spaëth
Note de lecture de Gérard Malbosc
Si l’on peut assez aisément définir ce que serait, ce qu’est même, la Francophonie, définir les francophonies pose davantage de problèmes.
Ensuite, comment faire pour enseigner l’une ? Les autres ? et à qui ?
Quelques questions et essais de réponse dans ce numéro.
1) La Francophonie/les francophonies
La Francophonie est institutionnelle. Il s’agit des instances officielles qui organisent et régissent le domaine, c’est-à-dire l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et ses opérateurs, par le biais également des réunions de dirigeants qu’elle peut rassembler. L’OIF dispose d’un site sur lequel tous ces renseignements sont disponibles. En outre, l’histoire de la Francophonie est relativement facile à tracer, et également bien accessible. C’est une histoire dont l’aspect politique est également bien documenté. Il est donc facile d’enseigner la Francophonie si on le souhaite.
Les francophonies renverraient pour leur part aux domaines culturels, linguistiques, didactiques. En incluant dans « linguistiques » toutes les facettes du domaine, c’est-à-dire la sociolinguistique, les variations linguistiques, non seulement lalittérature mais leslittératures, les diverses manières d’enseigner la langue en fonction des conditions d’enseignement et des besoins, qu’ils soient bien caractérisés par les apprenants eux-mêmes ou décidés par l’institution, tout cela dépendant également des conditions socio-politiques locales.
La tâche est donc nettement plus ardue et nécessite bien des recherches pour parvenir à définir cet objet.
2) Enseigner mais quoi ?
Jusqu’à récemment, si un enseignement portait sur un domaine de la francophonie, il s’agissait de littérature. En France, on entend par « littérature francophone » celle écrite dans notre langue par un écrivain non français natif d’un pays réputé « francophone », c’est-à-dire une ancienne colonie d’Afrique, le Canada, la Belgique, la Suisse. On avait ainsi du mal à classer Hector Bianciotti, pour ne citer qu’un exemple, parmi les écrivains francophones…Et, bien entendu, la littérature française est à part.
Ce qui pose clairement la question des « centres ». On considère maintenant de plus en plus, et surtout si l’on veut l’enseigner, qu’il y a plusieurs centres. Et que si un seul centre apparaissait auparavant, on si l’on ne renvoyait qu’à un seul centre, c’était, au choix, par habitude, par penchant colonialiste, par soumission de colonisé, par manque de discernement…
De la même manière – et ces points renvoient à la question précédente – un Hongrois ou un Chinois capable de vivre et travailler en français ne rentrait que difficilement dans la catégorie « francophone ».
S’il y a plusieurs centres, il y a donc plusieurs cercles, qui se recoupent partiellement selon les « niveaux » de francophonie et les conditions d’emploi.
Et ces cercles de culture (au sens le plus large) francophone produisent de la variation, laquelle peut faire l’objet d’enseignement : les mots et expressions de tel ou tel pays, les littératures et leurs caractéristiques (y a-t-il une littérature acadienne ou sénégalaise spécifiques, caractérisables comme telle ?), les didactiques de la langue, des langues locales et leur place respective, voire des autres disciplines enseignées en français et leur langage.
3) Enseigner, mais à qui ?
Les littératures francophones devraient naturellement trouver leur place dans l’enseignement, en France en particulier (de même que les littératures étrangères, mais c’est une autre question). Signalons au passage qu’au Royaume Uni, les littératures en anglais non originaires du pays ont été bannies des programmes scolaires (Steinbeck, Hemingway…no comment !). Trouver place dans l’enseignement scolaire, dans l’enseignement universitaire également bien entendu, et au préalable, de façon que les enseignants de français/lettres y soient formés.
Les mots de la francophonie ont plutôt un aspect anecdotique, même si en connaitre certains peut éviter des malentendus (ainsi, savoir que « gosse » en québécois signifie « testicule »…). Mais il s’agit d’éléments relativement faciles, que l’on peut découvrir en cas de besoin, comme n’importe quel vocabulaire technique dans une langue étrangère.
Les conditions de production de la variation et d’emploi des langues quand plusieurs sont en concurrence dans le pays sont en revanche des éléments autrement plus importants parce que signifiants. Et même en France, pour les élèves comme pour les enseignants, ces questions et leurs réponses méritent toute l’attention (mais ce n’est pas l’objet de ce numéro).
Enfin, tous ces éléments, tous ces domaines, qui concernent la Francophonie et les francophonies sont diversement sollicités par les apprenants, selon leur niveau d’enseignement, leur pays, leurs habitudes d’étude, leurs besoins réels ou supposés, actuels ou futurs. Leur analyse est donc nécessaire pour une meilleure prise en compte dans l’enseignement et la formation. Cette analyse doit permettre une meilleure connaissance des multiples centres de la francophonie.
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